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Transaction : la notification du licenciement par lettre recommandée reste obligatoire

Publié le 30/10/2018

En cas de notification du licenciement par remise en main propre contre décharge, la transaction qui s’ensuit est nulle. La transaction n’est valable que si le licenciement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR). Le but étant de prouver avec certitude que la transaction a bien eu lieu après la rupture du contrat. C’est ce que vient de juger la Cour de cassation, qui maintient ainsi sa jurisprudence en la matière. Cass.soc.10.10.18, n°17-10.066.

  • Rappel des règles en matière de transaction

L’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

Par cet acte, le salarié renonce donc à contester son licenciement en justice. En revanche, il peut toujours contester la validité de la transaction. S’il s’avère que la transaction est considérée comme nulle, il pourra alors de nouveau contester son licenciement en justice. Il est donc essentiel de savoir si la transaction est valable ou non.

Ces deux conditions sont à respecter pour que la transaction soit valable :

-          la transaction doit intervenir après la rupture du contrat (article L.1231-4 C.trav.) ;

-          et pour être certain de prouver le respect de cette première condition, le licenciement doit être notifié par LRAR (article L.1232-6 C.trav.).

C’est de cette dernière condition dont il va être question dans cet arrêt.

  • Faits, procédure

Dans cette affaire, un salarié conclut une transaction après la notification de son licenciement par remise en main propre contre décharge. Quelques temps plus tard, le salarié décide de contester la transaction devant le juge prud’homal, au motif que son licenciement ne lui avait pas été notifié par LRAR. Le salarié s’appuyait ainsi sur la jurisprudence en la matière. En effet, la Cour de cassation a depuis toujours maintenu que pour que la transaction soit valide, le licenciement devait être notifié par LRAR (1). En 2010, elle avait d’ailleurs déjà réaffirmé sa position dans le cas d’un licenciement notifié par remise en main propre (2).

Pour les juges du fond, la transaction est cependant valide. Ils s’appuient sur l’évolution récente de la chambre sociale en matière de preuve de la notification du licenciement.

  • L’évolution jurisprudentielle en matière de preuve de la notification du licenciement

Bien que deux conditions soient à remplir pour que la transaction soit valide, l’évolution jurisprudentielle récente de la Cour de cassation en matière de preuve de la notification du licenciement laisse planer un doute concernant la seconde condition de validité : le fait que le licenciement doive être notifié par LRAR.

La Cour de cassation, qui avait déjà reconnu que la LRAR n’est qu’un moyen légal pour prévenir de toute contestation (3), a admis depuis 2014 que la notification de la lettre de licenciement pouvait se faire par tout moyen (4).

C’est sur la base de cette dernière jurisprudence que les juges du fond ont donné raison à l’employeur et ont reconnu valable la transaction qui suit un licenciement notifié par remise en main propre contre décharge. D’autant que pour les juges, la signature du salarié et la mention manuscrite de la date au moment de la remise de la lettre rendaient certaine sa notification et permettait de rapporter la preuve que la transaction avait bien eu lieu après la rupture du contrat de travail.

Pour les juges du fond, seule comptait dorénavant, pour juger de la validité de la transaction, le fait que les parties aient transigé après la notification du licenciement, peu important alors que la lettre de licenciement soit notifiée par LRAR ou non.

  • La transaction suivant un licenciement notifié par remise en main propre est nulle

Mais la Cour de cassation ne modifie pas sa position. À la lecture des articles du Code civil (art. 2044) et du Code du travail (L.1232-6 et L.1231-4), la Haute Cour réaffirme que pour être valable, la transaction doit être conclue postérieurement à un licenciement notifié par LRAR, seul moyen de prouver avec certitude que le licenciement a été notifié au salarié et qu’il avait connaissance des motifs du licenciement.  À défaut de quoi la transaction est nulle.

Comme pour l’arrêt de 2010, le fait de reconnaître que la notification du licenciement puisse se faire par remise en main propre ne change rien aux conditions de validité de conclusion d’une transaction.  Les deux conditions doivent toujours être respectées.

  • Solution favorable au salarié

Cette solution a le mérite de bénéficier au salarié, qui est en réalité le seul à avoir un intérêt à contester la transaction.

On peut se demander si la solution aurait été la même si le licenciement avait été notifié par voie d’huissier. Dans ce cas précis, l’antériorité de la notification du licenciement serait certaine, et ce sans que le salarié soit intervenu.

Enfin, peut-on en déduire que cet arrêt pourrait remettre en question la jurisprudence relative à la preuve de la notification du licenciement ? C’est peu probable, puisque l’arrêt de 2010 n’avait pas remis en question le fait que le licenciement puisse être notifié par remise en main propre, bien au contraire (cf. arrêt de 2014) !

Si la Cour de cassation fait preuve de souplesse concernant la preuve de la notification du licenciement, elle l’est beaucoup moins lorsque le licenciement est suivi d’une transaction. Acte qui, rappelons-le, fait obstacle à toute contestation en justice du licenciement.

(1) Cass.soc.14.01.04, n°01-46.549.

(2) Cass.soc.05.05.10, n°08-44.643.

(3) Cass.soc.16.06.09, n°08-40.722.

(4) Cass.soc.29.09.14, n°12-26.932.