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Un salarié peut-il créer une entreprise concurrente ?

Publié le 26/03/2014

Un salarié peut préparer son activité professionnelle future alors qu’il est encore en poste. A condition toutefois que la concurrence avec son ancien employeur ne soit effective qu’une fois le contrat de travail rompu. Cass.com.11.03.14, n°13-11.114.

Dans la présente affaire, le directeur commercial d’une société distribuant des agrumes espagnols depuis 1974 a créé sa propre entreprise de commercialisation d’agrumes début septembre 2006, et ce, peu après sa démission (en juin 2006). Concomitamment, la société qui fournissait les agrumes a rompu les relations commerciales avec celle les distribuant en France et cessé toute livraison de manière assez brutale. Cette société a, par ailleurs, rapidement conclu un contrat d’approvisionnement avec la société créée par l’ancien directeur commercial.

L’ancien employeur a donc poursuivi, non seulement, la société fournisseuse ayant rompu l’approvisionnement (contre laquelle il a obtenu gain de cause du fait de la brutalité de la rupture), mais également la société créée par son ex-directeur commercial, qu’il a assignée en responsabilité pour concurrence déloyale. Or, à travers cette société, c’est évidement l’ancien salarié qui était visé.  

Pourtant, ni la cour d’appel, ni la Cour de cassation n’ont considéré qu’il y avait eu, en l’espèce, des actes de concurrence déloyale susceptibles de caractériser une faute de la part de la société nouvellement créée et de son dirigeant.

De manière générale, la Cour de cassation décide que « la création, par un ancien salarié, d’une entreprise concurrente de celle dans laquelle il était auparavant employé n’est pas constitutive d’actes de concurrence illicite ou déloyale ». Qui plus est, selon la Haute juridiction un salarié « peut préparer sa future activité concurrente à condition que cette concurrence ne soit effective qu’après l’expiration du contrat de travail ». Tout est donc question de « timing » : l’activité concurrente ne doit pas démarrer avant la rupture du contrat de travail[1].

Belle décision donc en faveur la liberté professionnelle des salariés, mais décision qui n’a cependant rien d’un blanc-seing : les salariés liés par une clause de concurrence tomberont toujours sous le coup d’une condamnation.

De même que les salariés accompagnant cette création « de pratiques illicites de débauchage de personnel ou de détournement de clientèle ». A cet égard néanmoins, la Cour semble entendre le détournement de clientèle de manière assez restrictive. Selon elle, en effet, « le seul déplacement de clientèle vers une entreprise concurrente ne constitue pas un acte de concurrence déloyale, en l’absence de manoeuvres ou de procédés déloyaux ».



[1] D’ailleurs, il existe dans certains cas des dispositions légales en ce sens. Par exemple, celles qui imposent aux salariés ayant une activité d’auto-entrepreneurs à titre complémentaire de demander l’autorisation de leur employeur pour exercer une activité concurrente auprès de ses clients. Cf. Article L123-1-1 du Code de commerce. Cf. Action Juridique n°203, Auto-entrepreneurs et formes atypiques d’emploi.