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Logement et emploi : les propositions de la CFDT

Publié le 01/03/2017

L’emploi et le logement sont indissociables, tant l’un conditionne l’accès à l’autre et inversement. C’est sur ce couple que s’est penché le colloque organisé par la CFDT. Avec l’objectif d’en faire un axe revendicatif de toute l’organisation.

« Que des salariés en emploi dorment dans leur voiture, ce n’est pas possible ! » La secrétaire nationale Marie-Andrée Seguin a frappé fort en ouverture du colloque « Curriculum Cité, l’habitat pour l’emploi », organisé le 23 février par la CFDT. L’image est percutante… et loin d’être caricaturale. Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, remis à la fin janvier, près de 4 millions de personnes vivent dans des logements dégradés. Et parmi eux, de nombreux salariés.

« Avoir un emploi ne protège plus du mal-logement, a insisté Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Nous recevons parfois des appels de chefs d’entreprise qui constatent que leurs salariés s’endorment sur la chaîne de montage. Quand on creuse, on se rend compte qu’ils passent la nuit tantôt à l’hôtel, tantôt dans leur véhicule. »

Concilier emploi et accessibilité des logements

     

 

Deux études qui nourrissent la réflexion de la CFDT

En l’espace d’un an, la CFDT a lancé coup sur coup deux études sur le logement. La première consacrée au lien emploi-logement a été réalisée par le Lab’Urba, laboratoire de recherche de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée ; la seconde s’est attachée aux conditions de logement des salariés et des retraités à partir de 6 271 questionnaires collectés par des militants. De ces deux études ressortent deux constats : le logement occupe une place croissante dans le budget des ménages ; c’est un révélateur des transformations sociales qu’ils subissent.

Parmi les salariés et retraités interrogés, 67 % sont propriétaires de leur logement, 66 % le jugent ancien mais en bon état, 88 % trouvent leur environnement agréable… Une photographie plutôt avantageuse. Pourtant, près d’un sur deux estime que son hébergement nécessite des travaux, notamment pour en améliorer la performance énergétique. Surtout, 40 % expriment le souhait de déménager. « Ce taux, élevé, peut être contrarié par des raisons économiques, constate Timo Giotto, doctorant en sociologie qui a travaillé sur les questionnaires. Plus de 40 % des salariés qui passent une à deux heures par jour dans les transports souhaiteraient se rapprocher de leur lieu de travail mais ne le font pas par manque de moyens. » Plus largement, le logement pèse sur les parcours professionnels des salariés.

De quoi alimenter la réflexion de la CFDT sur deux enjeux fondamentaux, souligne Jules-Mathieu Meunier, docteur en urbanisme au Lab’Urba : « Consolider la place de l’acteur syndical sur la scène de la politique du logement et renforcer l’efficacité de l’action publique par la prise en compte des besoins émergents, au carrefour de l’emploi et du logement. » Deux enjeux pour lesquels la CFDT peut faire valoir sa connaissance des besoins des salariés.

     

La faute à une précarité grandissante mais également à une inadéquation de l’offre de logements aux besoins de la population. « Au terme de logement je préfère celui d’habitat, a nuancé Jean Haëntjens, conseiller en stratégies urbaines. Des logements en tant que produits, c’est-à-dire des appartements, des maisons, peuvent être de qualité. Mais s’ils sont construits loin des bassins d’emplois, des écoles, etc., c’est totalement inefficace. » Selon lui, l’habitat doit être la pierre angulaire des politiques d’aménagement imaginée par les collectivités. « Il n’existe pas un modèle unique, a-t-il martelé. La seule question qui vaille, c’est la suivante : quel système urbain permet de concilier développement de l’emploi et logements abordables ? »

Une quadrature du cercle que peu de régions métropolitaines ou ultramarines ont réussi à résoudre. Mais combien l’ont seulement essayé ? « Vous ne pouvez pas bâtir une politique du logement sans une politique foncière offensive », tranche Honoré Puil, vice-président de Rennes Métropole chargé de l’habitat, du logement et des gens du voyage, qui utilise « l’ensemble des outils disponibles pour garder la maîtrise des prix » : zone d’aménagement concertée, droits de préemption, déclaration d’utilité publique, etc. Résultat, à côté de gros moyens investis dans la rénovation de son parc social, Rennes Métropole produit depuis 2014 des logements proposés à la location ou à l’accession à la propriété à des prix inférieurs de 10 à 15 % aux prix du marché. Dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, elle a également prévu de mettre en place un loyer unique de logement social, quel que soit le quartier ou le bailleur. « Aujourd’hui, les loyers pour un même type de logement varient de 10 à 15 %. Ça représente plusieurs dizaines d’euros par mois », a détaillé l’élu rennais. Une paille ? Pas pour des ménages dont les revenus sont inférieurs à 20 % du plafond de ressources HLM et à qui sont attribués plus de la moitié des logements sociaux de la métropole.

