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Salarié protégé : quand réintégration rime avec protection

Publié le 31/05/2017

Le salarié protégé dont l'autorisation de licenciement est annulée et qui est réintégré dans l'entreprise, mais pas dans son mandat (en raison du renouvellement de l'institution représentative), bénéficie d'une protection contre le licenciement d'une durée de 6 mois. Ce délai court à compter du jour où l'employeur exécute son obligation de réintégration en lui proposant un emploi équivalent. Cass.soc. 17.05.2017, n° 14-29.610 

  • La protection des représentants du salarié 

Afin de permettre aux représentants du personnel d'exercer en toute quiétude leur mandat et de les protéger contre d'éventuelles mesures de représailles ou d'intimidation, le législateur a institué une protection dite « spéciale ».

Cette protection interdit à l'employeur de licencier un représentant du personnel sans autorisation administrative de l'inspecteur du travail et lui donne un droit à réintégration et à une indemnisation spéciale en cas de non-respect de cette procédure ou si cette autorisation est annulée.

La protection joue pendant toute la durée du mandat des délégués du personnel. A la perte de leur mandat les anciens représentant continuent à bénéficier pendant un certain temps d'une protection contre le licenciement. Cette protection est de 6 mois à compter de la disparition de l'institution ou de l'expiration du mandat des intéressés (1).

Cette protection est d’ordre public. Il en résulte notamment que :

-         ni l’employeur, à qui il est  interdit de résilier le contrat de travail d'un représentant du personnel sans observer les formalités protectrices, ni le salarié, qui ne saurait renoncer à une protection qui lui est accordée pour l'exercice de sa mission, ne peuvent conclure un accord pour mettre fin au contrat en dehors des règles légales (2) ;

-          que les stipulations d'une convention collective ne sauraient faire obstacle à ces dispositions d'ordre public (3) ;

-      dans tous les cas où le Code du travail subordonne le licenciement à l'autorisation de l'inspecteur du travail, le licenciement prononcé sans autorisation ou malgré un refus d'autorisation est avéré nul (4),

  • Faits, procédure et problématique 

Une salariée a été engagée en qualité d’employée de restauration à temps partiel. Quelques années plus tard, celle-ci a été élue délégué du personnel.  Suite à la fermeture du restaurant, la salariée a été licenciée pour motif économique après autorisation de l’inspection du travail.

S’estimant lésée dans ses droits, la salariée a exercé un recours contre cette décision, qui a alors été annulée sur recours hiérarchique par décision ministérielle.

Lorsque l'administration prend une décision qui est défavorable, il est possible de lui demander de revoir sa décision par un recours administratif (procédure non contentieuse). Il peut être gracieux ou hiérarchique selon qu'il s'adresse directement à la personne qui a pris la décision ou à son supérieur hiérarchique.

La salariée a en conséquence demandé sa réintégration.  Deux postes lui ont alors été proposés. La salariée ayant refusé les deux postes, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable et cela sans avoir sollicité d’autorisation administrative.

Afin de faire valoir ses droits, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. La salariée réclame notamment l’annulation de son licenciement, sa réintégration, le paiement de dommages-intérêts et de rappel de salaires.

La cour d’appel déboute la salariée de ses demandes au motif que son mandat n'existait plus. En effet, durant le temps de son éviction de l’entreprise, de nouvelles élections professionnelles se sont tenues avec de nouveaux élus.  La cour d’appel estime en conséquence que le licenciement est intervenu à une date à laquelle la salariée ne disposait plus de la protection des délégués du personnel, soit plus de 6 mois après la réintégration. Le licenciement été donc valable.

Mécontente de la décision rendue par les juges du fond, la salariée décide de se pourvoir en cassation.

Comment s’apprécie la période de protection spéciale d’un représentant du personnel réintégré ?

Les conséquences n'étant pas les même lorsque la période de protection spéciale débute à la perte du mandat ou à compter de la réintégration dans l’entreprise, la problématique n’est pas anodine ! Dans le premier cas, l’employeur n’a pas à obtenir d’autorisation de l’administration pour licencier tandis que dans la seconde hypothèse, l’autorisation est nécessaire pour licencier.

  • La période de protection spéciale débute à compter de la réintégration du salarié dans l’entreprise

Les magistrats du Quai de l’Horloge estiment d’abord que le salarié protégé dont l'autorisation de licenciement est annulée, qui est réintégré mais pas dans son mandat (en raison du renouvellement de l'institution représentative) bénéficie d'une protection contre le licenciement d'une durée de 6 mois.  La chambre sociale ajoute que ce délai court à compter du jour où l'employeur exécute son obligation de réintégration en lui proposant un emploi équivalent comportant le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière.

Autrement dit, le délai court seulement au jour où l’employeur réintégre le salarié dans l’entreprise, et cela peu importe qu'il soit investi ou non d'un mandat de représentation du personnel.

En l’espèce, la salariée bénéficiait encore de la protection spéciale. L’employeur devait donc solliciter l’inspection du travail afin d’obtenir une autorisation avant de la licencier. La salariée obtient donc gain de cause.

Il convient de saluer la position de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui renforce davantage le statut des représentants du personnel. 



(1) C. trav. art. L.2411-3 et suivant.

(2) Cass.crim.26.11.85, n° 85-90.199 : Cass. soc., 16.03.99, n° 96-44.5510.

(3) Cass.crim.26.11.96, n° 94-86.016.

(4) Cass.soc.10.07.02, n° 00-40.301.