Retour

Travailleurs détachés : suite et fin des décrets issus de la loi Macron

Publié le 07/09/2016

Les derniers décrets d’application de la loi Macron, luttant contre les fraudes liées au détachement sont sortis quelques jours avant la publication de la loi Travail (1). Plusieurs dispositions ont ainsi été fixées, notamment l’une des plus attendues, relative à la carte d’identification professionnelle dans le secteur du BTP. Décret n°2016-175 du 22.02.2016, décret n°2016-418 du 07.04.16 et décret n°2016-1044 du 29.07.16.

  •   Rappel des décrets déjà parus

Suite à l’adoption de la loi Macron (2), deux décrets d’application ont déjà été publiés.

Un premier, paru en décembre 2015 (3), venant préciser la marche à suivre de la nouvelle sanction administrative issue de la loi Macron : la suspension temporaire de prestations de services internationales, en cas de manquements graves de l’employeur.  

Un second décret, en janvier 2016 (4), estvenu préciser les nouvelles mesures responsabilisant davantage le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre. Il fixe le contenu de la déclaration du détachement que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre doit effectuer auprès de l’inspection du travail, à défaut de déclaration par le prestataire de services. En outre, il détaille la mise en œuvre de la solidarité financière en cas de non-paiement du salaire minimum aux salariés détachés. 

Il y a encore quelques mois, des mesures prévues par la loi Macron restaient applicables sous réserve de textes réglementaires. La CFDT attendait donc avec impatience ces derniers décrets d’application permettant de rendre effectif l’ensemble des mesures issues de la Macron.

  • Publication des trois derniers décrets

Un décret relatif à la mise en place de la carte d’identification professionnelle (CIP) (5)

Depuis la loi Macron, la  carte d’identification professionnelle est obligatoire pour tous les salariés intervenant sur un chantier du BTP, y compris pour les travailleurs détachés par une entreprise établie hors de France (6).

Le décret en question fixe :

-          les salariés et employeurs concernés (art. R. 8291-1 C. trav.) ;

-          l’organisme national en charge de la gestion de la carte. Il s’agit de l’Union des caisses de France (UCF) (art. R. 8291-2 à 6 C. trav.) ;

-          la présentation et les caractéristiques de la carte (art. R. 8292-1 à 4 C. trav.) ;

-          la déclaration des salariés et le paiement de la carte (art. R. 8293-1 à 6 C. trav.) ;

-          les modalités de délivrance de la carte (art. R. 8294-1 à 4 du C. trav.) ;

-          les contrôles et sanctions (art. R. 8294-5 à 7et R. 8115-7 à 8 C. trav.) ;

-          le système automatisé d’information de la carte (art. R. 8295-1 à 3 C. trav.).

Un arrêté devra être pris, après avis de la CNIL, afin d’encadrer la mise en place du traitement des données personnelles.

L’entrée en vigueur du décret aura lieu le lendemain de la publication de l’arrêté. Aussi, cette mesure n’est-elle pas encore applicable. En outre, dans  les deux mois suivant la publication de l’arrêté, les employeurs seront tenus de procéder à la déclaration de leurs salariés titulaires d’un contrat conclu avant la date de parution de l’arrêté.

Un décret adaptant aux entreprises de transport terrestre établies hors de France les règles prévues en matière de détachement (7)

Comme prévu par la loi Macron, les règles en matière de détachement transnational sont adaptées au secteur des transports routiers et fluviaux. Est prévu le remplacement de la déclaration préalable de détachement par une simple attestation de détachement, pouvant couvrir plusieurs détachements successifs (dès lors qu’ils interviennent au cours de la durée de validité indiquée par l’entreprise sur l’attestation dans la limite de 6 mois) (8).

Le décret en question fixe :

-          les conditions dans lesquelles la simple attestation préalable de détachement se substitue à la déclaration (art. R.1331-2 et R. 1331-3, R. 1331-7du Code des transports) ;

-          les modalités de conservation de l’attestation (art. R. 1331-7 du Code des transports) ;

-          les modalités de représentation de l’entreprise étrangère en France et plus précisément, la marche à suivre concernant le rôle de liaison du représentant en France avec les agents de contrôle, pendant la durée du détachement et même au-delà (art. R. 1331.1, II, R. 1331-4 à 5 du Code des transports) ;

-          les obligations du maître d’ouvrage et du donneur d’ordre (art. R. 1331-6 du Code des transports) ;

-          les sanctions pénales, mais aussi administratives (art. R. 1331-9 à 11 du Code des transports).

