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Covid-19 : mon entreprise ferme le dimanche, peut-elle modifier mes horaires ?

Publié le 15/04/2020

Afin de faire face à la crise sanitaire actuelle, tous les employeurs ont dû adapter leurs comportements en termes d’hygiène et de sécurité. Mais entre nécessité de protéger les salariés et baisse d’activité engendrée par le confinement, nombre d’entre eux ont également dû prendre des mesures liées à l’organisation du travail : recours au télétravail, mise en activité partielle, mais aussi aménagement du poste, ou encore modification des horaires de travail.

Dans quelle mesure ces modifications s’imposent-elles alors aux salariés ? Plus précisément, un employeur qui décide de fermer son établissement le dimanche peut-il modifier les horaires de travail des salariés ?

Voici quelques éléments de réponse...

S’il est clair que la durée du travail ne peut être modifiée par l’employeur sans l’accord du salarié, il n’en est pas de même s’agissant des horaires de travail !

Cela dit, la possibilité, pour l’employeur, de modifier ces horaires va dépendre de plusieurs paramètres :

- de la durée du travail du salarié (est-il à temps plein ou à temps partiel ?) ;

- des termes précis du contrat de travail (les jours de travail sont-ils mentionnés à titre indicatif ou de manière impérative ?) ;

- des éventuels aménagements du temps de travail mis en place dans l’entreprise (y a-t-il un aménagement du temps de travail au-delà de la semaine, ou autre dispositif ?) ;

- de la présence ou non d’un accord collectif ;

- etc.

Bref, autant de critères susceptibles de générer des réponses différentes.

Voici néanmoins quelques précisions.

  • Les salariés à temps plein : un large pouvoir de l'employeur

On considère que la modification des horaires de travail d’un salarié à temps complet (en dehors de tout aménagement spécifique du temps de travail) ne constitue pas une modification de son contrat de travail, mais un simple changement de ses conditions de travail. Ce changement relevant du pouvoir de direction de l’employeur, le salarié ne peut donc pas, en principe, s’y opposer.

Il existe néanmoins au moins 3 exceptions à ce principe, lorsque :

  1. les horaires ont été contractualisés, c’est-à-dire qu’ils ont fait l’objet d’un commun accord entre le salarié et l’employeur.

Un salarié peut par exemple refuser la permutation du travail du matin à l’après-midi sans que cela soit considéré comme un motif légitime de licenciement (1) si cela a été contractualisé. Dans ce cas, un refus de modification n’est pas un motif légitime de licenciement.

        2.  la modification entraîne un bouleversement très important des conditions de travail, c’est par exemple le cas :

- du passage d’un horaire fixe à un horaire variable (2) ,

- du passage d’un horaire continu à un horaire discontinu (3),

- du passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit (4) ou inversement (5),

- de la modification des horaires ayant pour effet d’imposer au salarié une pause de 4 h à la mi-journée et de le priver d’une demi-journée de repos hebdomadaire (6).

Concernant plus spécifiquement le travail du dimanche, la question se pose souvent à l’inverse, notamment lorsqu’il est demandé à un salarié, de travailler un dimanche. Ainsi, le passage d'1 dimanche sur 3 travaillé à 2 dimanches sur 3 constitue-t-il une modification du contrat de travail (7).
La même solution a été retenue concernant une nouvelle répartition des horaires de travail entraînant la suppression du repos dominical et ce, quand bien même l’entreprise bénéficierait d’une dérogation permanente à ce repos, ou encore que la modification serait justifiée par des impératifs de fonctionnement (8).

Pour certains, en interprétant cette jurisprudence a contrario, la suppression du travail du dimanche pourrait également être considérée comme une modification du contrat de travail.

Attention : une telle interprétation relève de l’appréciation souveraine des juges du fond !

   3.  le changement d’horaires porte une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale. C’est par exemple le cas lorsque l’employeur décide de faire travailler le salarié le mercredi au lieu du samedi alors qu’il savait, en tant que beau-frère de celui-ci, que ce changement d’horaires portait une atteinte excessive au droit au respect de sa vie personnelle et familiale (9).

En dehors de ces exceptions, la modification de la répartition des horaires de travail sur la semaine s’imposera aux salariés.

