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Harcèlement moral : les faits dénoncés doivent être qualifiés !

Publié le 27/09/2017

Un salarié qui dénonce des agissements de harcèlement moral ne bénéficie pas de la protection contre le licenciement s’il n’a pas expressément qualifié les faits dénoncés de « harcèlement moral». C’est ce qu’a regrettablement décidé la Cour de cassation dans un arrêt récent, publié au bulletin. Cass. soc. 13.09.2017, n°15-23045.

  • Faits et procédure

Dans cette affaire, un salarié a dénoncé, par courriel, subir des comportements « abjects, déstabilisants et profondément injustes ». Il demandait une rencontre avec son employeur afin de l’en aviser de vive voix.

L’employeur n’a pas reçu le salarié, loin s’en faut, il l’a licencié pour faute grave ! La lettre de licenciement reproche notamment au salarié d'avoir « essayé […] de créer l'illusion d'une brimade», proféré des accusations « diffamatoires » sans aucune justification, de tels faits étant qualifiés par l'employeur de dénigrement, de manque de respect manifesté par des propos injurieux, constitutifs d'un abus dans la liberté d'expression.

Le salarié, estimant avoir été licencié pour avoir relaté des agissements de harcèlement moral, a saisi la juridiction prud’homale pour demander la nullité du licenciement et sa réintégration dans l’entreprise.

La loi protège le salarié victime, témoin ou qui relate des agissements répétés de harcèlement moral ou des faits de harcèlement sexuel. Sous peine de nullité, le salarié ne peut être ni licencié, ni sanctionné pour ce motif (1). Seule la mauvaise foi peut rendre fautive la dénonciation d’un harcèlement moral ou sexuel et constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (2).

Les premiers juges ont fait droit à la demande du salarié. La cour d’appel a confirmé ce jugement, considérant que le salarié dénonçait bien des agissements de harcèlement moral « même si ces termes [n’étaient] pas formellement employés ».

La cour d’appel a, à juste titre, relevé le fait que l’employeur, qui était tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en matière de prévention du harcèlement moral, avait manqué à ses obligations en s'abstenant de recevoir le salarié. En effet, cela lui aurait permis d'être plus amplement informé sur les faits que celui-ci estimait subir dans le cadre de son travail et de procéder à leur vérification dans le cadre d'une enquête interne.

Elle a ajouté que l’employeur ne faisait aucunement la démonstration de la mauvaise foi du salarié, « laquelle ne se présume pas ». Pour les juges du fond, le salarié bénéficiait bien de la protection due au titre des articles L. 1152-2 et 3 et l’employeur ne pouvait pas le licencier pour avoir dénoncé des faits de harcèlement.

  • Une application très stricte de la protection du salarié par la Cour de cassation

La Haute juridiction a cassé l’arrêt d’appel considérant que « le salarié n'avait pas dénoncé des faits qualifiés par lui d'agissements de harcèlement moral ». En d’autres termes, pour bénéficier de la protection  contre le licenciement prévue par la loi, le salarié aurait dû expressément employer le terme « harcèlement moral ». A défaut, la protection ne joue pas quand bien même il dénonçait effectivement des agissements de cette nature.

Cette décision surprenante n’est pas satisfaisante à plusieurs titres.

D’abord, la loi n’est pas si restrictive. Elle offre une protection aux salariés ayant « témoigné de tels agissements ou les [ayant] relatés ». La loi vise bien uniquement les agissements mêmes et  n’impose nullement de qualifier les faits de harcèlement moral. En outre, une telle exigence de qualification expresse risque de priver bon nombre de salariés qui souhaitent dénoncer des faits de harcèlement moral sans nécessairement avoir conscience de la protection contre le licenciement à laquelle ils peuvent légalement prétendre. Pourtant, des faits de dénigrement, de comportement agressif ou encore de pression disciplinaire n’en sont pas moins du harcèlement moral, quand bien même ce mot n’aurait pas été employé. 

Quoi qu’il en soit, les salariés devront dorénavant veiller à utiliser cette qualification lorsqu’ils s’estiment victimes ou dénoncent des faits de harcèlement.



(1) Art. L.1152-2 et L.1152-3 C.trav.

(2) Cass. soc. 28.01.15 n° 13-22378

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