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Les nouvelles lignes du paysage syndical

Publié le 03/04/2013
Si les résultats de la première mesure d'audience de la représentativité syndicale n’ont pas entraîné le “big bang” syndical attendu par certains, ils ont fait bougé les lignes du paysage syndical et conforté le syndicalisme porté par la CFDT. Explications.

« C’est une belle journée pour le syndicalisme qui apporte des résultats aux salariés. » C’est en ces termes que le secrétaire national Marcel Grignard a salué l’annonce, le 29 mars, des résultats de la mesure d’audience de la représentativité syndicale. Avec 26 % des suffrages exprimés, la CFDT se voit confortée comme poids lourd du paysage syndical en France et comme acteur majeur du dialogue social.

« Ce résultat, on le doit aux hommes et aux femmes qui font la CFDT au quotidien dans les entreprises, a souligné le secrétaire général Laurent Berger. Ce sont en grande partie eux qui ont fait le boulot. » De fait, il s’agit de l’audience agrégée des organisations syndicales aux élections DP-CE qui se sont déroulées dans les entreprises entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, à laquelle se sont ajoutés les résultats des élections dans les TPE (très petites entreprises de moins de onze salariés) et dans le collège des salariés dans les chambres d’agriculture.

Pas de big bang syndical

Contrairement à ce que d’aucuns avaient prédit, le paysage syndical n’a pas été radicalement chamboulé par cette nouvelle donne de la représentativité syndicale. « La CFDT est dans un mouchoir de poche avec la CGT », à 26,77 %, indique Marcel Grignard. « Les deux organisations sont largement devant les autres. » Force ouvrière obtient 15,94 % des suffrages, la CFE-CGC 9,43 % et la CFTC, longtemps donnée en deçà des 8 %, 9,30 %. L’Unsa (4,26 %) et Solidaires (3,47 %) sont loin du seuil des 8 % nécessaires pour être représentatif au niveau national interprofessionnel. Les cinq organisations représentatives restent donc en place. Mais force est de constater que les lignes ont bougé. « Avec cette réforme de la représentativité, le syndicalisme est aujourd’hui à un tournant. »

Et ce, à plusieurs titres. Pour la première fois, la légitimité des organisations syndicales ne repose plus sur une décision politique (l’arrêté de 1966), mais sur le vote de quelque 5,5 millions de salariés. « On passe d’une présomption de représentativité à une mesure de représentativité. C’est un jour qui conforte la légitimité des organisations syndicales et de la négociation collective », indique Yannick Moreau, présidente du Haut Conseil du dialogue social, qui a réuni régulièrement partenaires sociaux et services de l’État afin d’assurer la mise en œuvre de la loi du 20 août 2008. « Cette journée consacre la démocratie sociale telle que la conçoit la CFDT : donner au salarié le droit de choisir qui parle, qui négocie, qui signe en son nom. » Selon Marcel Grignard, « c’est l’aboutissement d’un long processus, dont la CFDT a porté les enjeux depuis quinze ans, et qui voit sa concrétisation cinq ans après la signature de la position commune d’avril?2008 et le vote de la loi d’août?2008 ».

Les signataires de l’Ani majoritaires

Le détail des résultats révèle l’ampleur des changements à l’œuvre dans le paysage syndical, avec l’émergence d’un potentiel « pôle réformiste ». Certes, en poids relatif (ramené aux seules organisations ayant franchi le seuil des 8 %), la CGT (à 30,62 %) est l’unique organisation syndicale à franchir la barre des 30 % nécessaires pour signer seule un accord national à l’échelon interprofessionnel. Mais surtout, la mesure de l’audience de la représentativité syndicale « donne une majorité aux organisations syndicales qui considèrent que leur rôle est d’apporter des résultats aux salariés par la négociation », analyse le secrétaire général de la CFDT. La somme des poids relatifs de la CFDT (29,74 %), de la CFTC (10,63 %) et de la CFE-CGC (10,78 %) atteint 51,15 % ! Un résultat loin d’être anodin alors que le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, issu de l’accord national interprofessionnel signé par ces trois organisations côté syndical, entamait son examen à l’Assemblée nationale. Et plus largement, une nouvelle donne significative, à l’heure où la démocratie sociale devrait trouver sa place dans la Constitution. Dès la publication des arrêtés, en mai pour le niveau national interprofessionnel et courant juin pour les branches, le paysage syndical ne sera donc ni tout à fait un autre ni tout à fait le même.