La galère des déplacements domicile-travail

Cette politique volontariste permet à l’agglomération rennaise d’accueillir 3 000 habitants supplémentaires par an. Un chiffre sans comparaison avec les populations affluant vers la région parisienne. « Le marché est tendu, c’est peu de le dire ! », s’est exclamé Philippe Lengrand, secrétaire général de la CFDT-Île-de-France. Six millions de salariés, douze millions d’habitants, quinze demain… Dans ce bassin surpeuplé, il est possible de dénicher des vacances de logements, mais à l’écart des grands axes de transport et à des dizaines de kilomètres des zones d’emploi. Certains ménages font ce « choix », souvent pour des raisons financières, au prix de journées infernales marquées par des galères de transport vers leur lieu de travail ou leur domicile. 30 % des salariés et retraités interrogés par la CFDT en juin 2016 (lire l’encadré) jugent leur déplacement domicile-travail « trop long ou trop contraignant ». En Île-de-France, plus de 60 % des salariés travaillent dans un autre département que celui de leur lieu d’habitation. « Des populations se croisent et ne se voient jamais, note Philippe Lengrand. Ça pose la question du vivre-ensemble. » Résultat, les envies de déménagement sont fortes mais pas toujours satisfaites. 650 000 demandes de logements sociaux sont actuellement en souffrance. « Les Franciliens ont des difficultés à quitter le parc social vers le privé. La marche est trop haute. »

Les premières victimes de ce grippage du système sont les personnes qui éprouvent déjà des difficultés à sortir de la précarité professionnelle : les jeunes et les familles monoparentales. D’après Philippe Lengrand, « pour faciliter la rotation, il faudrait développer les logements intermédiaires ». C’est l’une des quatorze revendications de la CFDT en vue de sécuriser les parcours résidentiels et d’améliorer la gouvernance des politiques de logement. Parmi celles-ci figure la création d’une structure facilitant l’accompagnement des salariés dans leurs projets de logement, à l’image du conseil en évolution professionnelle. Elle pourrait réunir des acteurs concernés par la recherche de logement, la construction d’un projet de mobilité géographique ou d’accession à la propriété. Elle pourrait aussi informer les salariés sur leurs droits.

Des dispositifs d’aide au logement à valoriser

Selon l’enquête de la CFDT, les deux tiers d’entre eux ne connaissent pas les dispositifs d’aide au logement, pourtant nombreux. Et même si ces dispositifs méritent d’évoluer afin de coller davantage aux nouvelles formes d’emploi, des réformes récentes ont permis d’orienter des soutiens vers ceux qui en ont le plus besoin. « Visale est à ce titre une réelle avancée sociale, que nous avons obtenue pour aider les jeunes et les salariés aux ressources modestes à avoir accès au parc locatif privé, a rappelé Laurent Berger en conclusion du colloque. Pour que Visale soit un succès, il faut qu’elle soit bien identifiée par les bailleurs privés et par ses potentiels bénéficiaires. À nous de communiquer autour de ce dispositif et de le valoriser. » C’est un des outils dont doivent se saisir les équipes syndicales, « dans les entreprises, dans les branches et dans les territoires ». Pas seulement dans les métropoles. Dans les zones rurales, bien sûr, mais aussi en Outre-mer, où les salariés « font face à une concentration de problèmes autour de l’habitat », a souligné le secrétaire général de la CFDT. Une concentration qui peut vite virer au cercle vicieux. « L’impossibilité de trouver un logement est un obstacle à la possibilité de trouver un emploi. Et ne pas avoir d’emploi est un obstacle pour se loger. » Et si l’action syndicale introduisait le grain de sable qui permette d’enrayer cette mécanique infernale ?

dprimault@cfdt.fr