Retour

Inaptitude : Quelle sanction pour un médecin du travail qui cède à des pressions?

Publié le 30/03/2016

Le Conseil d'Etat valide la sanction prononcée contre un médecin du travail ayant rédigé un avis d’inaptitude sous pression d’un salarié qui menaçait de se suicider. CE, 10.02.16 N°384299.

  •  Faits, procédures, problématique

A la suite d’un avis d’inaptitude émis par le médecin du travail pour une aide-ménagère, deux particuliers employeurs ont décidé de saisir la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins contre le médecin du travail. Ces derniers ont estimé que le médecin avait eu une attitude tendancieuse dans l’établissement du certificat d’inaptitude rendu pour l’aide-ménagère qu’ils emploient tous les deux.

Le médecin du travail, saisi par l'employeur ou le salarié, peut être amené à rendre un avis d'inaptitude. L'inaptitude est une situation d'incompatibilité entre l'état de santé du salarié et la charge physique ou mentale dont est assorti son emploi. Elle peut être totale ou partielle. La délivrance d'un avis d’inaptitude obéit à une procédure stricte. L’article R. 4624-31 du Code du travail énonce que le médecin ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé une étude de ce poste, une étude des conditions de travail dans l’entreprise et procédé à deux examens du salarié espacés de deux semaines.

Les deux particuliers employeurs font valoir que le médecin du travail a établi le certificat d’inaptitude de manière irrégulière. Selon eux, le médecin n’a pas réalisé une étude du poste et des conditions de travail et n’a pas non plus procédé aux deux examens du salarié. Ils ajoutent que l’établissement de ce certificat s’est fait sur la base des seuls dires de la salariée.

La chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a entendu les arguments des  employeurs et décidé d’infliger un blâme au médecin du travail en raison du manquement à ses obligations déontologiques.

Le médecin du travail a alors décidé de contester le blâme devant le Conseil d’Etat.

La question posée au Conseil d’Etat est la suivante : le médecin qui, dans l’établissement d’un avis d’aptitude cède au chantage d’un salarié tout en se basant sur ses seuls propos commet-il une faute ?

  • Le blâme est justifié

Le Conseil d’Etat valide le blâme infligé par la chambre disciplinaire de l’ordre. Selon les juges, le médecin avait reconnu avoir été conscient de l’irrégularité de l’avis et avoir cédé au chantage de la salariée qui menaçait de se suicider faute de certificat d’inaptitude.

Le Conseil d’Etat relève également le fait que le médecin du travail n’avait pas respecté la procédure. En effet, ce dernier n’avait pas échangé avec les deux particuliers employeurs et ne s’était fondé que sur les seuls dires de la salariée dans l'établissement du certificat.

En d’autres termes, le médecin du travail qui fonde son avis sur les seuls dires du salarié, tout en cédant à ses pressions, commet un manquement à ses obligations déontologiques.

A noter que le médecin ayant subi des pressions devrait pouvoir, en tout état de cause, se retourner contre la salariée sur le plan pénal et porter plainte pour chantage

Selon l’article 312-10 du code pénal, représente un abus de pouvoir envers une personne l'usage d'une pression, dans le but d’obtenir contre sa volonté de l’argent, une signature, des biens.