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Salarié protégé : la convocation orale à un entretien préalable est-elle valable ?

Publié le 03/02/2016

Le Conseil d’Etat a estimé qu’une convocation orale à un entretien préalable à un licenciement ne déclenchait pas valablement le délai de 5 jours devant s'écouler avant la tenue de l'entretien. Par conséquent l'autorisation de licencier un salarié protégé, suite à une convocation orale, doit être refusée par l'administration. CE 30.12.15, n°384290.

  • Faits et problématiques

Suite au refus d’un salarié protégé de recevoir en main propre une lettre de convocation à un entretien préalable, un représentant de l’employeur décide, après constat d’huissier, de lui signifier cette convocation de manière verbale. 

Pour licencier un salarié protégé, l’employeur doit respecter une double procédure : une procédure spécifique, qui impose la demande d’autorisation préalable à l’inspecteur du travail, et la procédure de licenciement de droit commun.

Dans cette affaire, l’inspection du travail, de même que le ministre du Travail, refuse l'autorisation de licenciement. Toutefois, le juge administratif considère que la procédure est valable, l'entretien ayant bien eu lieu plus de 5 jours ouvrables après la signification orale de sa convocation à l'entretien préalable.

La question tranchée par le Conseil d’Etat est donc la suivante : le délai de 5 jours posé par le Code du travail peut-il valablement être déclenché par une convocation uniquement orale à un entretien préalable de licenciement ?

  • La convocation orale doit s'accompagner d'un écrit

Selon le Conseil d’Etat "une telle convocation orale par l'employeur ne peut, à elle seule, valablement déclencher le délai prévu par l'article L.1232-2 du Code du travail". Or ce le respect de ce délai constitue une formalité substantielle dont la méconnaissance vicie la procédure de licenciement.

Le Conseil d’Etat, n’interdit donc pas la convocation orale à un entretien de licenciement, mais subordonne la validité de la procédure à un écrit. Autrement dit, dès lors que l'employeur entend convoquer un salarié à un entretien de licenciement, il ne pourra le faire valablement que lorsqu'un écrit est présent. 

Le fait de faire constater par huissier que le salarié refuse la remise en main propre et qu’il a reçu l’ensemble des informations nécessaire à l’entretien préalable, ne l’exonère pas de lui faire parvenir une convocation écrite.

Plusieurs moyens de remise de la convocation sont possibles : la lettre recommandée avec accusé de réception, la lettre remise en main propre contre décharge ou encore l’envoi par Chronopost. En revanche la convocation par télécopie est irrégulière(1), de même l’absence de récépissé de remise en main propre ne peut pas être supplée par des témoignages(2).

Le Conseil d'Etat retient ici une interprétation stricte de l'article L.1232-2 du Code du travail, s'inscrivant dans le sens d'une meilleure protection des salariés protégés. Cette solution garantit le fait que le salarié aura l'information suffisamment en amont de l'entretien, dans le respect des droits de la défense (le salarié pourra par exemple faire en sorte de se faire assister à l'entretien).

A noter que s’agissant des salariés non protégés, et des procédures de licenciement sans autorisation préalable, la Chambre Sociale de Cour de Cassation considère que le fait d’être convoqué oralement s’analyse seulement en une irrégularité de procédure, sans aucune incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement(3).

Tandis que pour les salariés protégés le Conseil d’Etat énonce qu’un tel agissement emporte la nullité du licenciement.

Rappelons que la nullité de licenciement donne droit à une indemnisation plus élevé que l’irrégularité de procédure et qu’elle donne surtout droit à réintégration du salarié licencié.

Par conséquent, lorsque la convocation à l’entretien préalable n’est que verbale, l'inspecteur du travail ne peut octroyer d'autorisation de licenciement du salarié protégé. Dans le cas où l’inspecteur du travail délivre quand même cette autorisation, ce dernier pourra demander l'annulation de l’autorisation et donc de son licenciement(4).

 

 



 

(1)Cass.soc.13.09.2006 n°04-45.698.

(2)Cass.soc.23.03.2005 n°02-46.105.

(3)Cass.Soc.26.03.1992 n°91-41.796

(4) CE, 20.03.09, n° 312258.