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Égalité professionnelle : la loi enfin promulguée et (en grande partie) validée

Publié le 19/08/2014

La loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a été promulguée le 4 août dernier, soit plus d’un an après sa présentation en Conseil des ministres. La CFDT se félicite des avancées réclamées et obtenues, telles que le partage du congé parental d’éducation, le renforcement des dispositifs d’égalité professionnelle ou encore l’amélioration de la parité. Reste à déplorer qu’une partie de la loi ait été censurée par le Conseil constitutionnel, notamment les dispositions visant à créer des sanctions plus sévères en cas de licenciement discriminatoire. Loi du 04.08.14, n°2014-873

La loi du 4 août 2014 aborde l’égalité entre les femmes et les hommes dans des dimensions très variées : d’une part, elle prend des mesures destinées à leur assurer une égalité professionnelle réelle, un meilleur partage des temps de vie et des responsabilités parentales, et également d’autres mesures d’ordre plus sociétal.

  •  Réforme du congé parental d’éducation : la « prestation partagée d’éducation »

Cette prestation, qui remplace le complément libre choix d’activité, est destinée à inciter les pères à   interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants : 

- Les couples n’ayant qu’un enfant, qui bénéficiaient déjà de 6 mois de prestations familiales dues au titre du congé parental d’éducation, auront droit à 6 mois supplémentaires, à condition que ce soit le second parent qui en bénéficie.

- Pour les couples d’au moins 2 enfants, le complément libre choix d’activité (versé jusqu’ici pendant 36 mois) ne sera versé dans sa totalité que si le second parent fait usage de son droit de disposer de 6 mois. A défaut, le congé parental ne sera que de 2 ans et demi. Cette dernière disposition peut s’avérer regrettable, car elle revient à réduire de 3 ans à 2 ans et demi le congé parental pour des parents d’au moins 2 enfants, alors que la prise du congé parental par les deux n’est pas toujours possible, notamment compte tenu des ressources du couple (ou de l’absence de ressource).

Cette réforme est applicable pour les enfants nés ou adoptés depuis le 1er octobre 2014.

  •  Allongement de la durée du congé parental d’éducation en cas de naissances multiples

Jusqu’ici de 3 ans, le congé parental d’éducation en cas de naissances multiples (ex: jumeaux) pourra aller jusqu’à l’entrée à l’école maternelle des enfants. En cas de naissances multiples d’au moins 3 enfants, le congé parental pourra se prolonger jusqu’aux 6 ans des enfants.

  •  Nouvelles autorisations d’absence 

- Le salarié, marié ou Pacsé avec la femme enceinte ou vivant maritalement avec elle, bénéficie jusqu’à 3 autorisations d’absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires.

- La loi prévoit également un congé pour la conclusion d’un pacte civil de solidarité, soit 4 jours, au même titre que le congé pour mariage du salarié.

  •  Protection contre le licenciement accordée au père

La loi met en place, au même titre que pour la mère, une protection contre le licenciement accordée au père salarié pendant les 4 semaines suivant la naissance de son enfant, sauf en cas de faute grave du salarié ou d’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

  • Protection des collaborateurs libéraux

- Possiblité de suspendre le contrat de collaboration:
° pendant au moins 16 semaines à l’occasion de l’accouchement pour la collaboratrice libérale enceinte ;
° pendant  11 jours (ou 18 jours en cas de naissances multiples) suivant la naissance de l’enfant pour  le père collaborateur libéral (marié, pacsé ou en concubinage) ;
° pendant 10 semaines à compter de l’arrivée de l’enfant au foyer en cas d’adoption pour le collaborateur libéral ou la collaboratrice libérale.

Instauration d’une protection contre la rupture du contrat de collaboration
Impossibilité de rompre le contrat de collaboration des collaborateurs libéraux à compter de la déclaration de la grossesse ou de l’annonce de l’intention de suspendre le contrat jusqu’à l’expiration d’un délai de 8 semaines suivant la fin de la période de suspension, sauf manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel de l’intéressé, non lié à la grossesse, à la paternité ou à l’adoption.

  •  Egalité salariale 

Pour supprimer les écarts de rémunération existant entres les femmes et les hommes, la loi a créé une négociation collective annuelle unique sur l’égalité professionnelle et salariale et y a introduit deux nouveaux thèmes : le déroulement des carrières et la mixité des emplois.

L’employeur doit prendre des mesures pour réduire ces écarts et en faire sa priorité.

  •  Expérimentation de l’utilisation du Compte épargne-temps (CET) en Chèque emploi-service universel

La loi crée, à titre expérimental pour une durée de 2 ans, un nouveau cas de déblocage des sommes épargnées sur un compte épargne-temps pour financer des prestations de service à la personne au moyen de chèques emploi-service universels (CESU). La CFDT, qui privilégie la prise de repos ou de congés rémunérés, n’est toutefois pas favorable à cette nouvelle faculté de « monétisation » du CET.

