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Covid-19 : La CFDT réclame la tenue d’une réunion du Conseil supérieur de la prud’homie en urgence

Publié le 06/05/2020

Les mesures de confinement liées à la propagation du Covid-19 ont profondément affecté le fonctionnement des tribunaux et, parmi eux, celui des conseils de prud’hommes. Afin de tenter de remédier à cette difficulté majeure, des assouplissements temporaires de procédure ont été provisoirement mis sur pied le 26 mars dernier via la publication d’une ordonnance (1). Une telle initiative a pu être saluée par la CFDT, puisqu’elle visait clairement à aider la justice (et notamment les conseils de prud’hommes) à fonctionner tout au long de la période d’état d’urgence sanitaire (plus 1 mois) et ainsi à garantir un minimum de continuité du service public. Mais elle ne se suffisait pas en soi. Or, depuis le 25 mars, et malgré nos sollicitations, c’est silence radio du côté du ministère de la justice … Aussi la CFDT vient-elle de prendre l’initiative de réclamer la tenue d’une réunion en urgence d’un Conseil supérieur de la prud’homie.   

6 avril 2020. C’est la date à laquelle la CFDT a décidé d’interpeller la garde des Sceaux pour (notamment) lui demander ce qu’il en était de la capacité réelle des conseils de prud’hommes à fonctionner dans la période de crise sanitaire que nous commencions alors à connaître. L’ordonnance n° 2020-304, qui a provisoirement assoupli les règles de procédure, n’avait alors été publiée qu’une semaine avant… Pour nous, il s’agissait de demander si nous disposions « d’effectifs de conseillers mais aussi de personnels de greffe suffisants pour tenir les audiences » tout en rappelant que, « quelque soient les souplesses de fonctionnement et de procédure qui seront adoptées, ces juridictions ne pourraient fonctionner sans ces indispensables ressources humaines ». Tout le mois d’avril, nous avons attendu une réponse susceptible de rassurer ces légitimes inquiétudes. En vain !

Cette situation était d’autant plus inconfortable que, dans le même temps, les difficultés de terrain se multipliaient.  

  • Une reprise (encore) partielle de l’activité

Dans les premières semaines du confinement, c’est la quasi-intégralité des conseils de prud’hommes qui sont restés rideaux baissés…  Puis, petit à petit, la vie judiciaire a partiellement repris ses droits : là où des conseillers prud'hommes (des deux collèges) et des personnels de greffe ont recommencé à être mobilisables et là où les locaux permettaient d’assurer un fonctionnement susceptible de concilier tenue du débat contradictoire et respect des gestes barrières, des audiences de référé ont revu le jour. Ainsi, par exemple, dès la fin du mois d’avril, sur Boulogne-Billancourt et sur Nantes.

Et en ce début mai, nous commençons même à avoir des échos qui nous laissent espérer un redémarrage des auditions au fond dans les semaines à venir et dans certains conseils de prud’hommes

  • L’accès au droit : première problématique

Prenons tout de même garde à ne pas nous enflammer ! Ces quelques exemples positifs ne doivent pas déformer notre vision de l’existant : aujourd’hui encore, dans de nombreux conseils de prud’hommes, c'est bien plus compliqué ! Et ce, pour diverses raisons : locaux qui ne permettent pas de respecter les gestes barrières, car trop exigus ou pas suffisamment bien agencés, effectifs de greffe et/ou de conseillers prud’hommes insuffisants pour permettre d’assurer la tenue des audiences…

Or, qui dit absence d’audience dit aussi forcément impossibilité, pour les justiciables salariés, de faire valoir leur droit. Ce alors même que la situation de crise que nous connaissons depuis la mi-mars est clairement susceptible de générer l’émergence de nombreux contentieux. Une question se pose alors : comment admettre que, dans notre Etat de droit, le service public de la justice (du travail) ne puisse pas répondre partout présent ?

  • La possibilité de dessaisir des prud’hommes : seconde problématique

Comme nous venons de le voir, la situation actuelle est génératrice d’un risque pour l’effectivité de l’accès au droit. Mais comme un risque peut toujours en cacher un autre, il se trouve que l’identité prud’homale de la justice du travail pourrait elle-même se trouver altérée !

Certes, les textes dérogatoires du mois de mars dernier précisent que si une juridiction se trouve en tout ou partie dans l’incapacité de fonctionner, le premier président de la cour d’appel dont c’est le ressort désigne par ordonnance une autre juridiction de même nature et du même ressort pour connaître en tout ou partie de l’activité de la juridiction empêchée. Ce qui semble être de nature à garantir, autant que de besoin, un transfert de dossiers de conseil de prud’hommes à conseil de prud’hommes, et non un transfert de conseil de prud’hommes à une autre juridiction (composée de juges professionnels)(2).

Seulement voilà : cette disposition dérogatoire entre directement en concurrence avec une disposition, de droit commun celle-là ; disposition selon laquelle « en cas d’interruption du fonctionnement du conseil de prud’hommes ou en cas de difficultés graves rendant son fonctionnement impossible dans des conditions normales », ce même premier président de la cour d’appel peut désigner, sans plus de précision, « un ou plusieurs juges du ressort de la cour d’appel pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes »(3).

Et comme l’ordonnance n° 2020-304 n’écarte pas l’application de ce dernier texte, les premiers présidents de cour d’appel ont donc le choix d’appliquer l’un ou l’autre. Ainsi, confrontés à un dysfonctionnement de conseil de prud’hommes, ils peuvent à discrétion soit décider de rester dans le giron prud’homal, soit décider d’aller quérir d’autres juges (y compris des juges professionnels du tribunal judiciaire).

En conséquence, d’un ressort de cour d’appel à l’autre, les façons de faire peuvent être très différentes !

A titre d’exemple, le premier président de la cour d’appel de Lyon a décidé de transférer des dossiers prud’homaux vers le tribunal judiciaire, et donc vers ses juges professionnels tandis que, plus au nord, le premier président de la cour d’appel de Douai a, un temps, acté l’incapacité du conseil de prud’hommes de Lille à fonctionner avant de décider de transférer les dossiers de Lille à Valenciennes…

  • L’impérieuse nécessité de dialoguer avec l’administration

Sur le terrain, des protocoles de redémarrage des audiences plus ou moins bien formalisés commencent à se faire jour.

Dans un tel contexte, de nombreuses questions pratiques se posent. Nous devons donc le plus tôt possible disposer d’un endroit où les poser et où les traiter directement avec les interlocuteurs de nos ministères de tutelle.

Aussi, devons-nous être en mesure :

- d’accéder à un point de situation le plus global et le plus régulier possible sur tout le territoire ;

- de comprendre quelle impulsion le ministère de la Justice est prêt à donner pour une reprise effective d’activité dans les conseils de prud’hommes ;

- de commencer à appréhender l’après état d’urgence sanitaire (+ 1 mois).

C’est pourquoi, le 4 mai 2020, nous avons décidé de demander qu’un Conseil supérieur de la prud’homie (certainement dématérialisé) soit réuni le plus tôt possible.

Il ne reste donc désormais plus qu’à espérer que cette perche tendue sera saisie…

(1) Ordonnance n° 2020-304 du 25.03.20 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

(2) Art. 3 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25.03.20 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.

(3) Art. L. 1423-10-1 al. 1er C. trav.