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Forfait jours : la rémunération minimale requise n’est pas un salaire minimum

Publié le 11/07/2018

Le fait qu’un accord collectif prévoie une condition de rémunération minimale pour qu’un salarié soit valablement soumis à une convention de forfait jours n’oblige pas nécessairement l’employeur à assurer à ces salariés un tel niveau de rémunération. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt récent, publié au bulletin. Cass.soc., 28.06.2018, n° 16-28.344.

  • Faits, procédure et prétention des parties

Dans cette affaire, il est fait application de la convention collective des avocats et de leur personnel. Ce texte réserve le forfait jours aux seuls cadres de niveau 1, coefficients 510 et 560, dont la rémunération globale brute est supérieure d’au moins 50 % au salaire minimum conventionnel du coefficient.

Le salarié est engagé en qualité de directeur de niveau 1, coefficient 510, par l’Ecole des avocats de la région Rhône-Alpes. Malgré son salaire inférieur à la rémunération mensuelle minimale prévue conventionnelle, une convention de forfait jours est conclue. 

Quelques années plus tard, le salarié est licencié pour faute grave. Il saisit alors la juridiction prud’homale pour contester le bien-fondé de ce licenciement. Il estime également ne pas avoir perçu la rémunération qui lui était due et demande aux juges d’ordonner le paiement de rappels de salaires au titre du non-respect de la rémunération minimale conventionnelle.

  • Un salaire minimum conventionnel ?

Les juges du fond font droit sa demande et lui accordent le paiement d’une somme à titre de rappel de salaire pour non-respect des « minima sociaux ». À l’appui de leur décision, les juges d’appel constatent que le salarié est un cadre autonome au forfait jours, forfait impliquant au sens de la convention collective une rémunération mensuelle minimale. Ils considèrent que l’employeur n’a pas respecté ses obligations, affirmant qu’il lui appartenait de verser au salarié une rémunération conforme aux « minima prévus par la convention collective ». Pour eux, ces dispositions semblent avoir la même nature qu’un salaire minimum conventionnel dont l’employeur aurait dû s’acquitter.

  • La rémunération minimale requise est une condition de validité du forfait 

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle considère que « si les salariés qui ne bénéficient pas d’une rémunération supérieure d’au moins 50 % au salaire minimum conventionnel du coefficient ne peuvent être valablement soumis à une convention de forfait en jours », la convention collective des avocats et de leur personnel ne fait aucunement « obligation à l’employeur d’assurer à ces salariés un tel niveau de rémunération ».

En d’autres termes, la condition minimale requise par la convention collective n’a d’incidence que sur la validité du forfait mais n’impose pas à l’employeur de verser à ces salariés au minimum cette rémunération. C’est une condition à l’application du forfait jour et pas un salaire minimum conventionnel.

En revanche, la Cour de cassation n’est pas très explicite sur la validité même de la convention de forfait. En effet, à défaut de pouvoir prétendre la rémunération minimale requise, le salarié aurait pu réclamer des sommes en raison de la violation des règles du forfait jours (rappels d’heures supplémentaires, dommages et intérêts…).