 

Et si la modification des horaires entraîne une diminution du salaire ?

La rémunération est, au même titre que la durée du travail, un élément essentiel du contrat de travail, qui ne peut être modifié par l’employeur sans l’accord du salarié. En principe, une modification des horaires ne devrait pas entraîner de perte de salaire, puisque l’employeur ne touche pas à la durée du travail, mais seulement à la façon dont il va répartir les heures de travail sur la semaine (ou le mois).

Mais il arrive qu’une telle modification ait des incidences sur la rémunération du salarié, notamment lorsque ce changement d’horaires entraîne la perte de primes. La jurisprudence est malheureusement assez stricte sur ce point. Il a par exemple été jugé qu’un changement d’horaires s’accompagnant pourtant d’une diminution de la rémunération résultant de la perte d’une prime (de panier en l’occurrence) liée à des sujétions ayant disparu dans le cadre du nouvel horaire, s’imposait au salarié (10).

La solution retenue pourrait donc être la même dans le cas où une réorganisation du travail fait perdre une prime ou une majoration de salaire liées au travail du dimanche.

 

  • Les salariés à temps partiel : une possibilité de modification plus encadrée

Pour ces salariés, les règles sont tout autres, car contrairement aux salariés à temps complet, ceux-ci doivent être en mesure de connaître à l’avance la répartition de leurs heures de travail. Ce qui leur permet d’exercer une autre activité (professionnelle ou non), de s’occuper de leurs enfants, de suivre des études, etc.

C’est donc pour leur permettre de prévoir le rythme auquel ils devront travailler et éviter qu’ils soient mis à la disposition permanente de leur employeur que le Code du travail a posé certaines règles.

Ainsi, le contrat de travail à temps partiel doit-il en principe mentionner :

- la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue ;

- la répartition de leurs horaires entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

- les limites dans lesquelles seront effectuées les heures complémentaires.

Leur contrat de travail doit également prévoir les cas dans lesquels il pourra y avoir une modification éventuelle de la répartition de ces horaires ainsi que la nature de cette modification (11). Toute modification de la répartition de la durée du travail entres les jours de la semaines ou les semaines du mois doit être notifiée au salarié au moins 7 jours à l’avance, sauf dispositions contraires d’un accord collectif, qui peut fixer un délai moindre (sans pouvoir être inférieur à 3 jours ouvrés (12).

Si vous êtes à temps partiel et que votre employeur vous demande de modifier la répartition de votre durée du travail, il faut donc d’abord vérifier si l’employeur a bien respecté les modalités de modification des horaires prévues au contrat de travail (cas dans lesquels la modification est possible et les délais de prévenance). A défaut, votre refus d’accepter le changement ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement (13).

Attention : il y a des limites à la modification des horaires !

Il faut savoir que même si l’employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail selon les modalités prévues au contrat, le refus du salarié d’accepter ce changement ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement si ce changement n’est pas compatible :

-avec des obligations familiales impérieuses,

-avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur,

-avec une période d’activité, salariée ou non.

Enfin, il convient de rester vigilant sur ce point, car la Cour de cassation a également admis qu’une modification contractuelle pouvait s’analyser en un simple changement des conditions de travail, dès lors que la modification avait un caractère temporaire

Sur ce point, lire l’article suivant :

Covid-19 : peut-on modifier mon poste de travail ?

 



(1) Cass.soc.3.11.10, n°09-41132.

(2) Cass.soc.8.7.08, n°06-45769.

(3) Cass.soc.3.11.11, n°10-30033.

(4) Cass.soc.30.10.07, n°06-43455.

(5) Cass.soc.13.07.05, n°03-44866.

(6) Cass.soc.25.04.07, n°05-45106.

(7) Cass.soc.17.11.04, n°02-46.100.

(8) Cass.soc.18.01.12, n°10-17085; Cass.soc.5.06.13, n° 12-12.953.

(9) Cass.soc.8.11.11, n°10-19339

(10) Cass.soc.9.04.15, n°13-27624.

(11) Art L.3123-6 C.trav.

(12) Art L. 3123-11 et  L.3123-24 C.trav.

(13) Art L.3123-12 C.trav.