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Licenciement : un plancher d'indemnités fondé sur la taille de l’entreprise est constitutionnel

Publié le 26/10/2016

Dans une décision du 13 octobre 2016, le Conseil constitutionnel valide le régime d’indemnisation  prévu par le Code du travail en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, le plancher de 6 mois minimum de salaire, applicable aux entreprises employant au moins 11 salariés, ne méconnait ni le principe d’égalité devant la loi, ni la liberté d’entreprendre. Une décision logique mais qui est à saluer. Décision n° 2016-582 QPC du 13.10.16 .

 L’article L. 1235-3 du Code du travail énonce que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Ce n’est que dans le cas où l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, que le juge octroie une indemnité au salarié. Dans ce cas, la règle selon laquelle l’indemnité minimale octroyée au salarié ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois ne vaut que pour les entreprises d’au moins 11 salariés (1). Pour les licenciements opérés dans les entreprises de moins de 11 salariés et pour les licenciements concernant un salarié de moins de 2 ans d’ancienneté, aucun montant minimum d’indemnisation n’est fixé. L’indemnité est calculée en fonction du préjudice subi (2).

La décision du Conseil constitutionnel fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société Goodyear Dunlop Tires France SA et transmise par la Cour de cassation (3) à l’occasion d’un litige relatif à un licenciement économique. La société requérante soutenait ainsi que les dispositions du Code du travail relatives à l’indemnité de licenciement versée dans le cas d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse portaient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe d’égalité devant la loi et à la liberté d’entreprendre.

  • Le critère de l'effectif ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi

Selon le Conseil constitutionnel, le critère de l’effectif de l’entreprise est « en adéquation avec l’objet de la loi, qui consiste à dissuader les employeurs de procéder à des licenciements sans cause réelle et sérieuse ». Ainsi, le Conseil constitutionnel précise qu’en prévoyant un montant minimal de l’indemnité accordé par le juge pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse, applicable seulement dans les entreprises d’au moins 11 salarié, le législateur « a entendu éviter de faire peser une charge trop lourde sur les entreprises qu’il a estimées économiquement plus fragiles ». Pour le Conseil constitutionnel, le législateur a entendu poursuivre un but d’intérêt général.

En conséquence, ce traitement différencié des entreprises selon leur taille ne méconnaît pas le principe d’égalité devant la loi.

  • Le critère de l'effectif conforme à la liberté d’entreprendre

La société requérante invoquait une atteinte des dispositions légales à la liberté d’entreprendre. Or, le législateur ne peut apporter à cette liberté d’entreprendre que des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général. A condition toutefois que l’atteinte ne soit pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

Pour le Conseil constitutionnel, le montant minimal de l’indemnité au moins égal aux 6 derniers mois de salaire ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre dans la mesure où les dispositions légales visent à dissuader les employeurs de recourir aux licenciements sans cause réelle et sérieuse. Ces dispositions contribuent ainsi à la mise en œuvre du droit d’obtenir un emploi consacré par le Préambule de la Constitution de 1946 (4).

De plus, le Conseil constitutionnel soutient qu’en permettant au juge d’octroyer une indemnité d’un montant supérieur aux salaires des 6 derniers mois en fonction du préjudice subi, le législateur a mis en œuvre le principe de responsabilité consacré par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (5).

Le Conseil constitutionnel estime par conséquent que l’atteinte à la liberté d’entreprendre n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi par le législateur de mise en œuvre du droit d’obtenir un emploi et du principe de responsabilité.

  • Une décision protégeant les droits des salariés ?

La CFDT salue cette décision favorable aux salariés. En effet, il y a un an, le Conseil constitutionnel a censuré le critère des effectifs de l’entreprise issu des dispositions du projet de loi Macron relatives au plafonnement des indemnités (6). On aurait pu alors craindre que le Conseil constitutionnel aille dans le sens souhaité par la société Goodyear et supprime l'indemnité "plancher" de 6 mois pour les licenciements opérés dans les entreprises d'au moins 11 salariés. Heureusement, il n'en est rien!

Toutefois, l'une des meilleures solutions serait que l’indemnité « plancher » de 6 mois soit étendue par de nouvelles dispositions légales au licenciement intervenant dans une entreprise de moins de 11 salariés. En ce sens, une extension de cette indemnité "plancher" a été consacrée par la loi travail d'août 2016, mais pour des cas limités : ce sont les cas de violations des dispositions relatives à la discrimination, au harcèlement sexuel ainsi qu’à la grossesse et la maternité (7), et ce, quel que soit l'effectif de l'entreprise.

 

 

 

 



(1) Art L.235-3, al. 2 C.trav.
(2) Art L.1235-5 C.trav.
(3) Cass.soc. 13.07.16, n°16-40.209.
(4) Préambule de la Constitution de 1946, al. 5.
(5) Art 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
(6) Décision n°2015-715 DC du 05.08.15.
(7) Nouvel art L.1235-3-1 C.trav.