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Licenciement : Pas de permis, pas d’indemnité de préavis !

Publié le 05/04/2018

Lorsque le permis de conduire est indispensable à l’exécution de ses fonctions et que le salarié se le fait suspendre pour excès de vitesse durant son temps de travail, peut-il être sanctionné ? Si le licenciement pour cause réelle et sérieuse est admis, l’employeur peut-il pour autant priver le salarié de l’indemnité compensatrice de préavis (préavis qu'il ne peut exécuter du fait du retrait de son permis) ? Oui, nous répond la Cour de cassation, tout en nous rappelant les règles applicables en la matière. Cass.soc. 28.02.18, n°17-11.334.

  • Faits et procédure

Dans la présente affaire, un salarié technicien intervenant auprès d’une clientèle s’est vu suspendre son permis de conduire suite à un excès de vitesse, alors qu’il conduisait un véhicule professionnel durant son temps de travail. Ce n’est pas la première fois que ce salarié commet une telle infraction durant son temps de travail. Il a d’ailleurs déjà fait l’objet d’un avertissement à cette occasion. Mais cette fois-ci, l’employeur le licencie pour cause réelle et sérieuse. De plus, ne pouvant exécuter son préavis du fait de la suspension de son permis de conduire, le salarié se voit priver du versement de l’indemnité compensatrice de préavis.

Ce dernier a alors saisi le juge prud’homal pour contester son licenciement et demander le versement de l’indemnité compensatrice de préavis. La cour d’appel a confirmé le jugement du Conseil de prud’hommes et a débouté le salarié de ses demandes. Celui-ci a tenté sa dernière chance en formant un pourvoi en cassation.

La question qui se pose vise à savoir si le fait qu’un salarié se soit fait suspendre son permis de conduire, lequel est indispensable à l’exécution de son activité professionnelle, justifie un licenciement pour cause réelle et sérieuse et le non-versement de l’indemnité compensatrice de préavis.

  • La suspension du permis de conduire peut justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse

Même s’il ne conteste pas son excès de vitesse, le salarié soutient que cette infraction a été générée par les ordres et le choix de l’employeur qui lui a enjoint à 15h30 d’intervenir à 16 h dans une entreprise alors qu’il se trouvait en intervention à 75 km de ce lieu. Pour le salarié, l’employeur aurait dû faire appel à un technicien plus proche.

Les juges du fond n’ont pas retenu l’argument avancé par le salarié. Ils considèrent que le fait qu’il ait été interpellé 51 km/h au-delà de la vitesse maximale autorisée au volant d’un véhicule de fonction constitue une faute au regard des règles de sécurité et des stipulations contractuelles. D’ailleurs, la Charte de Responsabilité et d’Engagement du véhicule utilitaire établie par l’employeur énonce que «dans tous les cas, aucune raison de nature professionnelle ne justifie d’enfreindre l’une quelconque des dispositions de la réglementation routière. Toute infraction au code de la route est sous la responsabilité du conducteur».

Pour la cour d’appel, la faute du salarié constitue bel et bien une cause réelle et sérieuse de licenciement. La sanction prononcée à l’égard du salarié est ici adaptée au non-respect des règles de conduite et tient compte également du fait que l’employeur lui avait déjà notifié un avertissement pour un autre excès de vitesse lui ayant déjà valu une suspension de permis de conduire.

  • Même dans ce cas, l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas due

Dans les arguments qu’il invoque, le salarié rappelle que la privation des indemnités compensatrices de préavis ne concerne que les licenciements pour faute grave (articles L1234-1 et L234-5 C. trav.). Or, le salarié soutient que l’impossibilité d’exécuter le préavis n’était pas de son fait, mais de celui de l’employeur. Pour lui, à la suite de la suspension immédiate de son permis de conduire, l’employeur aurait dû le reclasser temporairement sur l’un des postes disponibles de mécanicien résident, comme il l’avait fait lors de sa première suspension de permis de conduire. Comme il s’était tenu à la disposition de son employeur, ce dernier devait lui payer sa rémunération et lui fournir un travail. En conséquence, le salarié en conclut qu’en réalité, l’impossibilité d’exécuter le préavis est le fait de l’employeur et non le sien.

Sur ce point, la cour d’appel écarte aussi les arguments du salarié et le déboute de ses demandes. En guise de réponse, elle retient que le salarié «s’était mis lui-même, par la commission d'une infraction, dans l'impossibilité de fournir sa prestation de travail et qu'il importait peu que le salarié affirme s'être tenu à disposition de l'employeur».

 De plus, dans un tel cas de figure, l'obligation de reclassement ne pèse pas sur l’employeur.

La Cour de cassation approuve la décision retenue en appel et rejette le pourvoi par ces mots : «ayant fait ressortir que le permis de conduire était nécessaire à l'activité professionnelle du salarié, la cour d'appel, qui a constaté que celui-ci, du fait de la suspension de son permis de conduire, était dans l'impossibilité d'exécuter sa prestation de travail, y compris durant la période de préavis, a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision». 

La décision rendue nous semble logique et elle s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence selon laquelle le salarié n’a pas droit à l’indemnité compensatrice de préavis lorsqu’il est dans l’impossibilité d’exécuter le préavis. C’est le cas par exemple du salarié en maladie (1), en incarcération (2) ou qui s’est vu retirer son permis de conduire comme dans notre affaire.

La solution aurait pu être différente si le salarié n’avait pas été embauché exclusivement à la réalisation d’activités de conduite, mais était également employé à la réalisation de fonctions sur un poste sédentaire (3).



(1) Cass.soc.06.05.09, n°08-40997.

(2) Cass.soc.10.06.98, n°96-40.708.

(3) Cass.soc.15.04.16, n°15-12.533.