Ministère des Armées : Une CFDT en ordre de bataille pour gagner les élections

Publié le 18/04/2018

Les services du ministère des Armées ont tous été regroupés en 2015 sur le site parisien de Balard. Depuis, la section CFDT se bat pied à pied pour gagner des adhérents. En ligne de mire, les élections du 6 décembre.

Dans un ensemble architectural austère, à la limite du XVe arrondissement de Paris, les façades couleur métal du nouveau ministère des Armées se dressent le long du boulevard extérieur. Le site de Balard (du nom de la place toute proche) – nommé aussi l’Hexagone, en référence au Pentagone américain – réunit dans un complexe ultrasécurisé de 16 hectares les états-majors de la marine, de l’armée de l’air, de l’armée de terre, la direction générale de l’armement (DGA) et l’administration centrale du ministère. Quelque 9 500 personnels civils et militaires venus d’une quinzaine de sites ont emménagé dans les locaux inaugurés en 2015. Une fois les sas de sécurité franchis, des kilomètres de couloirs attendent les visiteurs.

Des personnels militaires et civils en perpétuel mouvement

     

Les liens étroits entre civils et militaires
Les personnels militaires sont nombreux à se reconvertir sur des postes civils au sein du ministère. Membre de la section CFDT, Moïse Deparis, lui-même ancien militaire, est chargé de les approcher, ce qu’il ne peut faire qu’après leur titularisation. « Nous maintenons des liens étroits avec les associations de militaires, cela permet de les familiariser avec le dialogue social », explique-t-il.

Un coaching pour gagner
L’accompagnement confédéral entamé en 2016 se poursuit pour la section Balard, une nouvelle fois épaulée par la Confédération dans le cadre du programme « Faire adhérer pour gagner les élections », actuellement suivi par 41 sections de la fonction publique. « Les militants de Balard étaient très motivés et avaient déjà lancé une bonne dynamique de section, explique la secrétaire confédérale référente Geneviève Douillot. Ils ont progressé de 20 % en 2016 et en 2017. »

Le “plus adhérent”
Toutes les actions sont pensées de façon qu’il y ait un « plus adhérent » destiné à inciter les agents à remplir le bulletin d’adhésion. Dans la foulée des informations collectives, du conseil sur mesure leur est proposé. Les séances de préparation individuelle à l’entretien professionnel – équivalent de l’entretien d’évaluation, dont l’enjeu est la progression de carrière des agents – sont particulièrement appréciées.

     

Ici, le syndicalisme se pratique à petites foulées. Le déménagement en pleins travaux est un souvenir encore tout frais. « On nous a vendu le fait que tout serait neuf et impeccable, et c’est vrai que cela change des locaux vétustes et des équipements obsolètes que nous avions auparavant », explique Alberto Soriano Gil, membre de la section. Le revers de la médaille, c’est le gigantisme et l’anonymat des lieux. « Dans un même couloir cohabitent des agents rattachés à des directions différentes, les gens ne se connaissent pas, chacun est dans sa bulle », poursuit Alberto. Le transfert à Balard s’est accompagné pour les agents d’une perte de repères, qui résulte aussi des multiples restructurations subies. La révision générale des politiques publiques (RGPP), conduite par Nicolas Sarkozy, puis la modernisation de l’action publique (MAP), mise en œuvre pendant le quinquennat Hollande, se sont traduites par la suppression de 60 000 postes au ministère de la Défense et des réorganisations sans fin. « Les personnels sont mutés, passent de service en service, les chefs changent souvent, les équipes se recomposent, énumère Sarah Lenoël, secrétaire de la section CFDT. Sans compter que Paris est un passage obligé en début de carrière. Les agents y restent en poste deux à trois ans avant d’être affectés ailleurs. En fait, tout le personnel de Balard est en perpétuel mouvement. » Au point que cela se reflète dans les habitudes de langage de la maison : certains agents sont « polyrestructurés ». Les restructurations visent une direction, un métier, un service, voire un poste. « Quand quelqu’un ne fait pas l’affaire dans un service, on lui dit que son poste est restructuré et qu’il doit se trouver un point de chute ailleurs », lance Alberto avec une moue désabusée.

Cette fluctuation des effectifs ne facilite pas la tâche de la section CFDT, dont les membres sont d’ailleurs soumis aux mêmes aléas. Dans ces conditions, le développement du nombre d’adhérents relève de la gageure. Seuls les personnels civils ont le droit de se syndiquer. Le statut des militaires ne le leur permet pas. Dans ce milieu où les deux cultures sont étroitement liées, la syndicalisation ne va pas de soi. Les personnels employés dans les états-majors et les services centraux sont le plus souvent des cadres de catégorie A : attachés, ingénieurs des études et de la fabrication… Ils exercent des responsabilités qu’ils jugent souvent peu compatibles avec une appartenance syndicale affichée. « Ils sont nombreux à vouloir nous aider, mais sans que cela ne se sache, surtout quand ils débutent dans leur carrière », regrette Sarah Lenoël.