Si le détachement s’effectue entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises du même groupe, c’est l’employeur de l’entreprise dans laquelle le salarié est détaché qui remplit l’attestation. En outre, L’obligation de vigilance et la responsabilité du donneur d’ordre sont étendues au destinataire du contrat de transport.  Plus précisément,  lorsque le détachement a lieu pour le compte de l’employeur et sous sa direction en France, le destinataire du contrat de transport, s'il est la seule partie au contrat établie en France, est assimilé au donneur d’ordre pour les obligations d’injonction dès lors qu’il en est informé par un agent de contrôle. C’est donc au destinataire du contrat de transport de procéder aux obligations relatives à l’application du salaire minimum légal ou conventionnel, à l’hébergement collectif compatible avec la dignité humaine ou encore à l’application de l’ensemble des règles du «noyau dur» (par ex : congés payés, durée du travail, conditions de travail…). L’objectif étant principalement d’imposer le respect du salaire minimum légal ou conventionnel lors des opérations de cabotag

Le décret est entré en vigueur le 1er juillet 2016, suite à la publication de l'arrêté du 29 juin 2016 fixant le modèle d'attestation. Cette nouvelle mesure est donc applicable.

Un décret relatif à la transmission dématérialisée des déclarations et attestations (9)

La loi Macron a prévu que la transmission des déclarations et attestations de détachement des salariés par les employeurs, établis hors de France soit désormais obligatoirement dématérialisée, permettant ainsi de faciliter le contrôle du respect par les employeurs des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles (10).

Le décret en question fixe :

-          l’autorisation de la création d’un traitement des données à caractère personnel destiné à permettre l’accomplissement pour les employeurs de leurs formalités déclaratives. Ce traitement est dénommé SIPSI (11) (art. 1 du décret) ;

-          la nature des données pouvant être collectées (art. 2  du décret) ;

-          qui a accès aux données (art. 3 du décret) ;

-          les droits d’accès et de rectifications (art. 4 du décret) ;

-          la conservation des données (art. 5 du décret) ;

-          le suivi statistique de la situation du travailleur détaché (art. 3 du décret) ;

-          la modification des articles du Code du travail et du Code des transports (art. 7 et 8 du décret).

Si les salariés détachés font déjà l’objet d’une déclaration ou d’une attestation de détachement au 1er octobre 2016, celle-ci reste valable. En revanche, si les modalités d’exécution de la prestation ou les conditions de détachement sont modifiées, l’employeur doit établir une nouvelle déclaration ou attestation, cette fois-ci en ligne.

Le décret est entré en vigueur au jour de sa publication, à l’exception des dispositions relatives au caractère obligatoire de la transmission par voie dématérialisée, qui entrent en vigueur à compter du 1er octobre 2016 pour les déclarations de détachement et du 1er janvier 2017 pour les attestations de détachement des salariés roulants ou naviguant détachés par les entreprises de transport terrestre.

  • Ce qu'en pense la CFDT

La CFDT se réjouit  de la parution en totalité des décrets d’application de la loi Macron, permettant ainsi à l’ensemble des mesures d’être applicables (ou en passe de l’être).

La CFDT reste toutefois vigilante quant à la publication rapide de l’arrêté relatif à la carte d’identification professionnelle.

Elle veillera également à la mise en œuvre effective des nouvelles mesures issues de la loi Travail, qui renforce également l’arsenal législatif en matière de lutte contre les fraudes liées au détachement.



(1) Loi n° 2016-1088 du 08.08.15 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
(2) Loi n°2015-990 du 06.08.15 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
(3) Décret n°2015-1579 du 03.12.15 relatif à la suspension temporaire de la réalisation de prestations de services internationales illégales et à la compétence des agents de contrôle de l’inspection du travail des services déconcentrés.
(4) Décret n°2016-27 du 19.01.16 relatif aux obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la réalisation de prestation de services internationales. 
(5) Décret n°2016-175 du 22.02.16 relatif à la carte d’identification professionnelle des salariés du bâtiment et des travaux publics.
(6) Art. L. 8291-1 C. trav.
(7) Décret n° 2016-418 du 07.04.16 adaptant le titre VI du livre II de la première partie du code du travail aux entreprises de transport détachant des salariés roulants ou navigants sur le territoire national et modifiant le code des transports. 
(8) Art. L. 1262-2-1 C. trav.
(9) Décret n° 2016-1044 du 29.07.16 relatif à la transmission dématérialisée des déclarations et attestations de détachement de salariés et autorisant un traitement des données à caractère personnel qui y figurent.
(10) Art. L. L. 1262-2-2 C. trav.
(11) Système d’information sur les prestations de services internationales.