Reste que le processus n’est pas achevé. Une fois les arrêtés pris, le Haut Conseil du dialogue social entamera un travail d’évaluation de la réforme, en vue de voir quels « ajustements » pourraient être pris afin d’« améliorer » la loi. Un rapport sera remis au ministre Michel Sapin d’ici à la fin de l’année. Il devrait notamment aborder la question du scrutin TPE, questionné « non pas dans son principe mais dans ses modalités », indique le directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle.

Le défi des déserts syndicaux

Avec un taux de participation de 10 % seulement, ce scrutin sur sigle a en effet plombé le taux de participation général de la représentativité, qui s’établit à 42,78 %. « La participation aux élections professionnelles dans les entreprises est supérieure à 60 %. C’est la preuve que la démocratie sociale fonctionne quand elle est incarnée par des hommes et des femmes sur le lieu de travail des salariés », analyse Marcel Grignard. Au-delà, il faut noter le taux élevé de carence (environ 30 %). « Dans nombre d’entreprises, aucune organisation syndicale ne s’est présentée pour les élections professionnelles. Ce sont des déserts syndicaux », commente le secrétaire national.

Un défi pour le syndicalisme, qui s’ajoute à celui, quotidien, que relèvent les militants syndicaux dans les entreprises. Pour eux, le deuxième cycle de la mesure d’audience est en cours. Depuis le 1er janvier 2013, chaque élection DP-CE prépare la prochaine photographie de la représentativité syndicale, en 2017. Là encore, les militants et militantes de la CFDT sont en première ligne : lien aux salariés, développement syndical, négociation, valorisation des résultats, remontées des procès-verbaux. C’est sur eux que repose l’édifice qui légitime le syndicalisme que porte la CFDT.

aseigne@cfdt.fr

Représentativité : la question des branches

Pour attendue qu’ait été la mesure de la représentativité syndicale au niveau national interprofessionnel, celle des branches est tout aussi fondamentale. Sur les quelque 1 000 branches professionnelles existantes, 555 résultats de branche ont été remontés, une fois exclus le champ de l’agriculture, les codes IDCC (identifiant de convention collective) d’usage ne correspondant à aucune convention collective et, surtout, les 152 branches dont le nombre de votants n’a pas permis de faire remonter des résultats.

La CFDT franchit le seuil des 8 % dans 492 des 555 branches, ce qui correspond à un taux de couverture de 99,2 % des salariés (représentative dans 482 branches, la CGT couvre 97,9 % des salariés). Sur les 31 branches (hors Dom) où la CFDT ne franchit pas le seuil (mais reste représentative jusqu’en 2017 au titre de sa représentativité au niveau national interprofessionnel), seules 4 comptent plus de 5 000 salariés, les 27 autres se situant entre 100 et 2 000 salariés.

La CFDT franchit le seuil des 30 % nécessaires pour signer seule un accord, dans 165 branches et elle est majoritaire dans 34. Une bonne nouvelle dont se sont félicités les responsables CFDT des fédérations professionnelles. Avec un bémol : la mesure de la représentativité a révélé à quel point certaines branches, à commencer par celles dont le nombre de votants n’a pas été suffisant pour faire remonter des résultats, sont fragiles dans leur structuration. Outre les ajustements qui seront apportés à la loi du 20 août 2008, la rationalisation des branches est un sujet qui ne pourra sans doute plus être éludé très longtemps.

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