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DS supplémentaire : modalités de désignation en cas de liste commune

Publié le 08/03/2017

En cas de liste commune au comité d’entreprise (ou d’établissement), les syndicats ne seront plus obligés de désigner en commun un seul délégué syndical supplémentaire. En effet, la  Cour de cassation vient de préciser que chacun des syndicats ayant composé la liste peut désormais désigner son propre délégué syndical supplémentaire, dès lors qu’il remplit à lui seul les conditions légales. Cass.soc.22.02.17, n°15-28775.

Selon  L. 2143-4  du Code du travail «dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité d'entreprise et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges. Ce délégué supplémentaire est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise ou des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants». Depuis la loi du 20 août 2008, le DS supplémentaire n’est plus obligatoirement choisi parmi les adhérents du syndicat appartenant au collège des techniciens et agents de maîtrise ou à celui des cadres. A noter qu'auparavant, ce DS supplémentaire était appelé délégué syndical d’«encadrement».

  • Faits, Procédure

Dans cette affaire, la CFDT et l’UNSA décident de présenter une liste commune en vue de l’élection des membres d’un comité d’établissement à la RATP. Suite à cette élection, chaque syndicat désigne un DS supplémentaire, car chacun d’eux remplit les conditions légales pour le faire :

- il est représentatif,

- il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l’élection du comité de l’établissement ;

- il compte au moins un élu dans l’un des autres collèges.

L’employeur décide de saisir le tribunal d’instance car, selon lui, le fait pour les syndicats d’avoir présenté une liste commune les empêchait de désigner chacun un DS supplémentaire. La CFDT et l’UNSA ne pouvaient donc en désigner qu’un seul et en commun. Les juges du fond confirmant cette solution, un pourvoi en cassation est formé par les syndicats.  

La question posée à la Haute Cour est la suivante : en cas de liste commune, CHAQUE syndicat peut-il désigner son propre  DS supplémentaire ? 

  • Possibilité de désigner son propre DS supplémentaire si le syndicat remplit les conditions légales

Les juges du fond, s’appuyant sur un arrêt de la chambre sociale de 2008 (1), soutiennent que  la désignation d’un DS supplémentaire, en cas de liste commune, doit impérativement se faire en commun par les syndicats constituant la liste. Ces droits de représentation sont justement offerts au syndicat qui ne répond pas seul aux conditions de la loi. Les résultats électoraux doivent s’apprécier de manière commune et indivisible. Chaque syndicat ne peut donc désigner son propre DS supplémentaire, même si individuellement il remplit les conditions légales.

Dans notre affaire, la Cour de cassation va atténuer sa jurisprudence au visa de plusieurs articles du Code du travail (2). Après avoir rappelé les conditions pour désigner un DS supplémentaire, la Haute Cour ajoute qu’un syndicat de la liste commune peut désigner son propre DS supplémentaire, s’il remplit individuellement les conditions légales. Il faut alors prendre en compte la clé de répartition des suffrages communiqués avant le scrutin pour que chaque syndicat puisse désigner un DS supplémentaire au regard de sa propre audience et du nombre d’élus qu’il a obtenus sous son étiquette dans les différents collèges.

 

Depuis la loi du 20 août 2008, en cas de liste commune, il est possible d’établir une clé de répartition entre les syndicats afin de répartir par la suite les voix entre chaque syndicat composant la liste et de calculer ainsi leur représentativité au sein de l’entreprise ou encore de régler la question de futures désignations. Selon l’article L.2122-3 du Code du travail «lorsqu'une liste commune a été établie par des organisations syndicales, la répartition entre elles des suffrages exprimés se fait sur la base indiquée par les organisations syndicales concernées lors du dépôt de leur liste. A défaut d'indication, la répartition des suffrages se fait à part égale entre les organisations concernées».

  • La faculté de désigner un seul DS supplémentaire en commun est toujours possible

La Cour de cassation précise que cette solution est «sans préjudice de la possibilité pour les syndicats ayant constitué une liste commune de désigner ensemble un DS supplémentaire». Le fait de désigner son propre DS supplémentaire est donc une possibilité supplémentaire de désignation. 

Dans notre cas d’espèce, les deux syndicats remplissent les conditions, plus précisément celle liée à l'obtention d'élus à la fois dans le premier collège et dans le 2°ou 3°collège. Quid si seulement l'un d'eux avait rempli cette condition ?  A la lecture de l'attendu de principe de la Cour de cassation, il semblerait que :

- soit le syndicat qui remplit les conditions désigne son propre DS supplémentaire,

- soit un seul DS supplémentaire est désigné par la liste commune.

Pour éviter des litiges après les élections le plus simple serait encore de prévoir cette situation et d’anticiper ainsi le choix retenu.

  • Une solution se rapprochant de l’esprit de la position commune de 2008

La « méthode » de la clé de répartition, en cas de liste commune,  a été mise en place par la loi du 20 août 2008, afin notamment de faciliter les futures désignations.

Pour que cette clé de répartition soit opposable à l’employeur et aux organisations syndicales concernées, encore faut-il qu’elle soit portée avant le vote à la connaissance de l’employeur et des salariés électeurs (4) au moment de l'élection (en général sur le bulletin de vote). A défaut, la répartition se fait à part égale entre les OS concernées.  

La solution de cet arrêt est une bonne chose, puisqu’elle se rapproche de la philosophie de la position commune préalable à la loi de 2008 sur la réforme de la représentativité syndicale que la CFDT a signée et défendue. 

 

La même solution a été retenue pour le RS au CE : chaque syndicat peut désigner soit son propre RS au CE s’il remplit les conditions individuellement (5) soit en désigner un seul en commun.



(1) Cass.soc.18.11.08, n°08-60397.
(2) Art. L.2143-4 (désignation d’un DS supplémentaire), L.2122-1 (représentativité syndicale au niveau de l’entreprise et de l’établissement) et L.2122-3 (clé de répartition en cas de liste commune).
(3) Cass.soc.24.10.12, n°11-61166.
(4) Cass.soc.04.11.09, n°09-60066.