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Salarié protégé : à quel moment s’apprécie la protection ?

Publié le 07/12/2016

Le Conseil d’État précise dans un arrêt récent, publié au recueil Lebon, que l’autorisation de licencier un salarié protégé est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de la convocation à l'entretien préalable au licenciement. CE, 23.11.2016, n° 39205.

En application l'article L. 2411-3 du code du travail, le délégué syndical(1) bénéficie d'une protection exceptionnelle contre le licenciement. Dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représente, son licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. À l'expiration du mandat, le salarié bénéficie d'une protection contre le licenciement fixée à 12 mois. La loi précise que le salarié bénéficie également de la protection lorsqu’il fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical, avant qu’il ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement.

  • Faits et procédure 

Dans cette affaire, le 2 avril 2012, l’employeur a sollicité, auprès de l’inspection du travail, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire un salarié qui avait détenu les mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise. Par une décision du 7 mai 2012, l'inspecteur du travail a refusé de délivrer cette autorisation. La société a formé un recours hiérarchique contre cette décision. En effet, elle estimait qu’entre le moment où elle avait demandé l’autorisation de licencier le salarié et la décision de refus de l’inspecteur du travail, le salarié avait perdu le bénéfice de la protection. Ainsi, selon elle, l’inspecteur du travail ne pouvait pas refuser le licenciement.

Le ministre du Travail a fait droit à la demande de la société en annulant cette décision au motif que l'inspecteur du travail aurait dû se déclarer incompétent dès lors qu'à la date à laquelle il s'est prononcé, la protection dont le salarié avait bénéficié durant les douze mois suivant la fin des mandats qu'il avait exercés avait cessé.

C’est ainsi que le salarié a saisi le tribunal administratif et la cour administrative d’appel qui ont toutes deux rejeté ses demandes appréciant, comme le ministre du Travail, l’existence de la protection au moment où l’inspecteur avait rendu sa décision.

Le salarié a formé un pourvoi devant le conseil d’Etat. La question était de savoir à quelle date devait s’apprécier la protection du salarié.

  • Appréciation de la protection à la date d’envoi de la convocation à l’entretien préalable

Le conseil d’Etat a annulé la décision des juges du fond. Il affirme « qu'en recherchant si le salarié bénéficiait de la protection à la date de la décision de l'administration et non, comme il lui incombait, à la date de l'envoi par l'employeur de la convocation du salarié à l'entretien préalable au licenciement, la cour administrative d'appel […] a commis une erreur de droit ».  

Il affirme très clairement que l’autorisation de licenciement est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement. 

Ce faisant, le conseil d’Etat confirme la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'employeur est tenu de demander l'autorisation administrative de licencier un salarié lorsque ce dernier bénéficie du statut protecteur à la date de l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement (et ce, même si la lettre de licenciement est envoyée postérieurement à l'expiration de la période de protection)(2).

Cette solution fait somme toute preuve de bon sens. En effet, c’est au moment où l’employeur prend la décision d’engager la procédure disciplinaire qu’il faut prendre en compte la protection du salarié.


(1) C’est le cas pour tous les salariés investis de fonctions représentatives (art L.2411-1 et L.2411-2 C.trav)

(2) Cass.soc.18.12.13, n° 12-23745

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