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Salarié détaché ou travail dissimulé: le syndicat peut agir en substitution

Publié le 17/09/2014

Depuis une loi du 10 juillet 2014, la liste d'actions permettant à un syndicat d’agir en substitution au nom d’un salarié a été allongée. Deux nouveaux articles ont été insérés dans le Code du travail afin que les organisations syndicales représentatives puissent exercer toutes les actions en justice en faveur d’un salarié détaché ou victime de travail dissimulé, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé. Le salarié devra cependant en avoir été averti et ne pas s’y être opposé LOI n°2014-790 du 10 juillet 2014 - Art. L. 8223-4 et L. 1265-1 du Code du travail.

La loi du 10 juillet 2014, visant à lutter contre la concurrence déloyale, est destinée à renforcer la responsabilité des donneurs d’ouvrage ayant recours à des travailleurs détachés. Elle crée également de nouvelles sanctions pour certaines infractions du travail illégal. Cette loi anticipe la transposition de la directive d’exécution relative au détachement votée par le Parlement européen le 16 avril dernier.

  • L’action en substitution du syndicat : deux nouveaux cas possibles

L’article 9 de la loi du 10 juillet 2014 crée deux nouveaux articles dans le Code du travail qui prévoient deux nouvelles actions en substitution pour les organisations syndicales représentatives en faveur d’un salarié détaché (L. 8223-4 du Code du travail) ou victime de travail de dissimulé (L. 1265-1 du Code du travail), sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

Ce dernier devra toutefois en être averti, dans les conditions déterminées par voie réglementaire, et ne pas s’y être opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui aura notifié son intention.

Il pourra toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment.

  • L'intérêt de l'action en substitution est double :

- Elle permet aux salariés concernés de faire valoir leurs droits, sans s'exposer directement (pas besoin de mandat) et en bénéficiant de la « force de frappe syndicale » que ce soit en termes de moyens, et de poids politique du syndicat dans le procès. 

- Elle offre au syndicat un outil supplémentaire pour prendre en charge collectivement des problématiques individuelles et faire respecter le droit du travail dans l’entreprise ou le groupe. 

  • Rappel : les possibilités d’actions collectives des syndicats

La class action (l’action de groupe) stricto sensu n’existe pas en droit français du travail (1). Cependant d'autres formes d’action collective sont possibles, pour permettre à une organisation syndicale d’agir en justice pour la défense des intérêts des salariés:

- L’action pour défendre les intérêts collectifs des salariés dans l’entreprise et, généralement, agir pour défendre l’intérêt collectif de la profession (2) ;

- L’action en substitution (3) : les organisations syndicales représentatives peuvent (à titre exceptionnel) agir sans mandat, pour défendre l'intérêt individuel d'un salarié (ou plusieurs), qu'il soit ou non adhérent, à la seule condition d'avoir averti le salarié concerné par écrit et que celui-ci ne s'y soit pas opposé.

Cette action en substitution, ouverte à deux nouveaux cas, existait donc déjà pour un nombre limité de situation :

- Non-respect d'une disposition conventionnelle

- Inobservation des règles régissant le licenciement économique

- Contrats précaires

- Le statut des travailleurs étrangers

- Le travail à domicile

- La sous-traitance et le prêt de main-d’œuvre illicite

- L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

- La prohibition des discriminations

À noter que, à condition de justifier d'un accord écrit de l'intéressé, le syndicat peut également exercer en justice toutes actions en faveur d'un salarié de l'entreprise lorsqu'il y a harcèlement sexuel ou moral dans les relations du travail.

En droit pénal, l’article 11 de la loi du 10 juillet 2014, permet à toute association, tout syndicat professionnel, ou tout syndicat de salariés de la branche régulièrement déclaré depuis au moins 2 ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts collectifs des entreprises et des salariés, d’exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de travail illégal, même si l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée (4).

 

Cet élargissement à deux nouvelles catégories de salariés, particulièrement fragiles, de l'action en substitution est une avancée positive dans la mesure où les organisations syndicales représentatives pourront se saisir de ces cas, dans une logique de défense collective, pour protéger individuellement chaque salarié. 

(1) La class action n’existe que pour les associations agréées de consommateurs, depuis une loi récente n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

(2) Article L. 2132-3 du Code du travail.

(3) Article L. 1134-2 du Code du travail.

(4) Après l’article 2-21 du Code de procédure pénale, il est inséré l’article 2-21-1.