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Représentativité : précisions sur le représentant syndical au comité d’établissement

Publié le 12/11/2014

Faut-il privilégier le nombre ou la légitimité des représentants syndicaux aux comités d'établissement ? Le Code du travail a été interprété de manière extensive par les juges d’instance. Ils ont autorisé la désignation d’un RS au comité d’établissement par un syndicat qui n’était représentatif qu’au niveau de l’entreprise. Une décision qui percute l’esprit de la représentativité syndicale. TI Boulogne Billancourt, 06.10.14 ,n°11-14.000613.

On pensait que les débats entourant la désignation du représentant syndical au comité d’entreprise (RSCE) étaient clos... et pourtant! 

Depuis la Loi du 5 mars 2014, la possibilité de désigner un RSCE est, à nouveau réservée aux organisations syndicales représentatives dans les entreprises de plus de 300 salariés. Et ce, quel que soit le nombre d’élus au CE.

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, rien n’a changé, c’est toujours le délégué syndical qui est de droit représentant syndical au Comité d’entreprise.

Jusque-là, la loi du 20 août 2008 prévoyait que, pour les entreprises de plus de 300 salariés, seules les organisations syndicales disposant de 2 élus au comité d’entreprise pouvaient désigner un RSCE. Peu importait qu’ils soient représentatifs. Cette disposition a pu aboutir à des incongruités, par exemple celle d’un syndicat représentatif dans une entreprise (plus de 10 % aux élections CE), ne disposant que d’un élu CE, et qui ne pouvait désigner un RSCE. En revanche, un autre syndicat, non représentatif car présent uniquement au 2nd tour des élections, pouvait en bénéficier dès qu’il avait deux élus.

Dénoncée par la CFDT et pointée par la Cour de cassation dans son bilan de la Loi du 20 août 2008, cette disposition a été rectifiée par le législateur en 2014. L’article L. 2324-2 du Code du travail a été modifié en conséquence et prévoit désormais que « Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l’établissement peut désigner un représentant syndical au comité. ».

  • Niveau pertinent : entreprise ou établissement ?

C’est dans cette alternative offerte par le texte du Code « l’entreprise ou l’établissement » qu’un syndicat s’est engouffré pour réclamer le droit de désigner un RS au comité d’établissement, sur la base de la représentativité qu’il avait acquise au niveau de l’entreprise.

En l’espèce l’organisation, certes représentative au niveau de l’entreprise, n’avait pas passé la barre des 10 % au niveau de l’élection au comité d’établissement concerné par le RS.

Le tribunal s’est donc trouvé confronté à une question inédite : faut-il que la représentativité soit établie au niveau du comité d’établissement au sein duquel est désigné le RS, ou alors la représentativité au niveau de l'entreprise suffit à obtenir des désignations en cascade, dans chaque comité d’établissement du périmètre ?

Les juges d’instance ont considéré que les règles de désignation du RSCE doivent être interprétées de manière large, afin de permettre à un grand nombre d’organisations de désigner des représentants syndicaux. Pour les juges des Hauts de Seine : « il y a donc lieu de considérer qu’une organisation syndicale représentative au niveau de l’entreprise peut désigner un représentant au comité d’établissement, même si elle n’est pas représentative au niveau de cet établissement. »

Par conséquent, le fait pour ce syndicat d’être représentatif au niveau central lui permettait de désigner un RS dans tous les comités d’établissements couverts par l’entreprise.

Une décision qui ne va pas sans poser des problèmes de cohérence, par rapport au périmètre de mesure de la représentativité syndicale et par rapport à la légitimité des organisations qui désignent.

  • Déconnexion du périmètre de mesure et de désignation du RSCE

Dans sa décision, le tribunal a cherché à s’inscrire dans « l’esprit » la loi du 5 mars 2014. Cette loi qui a fait évoluer le cadre juridique de désignation du délégué syndical, en déconnectant périmètre de mesure de la représentativité syndicale et périmètre de désignation du DS.

Avant, la Cour de cassation (1) refusait de reconnaître la possibilité de désigner un DS au niveau des établissements où il n’y avait que des DP. Elle réclamait que les désignations ne se fassent que là où était mesurée la représentativité syndicale (comité d’entreprise ou d’établissement). Ce qui a eu pour conséquence de limiter drastiquement le nombre de délégués syndicaux qui se sont trouvés centralisés au niveau des CE et de fait éloignés des salariés. La loi du 5 mars 2014 est heureusement venue corriger cette jurisprudence

Désormais le Code du travail (art. L.2143-3 al 4) autorise la désignation d’un délégué syndical chaque fois qu’il y avait un établissement distinct c’est-à-dire « l’établissement regroupant des salariés placés sous la direction d’un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. »

C'est donc en extrapolant depuis la règle de désignation du DS, et en l’appliquant au RSCE, que le tribunal a fondé sa décision. Il a voulu déconnecter périmètre de mesure de la représentativité (comité d’entreprise) et périmètre de désignation du RS au CE (comité d’établissement).

  • Mesurer la représentativité au plus près des salariés

Une extrapolation qui a ses limites, puisque dans le cas visé par le Code du travail, le délégué syndical peut être désigné au sein de l'établissement, quand il n’existe pas de comité à ce niveau. Mais dans notre affaire, il existait bien un comité d’établissement dont on ne pouvait ignorer les résultats électoraux.

Or c’est bien au niveau de l’établissement que doit être mesurée la représentativité d’une organisation syndicale. C’est conforme à l’esprit de la loi du 20 août 2008 et des négociateurs de la réforme, qui ont voulu la fin de la représentativité présumée et irréfragable. L’audience électorale, qui est le critère central de la représentativité syndicale, doit être mesurée au plus près des salariés.

Par conséquent, dans une entreprise composée de plusieurs établissements distincts, quand il existe des comités d’établissements, la représentativité doit être mesurée au niveau de ces établissements (2). La représentativité de l’entreprise ne peut pas s’y substituer.

À notre sens, se baser sur le niveau supérieur pour fonder une désignation syndicale à un niveau inférieur (alors qu’il est possible de la mesurer à ce niveau) c’est risquer de réintroduire de la représentativité « présumée » et non plus « prouvée ».

En outre, cela impliquerait que le seul fait d’être représentatif dans l’entreprise, sans même disposer d’élus dans l'établissement précis, permettrait de désigner n’importe quel salarié de l’établissement comme RSCE (3). Ce qui peut représenter une forte intrusion au sein du comité d'établissement de la part d’une organisation syndicale qui n’aura même pas fait la preuve de sa légitimé à ce niveau.



(1) Cass. soc. 18.05.11 n°10-60283
(2) cf. circulaire DGT n°20 du 13 novembre 2008.
(3) La loi ne prévoit pas d’obligation de choisir le RSCE parmi les candidats aux élections professionnelles. 

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