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Engagement syndical : le goût des autres

Publié le 21/12/2015

Invité dans le cadre de la Réserve citoyenne de l’éducation nationale, un militant CFDT est venu présenter son parcours syndical à des élèves de seconde d’un lycée professionnel de Rennes. Un engagement tourné vers les autres.

Assis tranquillement sur le coin du bureau, appuyant chacune de ses phrases de grands mouvements de mains, le prof du jour ne se distingue pas des collègues qui l’ont précédé ce vendredi 11 décembre dans la salle de classe du lycée professionnel Charles Tillon de Rennes. À un détail près. Il n’a aucun diplôme d’enseignant en poche.Son bagage ? Une expérience forgée dans les comités d’entreprise, les réunions de négociation avec les patrons ou les interventions pour défendre les droits des salariés. Tout ce qui constitue le quotidien d’un syndicaliste.

C’est cet engagement au service des autres que Thierry Mazure, militant CFDT, est venu présenter à une trentaine d’élèves de seconde. «Les syndicalistes, ce ne sont pas des porteurs de drapeaux qui font grève pour un oui ou pour un non. Ce sont avant tout des individus qui se demandent comment donner un coup de main aux autres, comment faire vivre concrètement un esprit de solidarité.»

Pendant deux heures, il a réussi un exploit : tenir en haleine des ados de 15-17 ans à grand renfort d’anecdotes, de petites provocations et d’interpellations. «Personne n’oblige quiconque à adhérer à un syndicat, rappelle-t-il d’emblée. C’est une démarche volontaire. Mais on y entre souvent en ouvrant une des quatre portes suivantes : le relationnel, la participation à un collectif, le refus des inégalités ou les valeurs communes. Appartenir à une «bande», aimer se retrouver entre amis, partager le même objectif, venir en aide à un copain en difficulté… Ce sont tous ces besoins, toutes ces envies qui suscitent des engagements. «Tout autour de vous, des garçons et des filles ne sont pas que des consommateurs, beaucoup se demandent, à leur niveau, ce qu’ils peuvent faire pour les autres. Y a-t-il parmi vous des délégués de classe ?» Quelques mains se lèvent, timidement. «Et bien dans une entreprise c’est pareil. Certains salariés se déclarent volontaires pour être porte-parole des autres et les défendre. Ils sont élus pour ça. C’est un droit.»

Un droit à la représentation du personnel qui n’est pas né du jour au lendemain. «Au 19e siècle, les journées de travail duraient quinze heures, on employait des enfants de 8 ans payés quatre fois moins que les adultes… On a bien évolué depuis, non ? Merci les syndicats !»

Se taire, c'est donner le pouvoir aux autres

Thierry déroule rapidement le fil de l’histoire du mouvement ouvrier. La défense des congés payés, la création de la sécurité sociale, la baisse du temps de travail… et les grands conflits sociaux : «Mai 1968, ça vous parle ?» Silence dans les rangs. «Pendant un mois, la France a été paralysée, les usines bloquées, les lycées fermés.» Sursaut sur les chaises. «Ça a surtout permis l’augmentation de 35 % du smig, le revenu garanti, la création des sections syndicales dans les entreprises, la quatrième semaine de congés payés…».

Mais le syndicalisme ce sont aussi les petits combats quotidiens. Celui qui a, par exemple, permis de sauver l’emploi de Djamila. Employée dans un organisme de protection sociale à Dijon, elle est accusée de favoritisme dans la délivrance des prestations. «On a réussi à prouver que ces accusations étaient infondées et qu’elle était en fait victime de discrimination raciale, explique Thierry. Si nous, les syndicalistes, n’avions rien fait, elle aurait été licenciée. »

Le message fait mouche. «Le monde idéal n’existe pas, reprend-il. L’avenir, c’est vous qui le ferez. Face à ce qui s’est passé en janvier et le 13 novembre, des hommes et des femmes ont dit : stop, on n’a pas peur». Tous les jours, on peut dire : stop, ce qui se passe autour de moi n’est pas normal. Les discriminations, ce n’est pas normal. Et dans ce cas, se taire, c’est donner le pouvoir aux autres. C’est le sens de mon témoignage de syndicaliste. »