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Désignations prud'hommes : une annulation de l'arrêté de répartition des sièges sans conséquence

Publié le 14/05/2019

Le 24 avril 2019, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud’hommes. Si cette décision a fait craindre pendant un temps de lourdes conséquences sur les conseils de prud'hommes et leur fonctionnement, il s'avère finalement que ses conséquences sont quasi inexistantes. CE, 24.04.19, n°405793

Quelles sont les conséquences de la décision du Conseil d'Etat annulant l'arrêté du 5 mai 2017 portant répartition des sièges des conseillers prud'hommes ? Telle est la question que la CFDT a rapidement posé au Ministère de la Justice après avoir pris connaissance de l'arrêt en question. La réponse est finalement venue, non pas de la Chancellerie, mais de la Direction générale en fin de semaine dernière. Mais avant d'en donner la teneur, revenons quelques instant sur la décision du Conseil d'Etat.

  • Une annulation "sèche" de l'arrête du 5 mai 2017

Par une décision en date du 24 avril 2019, le Conseil d’Etat a annulé une grande partie de l’arrêté du 5 mai 2017 portant attribution des sièges de conseillers prud’hommes et calendrier de dépôt des candidatures. Plus précisément, il a annulé :

-        Le 2° de l’article 1 er qui concerne l’attribution des sièges de conseillers prud'hommes pour les organisations patronales,

-        L’article 2 qui fixe la période de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller prud'homme, par les organisations syndicales et professionnelles,

-        L’article 3 qui prévoit les voies de recours contre l’arrêté.

Pour mémoire, cet arrêté fixait la répartition des sièges par conseil de prud’hommes, par section et par organisation patronale et syndicale.

Il s’agit d’une annulation sèche, sans aucune modulation de cette annulation dans le temps. Celle-ci nous a rapidement inquiété tant les conséquences envisageables paraissaient lourdes : annulation des désignations employeurs, voire même désignations salariés (basée sur un calendrier de dépôt des candidatures annulé), impossibilité pour les conseils de prud’hommes de continuer à fonctionner en l’état de cette décision, possible remise en cause des décisions rendues depuis le 1e janvier 2018.

Cette annulation a généré assez rapidement une vive inquiétude, en particulier au sein des conseils de prud’hommes. Les nombreux questionnements soulevés ont même conduit, dès lundi 29 avril, un juge départiteur à annuler et renvoyer les affaires du jour, et à annuler les délibérés prévus le lendemain. D’autres conseillers prud’hommes ont également envisagé une suspension des audiences à venir.

  • Une annulation sans conséquences sur le fonctionnement des conseils de prud'hommes

Une lecture approfondie de l’arrêt du Conseil d’Etat, et une attention portée aux actes ayant été pris suite à l’arrêté du 5 mai 2017 ayant fait l’objet de l’annulation, permettent in fine de relativiser les effets de cette annulation, inexistants. 

En effet, l’arrêté du 5 mai 2017 annulé par le Conseil d’Etat avait fait l’objet d’un arrêté rectificatif le 2 août 2017. Celui-ci contient un tableau de répartition des sièges par organisation syndicale et organisation patronale, par conseil de prud’hommes et par section modifié. C’est sur la base de ce tableau que les désignations ont eu lieu. Par ailleurs, l’arrêté du 2 août est venu modifier la période de dépôt des candidatures, sur la base de laquelle les désignations ont eu lieu.

L’arrêté du 2 août 2017 s'est donc substitué à celui-ci du 5 mai 2017. Cet arrêté n’ayant pas fait l’objet d’une annulation, nous pouvons en déduire que les désignations faites sur son fondement restent valables, que les décisions prises depuis le 1er janvier 2018 le sont tout autant, et qu’il n’y a pas de risque en terme de fonctionnement des CPH.

  • Une analyse confirmée par la Direction générale du travail

Par un mail en date du 10 mai 2019 adressé à l'ensemble des membres du Conseil supérieur de la prud'homie, la Direction générale a confirmé cette analyse. Après avoir rapelé qu'un second arrêté avait été pris le 2 août 2017, elle précise que "Les nominations aux fonctions de conseillers prud’hommes pour le mandat 2018-2021 ne sont donc pas impactées par cette décision du 24 avril". 

  • Un arrêt sans conséquence, mais aux enseignements riches en ce qui concerne la consultation du Conseil supérieur de la prud'homie

Au-delà des inquiétudes qu'a suscité l'arrêt du Conseil d'Etat, celui-ci mérite malgré tout d'être "salué" sur les raisons qui ont conduit à l'annulation de l'arrêté.

Parmis l'ensemble des arguments avancés par les organisations syndicales et les organisaitons patronales réquerantes, un seul est retenu par le Conseil d'Etat pour prononcer l'annulation : celui relatif à la consultation du Conseil supérieur de la prud'homie.

L'organisation patronale requérante demandait l'annulation de l'arrêté au motif que les membres du Conseil supérieur de la prud'homie, bien que consultés sur le projet d'arrêté, n'avaient pas été mis en mesure de porter sur celui-ci une appréciation éclairée.

Le Conseil d'Etat, après avoir rappelé que le Conseil supérieur de la prud'homie doit être consulté sur les projets de loi et de règlement concerant notamment la désignation des conseillers prud'hommes, en déduit qu'il devait y avoir une consultation sur le projet d'arrêté litigieux. Il constate ensuite que le Conseil supérieur de la prud'homie, réuni le 27 avril 2017 en vue d'être consulté sur le projet d'arrêté, n'avait eu communication dudit projet que le matin même, sans qu'aucun élément n'aient été communiqué au préalable. Or, comme le souligne justement le Conseil d'Etat, le projet d'arrêté contenait la répartition des sièges résultant de l'addition de nombreux résultats, suivants l'affiliation de nombreuses organisations, secteur par secteur, représentant des centaines de pages de documents. De ces constats, le Conseil d'Etat en déduit que "les membres du Conseil supérieur de la prud'homie n'ont pas disposé des documents nécessaires à l'exercice de leur mission dans un délai leur permettant d'en prendre utiliement connaissance et qu'ils ont, par suite, été privés d'une garantie". 

La consultation du Conseil supérieur de la prud'homie n'est donc pas un simple "formalité"... Espérons que les ministères concernés sauront tirer les enseignements de cette décision. A bon entendeur !