La section CFDT relève le défi du développement

Le défi du développement, la section a néanmoins souhaité le relever. Elle participe à un programme de campagne d’adhésions innovante proposé par la Confédération en 2016. Un coaching de la section a été assuré par Geneviève Douillot, secrétaire confédérale référente. Si le potentiel de développement reste considérable, les efforts de la section commencent à porter leurs fruits. Constituée en 2015, elle compte déjà 118 adhérents, un effectif qui pourrait être bien supérieur sans la fuite continue induite par le taux de rotation des personnels. Sarah Lenoël n’en fait pas mystère, c’est grâce au contact direct et à l’écoute des agents que la dynamique a pu s’enclencher. La première étape a consisté à recevoir individuellement tous les adhérents et sympathisants. « Nous avons diffusé le message auprès de tous les personnels à la sortie de la cantine, explique Sarah. Nous leur avons rappelé leur droit à disposer d’une heure par mois d’information syndicale et leur avons proposé un rendez-vous personnalisé afin de faire le point sur leur situation professionnelle et leurs besoins. » Sarah a fait appel aux militants d’autres sections du Syndicat francilien des établissements de la Défense (Sfed) CFDT afin de mener à bien cette mission. Deux cents entretiens ont eu lieu. L’analyse des besoins des agents a permis de définir des axes prioritaires. « Les agents ont souhaité être aidés sur le plan des ressources humaines, avoir des informations sur les évolutions liées à leur statut et sur leurs droits à la retraite, indique Sarah. Nous avons programmé des réunions thématiques portant sur ces sujets. » La section a sollicité l’intervention d’un militant expert sur les questions de retraite, venu exprès de La Rochelle pour informer et conseiller les agents. Les réunions sont organisées en deux temps : une information collective ouverte à tous pendant la pause méridienne, puis un après-midi consacré à des entretiens personnalisés réservés aux seuls adhérents. L’actualité relative aux réformes envisagées par le gouvernement dans le cadre du programme Action publique 2022 a fait l’objet d’une réunion d’information qui a attiré plus de quatre-vingts collègues. « Nous enregistrons des adhésions après chacun de ces événements », se félicite Jérôme Supersac, chargé de mission de la fédération, qui vient prêter main-forte à la section depuis septembre 2017. La convivialité est également de la partie : galette des rois, café-croissants organisés simultanément dans la trentaine de sections que compte le Sfed. Les adhérents sont invités à s’y rendre accompagnés d’un collègue.

Des listes à compléter à l’approche des élections

Grâce à ces opérations de terrain, les militants ont pu repérer les bonnes volontés, les personnes susceptibles de se présenter aux élections, dont l’échéance approche. Les listes sont déjà presque complètes, dans le respect de la règle de représentation équilibrée des femmes et des hommes désormais en vigueur dans la fonction publique. Il manque quelques candidatures pour représenter les personnels hors classe, les plus élevés dans la hiérarchie, et les agents de la catégorie C technique, relativement peu nombreux car la plupart des missions dévolues à ces personnels ont été externalisées. Les élections représentent un énorme défi sur le plan organisationnel, tant pour l’administration – les listes électorales doivent être à jour en tenant compte des variations du personnel – que pour les représentants syndicaux. Les agents auront cinq bulletins à glisser dans autant d’urnes quand il s’agira d’élire leurs représentants dans chacune des instances : comité technique ministériel, comité technique de réseau, comité technique local, commission administrative paritaire locale (CAPL) et centrale (CAPC), dont dépendront ensuite le choix des représentants au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et au comité social.

De son côté, la section se projette déjà sur la semaine des élections : opération de phoning la veille, mise en place d’observateurs, relance à la mi-journée, tournée des services pour inciter les agents à aller voter. Une organisation au cordeau afin que tout soit prêt le jour J.

mneltchaninoff@cfdt.fr

     

Repères

• Le site de Balard regroupe la direction générale de l’armement (DGA), les états-majors de la marine, des armées de terre et de l’air, le renseignement, la cyberdéfense et les services de l’administration centrale du ministère de la Défense. Quelque 9 500 agents y sont employés, 6 000 militaires et 3 500 civils, dont 80 % appartiennent à la catégorie A.

• La section CFDT couvre le site de Balard et compte 118 adhérents. En 2014, une alliance CFDT-CFTC obtenait la première place dans les établissements d’Île-de-France avec 28 % des voix. En 2018, la CFDT se présente seule.