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Rémunération: Le coût de la vie justifie-t-il un écart de salaire?

Publié le 21/01/2015

Une cour d’appel reconnait qu’une entreprise peut appliquer à ses salariés, situés dans des établissements distincts, des barèmes de rémunération différents au motif que le coût de la vie est plus élevé en région parisienne qu’en province. CA de Douai, 30.09.14, RG 13/03432.

  • Faits

La société possède onze établissements dont certains sont situés en région parisienne et d’autres en province. Selon la situation géographique de l’établissement, la société applique une différence dans ses barèmes de rémunération. Les salariés appartenant aux établissements situés en région parisienne touchent une rémunération plus élevée que les salariés travaillant dans les établissements situés en région.

Cette différence de traitement entre les salariés de la même entreprise, mais d’établissements distincts, est justifiée exclusivement par le fait que le coût de la vie en région parisienne est plus élevé qu’en province.

Un syndicat de l’établissement de Douai décide de saisir le tribunal afin que l’employeur applique à l’ensemble des effectifs de la société, le barème applicable en région parisienne.

  • Rappel du principe « à travail égal, salaire égal »

La cour d’appel rappelle le principe « à travail égal, salaire égal ». Ce principe impose une égalité de rémunération entre tous les salariés à condition qu’ils se trouvent dans une situation identique (1). Toutefois l’employeur peut opérer une différence de traitement entre les salariés s’il justifie cette différence par des critères objectifs que les juges du fond devront contrôlés.

Aussi, une différence de traitement peut être faite entre les salariés d’une même entreprise dans deux établissements distincts si elle est justifiée par des critères objectifs (ancienneté, diplôme, charge de travail, etc.). Il appartient aux juges de contrôler concrètement la réalité et la pertinence des raisons évoquées par l’employeur (2).

  • Différence de traitement justifiée par la différence du coût de la vie

La cour d’appel de Douai a confirmé le jugement du tribunal et a donné raison à l’employeur. L’employeur peut appliquer une différence de traitement entre les salariés d’une même entreprise situés dans deux établissements distincts au motif que celle-ci reposait sur la différence du coût de la vie, des éléments objectifs et pertinents.

Pourtant dans un précédent arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation datant du 5 mai 2010 (3), la Haute cour avait jugé que n’était fondé sur aucun élément objectif le fait que le coût de la vie à Paris soit plus élevé qu’en province. Aussi cela ne pouvait justifier la différence de rémunération entre les salariés travaillant dans un établissement situé à paris et ceux travaillant dans un établissement situé en province.

  • Le contrôle des juges du fond sur la réalité et la pertinence des raisons évoquées

La différence de solution entre les deux affaires s’explique certainement par le fait que les juges ont pu, en l’espèce, contrôler la réalité et la pertinence des raisons évoquées par l’employeur.

En effet, l’employeur a versé aux débats de nombreux documents (études, articles de presse, etc.…) attestant que les loyers étaient plus chers et que les prix des produits alimentaires de consommation courante étaient supérieurs en région parisienne.

À l’inverse, dans l’affaire jugée en 2010, l’employeur n’avait apporté aux juges aucun élément pour justifier le fait que le coût de la vie à Paris soit plus élevé qu’en province. Celui-ci partait du principe qu’il n’avait pas à justifier cette réalité qu’il jugeait incontestable.

En retenant que le coût de la vie peut être un motif justifiant une différence de traitement entre les salariés, n’y a-t-il pas un risque de voir une multitude de barèmes de rémunération distincts appliqués aux salariés d’une même entreprise qui a des établissements dans toute la France ?

À noter qu’il s’agit d’un arrêt de la Cour d’appel. Aussi, il faut attendre, dans le cas d’un éventuel pourvoi, de savoir si la Cour de cassation suivra les juges du fond.

 


(1) L. 3221-2 et L. 3221-3 du Code du travail

(2) Cass.soc.21.01.09, n°07-43.452

(3) Cass.soc.05.05.10, n°08-45.502

 

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