  •  Licenciement discriminatoire : Censure du conseil constitutionnel

Pour des raisons de procédure, le Conseil Constitutionnel a malheureusement censuré (1), le 31 juillet 2014, les dispositions de la loi qui visaient à créer de nouvelles sanctions en cas de licenciement discriminatoire. Les deux articles censurés prévoyaient le remboursement par l’employeur à Pôle emploi des allocations chômage versées au salarié dont le licenciement aura été reconnu fautif, car discriminatoire ou lié à un harcèlement moral ou sexuel. Il obligeait également le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité au moins égale aux 12 derniers mois de salaire (contre 6 mois de salaire minimum aujourd’hui) en cas de licenciement discriminatoire ou lié à un harcèlement moral ou sexuel ou intervenu malgré l’annonce de l’état de grossesse de la salariée dans les 15 jours de la notification du licenciement.

Considérant que ces articles ont été introduits trop tardivement dans la procédure d’examen parlementaire, et n’ont donc pas pu être suffisamment débattus, le Conseil les a jugés inconstitutionnels.Ce qui est regrettable car ces dispositions auraient assurément eu un impact significatif sur les licenciements discriminatoires.

A défaut d’avoir été adoptés dans le cadre de la loi du 4 août 2014, ces dispositions pourront être réintroduites dans une prochaine loi.

  •  Renforcement et élargissement  des règles de parité

 - En politique : les partis politiques qui ne présentent pas un nombre égal de femmes et d’hommes sur leurs listes lors des élections législatives sont condamnés à recevoir moins de subventions de l’Etat.

 - Au sein des fédérations sportives (exigence de 40% de femmes aux instances dirigeantes lorsque la proportion de licenciés de chacun des 2 sexes est d’au moins 25%), des établissements publics, des chambres locales de commerce et d’industrie, des chambres départementales et régionales d’agriculture (modalités d’application à préciser par décret en Conseil d’Etat).

 - Dans toutes les commissions et instances consultatives et délibératives de l’Etat, telles que le Conseil supérieur de la prud’homie ou le Conseil supérieur de l’Education.

 - Dans les entreprises non cotées en Bourse de plus de 250 salariés, la loi étend l’obligation (qui existait déjà pour les entreprises de plus de 500 salariés) de compter, dès 2020, 40 % de femmes dans les conseils d’administration, sous peine de sanctions financières. Cette obligation (de 40%) est également avancée à 2017 au lieu de 2018 pour l’encadrement supérieur et dirigeant au sein de la fonction publique, avec pour sanction la nullité des nominations intervenues en violation de cette obligation.

- La loi instaure une interdiction d’accès aux marchés publics et aux partenariats publics-privés pour les entreprises de plus de 50 salariés sanctionnées pour discrimination ou qui refusent de mettre en œuvre leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. Cette mesure sera applicable à compter du 1er décembre 2014.

  •  Réaffirmation du droit des femmes à la contraception et l’avortement

La loi supprime la référence à la « situation de détresse » ( issue de la loi Veil de 1975) dans laquelle devait se trouver la femme enceinte afin de recourir à une IVG. L’expression est remplacée par « qui ne veut pas poursuivre une grossesse ».  Cette disposition, qui a fait l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel par 60 sénateurs, a finalement été jugée constitutionnelle.

  •  Lutte contre la précarité 

La loi a créé un mécanisme  de garantie publique contre les impayés des pensions alimentaires. Dès le premier d’impayé, le Gouvernement se substituera au parent défaillant et versera une allocation à travers la Caisse d’allocation familiale. En cas d’oubli ou de refus de payer, le juge pourra « imposer le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ».

Le dispositif sera expérimenté par la caisse d’allocations familiales dans 20 départements en vue d’une généralisation en 2016.

- La loi entend faciliter l’accès à tous les modes de garde d’enfant par les familles modestes notamment en prévoyant le versement en tiers payant, directement à l’assistant maternel agréé, du complément de libre choix du mode de garde normalement versé au parent.

- Le Gouvernement s’est par ailleurs engagé à développer les services d’accueil pour jeunes enfants, soit 275 000 solutions d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans, dont 100 000 places en crèches. Ce à quoi, la CFDT restera particulièrement attentive.

  •  Meilleure protection des femmes victimes de violence

La loi met en œuvre la Convention d’Istanbul qui entrera en vigueur au 1er octobre 2014 et s’articulera avec le 4e plan de lutte contre les violences faites aux femmes :

- mise en place du numéro 3919, accessible 7 jours sur 7 et gratuit depuis les portables ;

déploiement des téléphones « grand danger » : il s’agit d’un portable spécial qui permet aux femmes violentées d’être  rapidement secourues grâce à une plateforme de régulation chargée d’évaluer le danger, et de mobiliser immédiatement les secours;

délivrance d’ordonnances de protection plus rapide et allongement de leur durée ;

- réaffirmation du principe de l’éviction de l’auteur de violences du domicile et le maintien de la victime dans le logement conjugal.

  •  Elargissement des missions confiées au CSA pour lutter contre les stéréotypes

- Lutter contre les images sexistes ou dégradantes de la femme dans les médias ;

- Par ailleurs, la loi interdit les concours de « Mini-miss » pour les enfants de moins de 13 ans sous peine d’amende. Elle permet néanmoins d’organiser ces concours pour les enfants de moins de 16 ans à condition d’obtenir l’autorisation préalable du représentant de l’Etat dans le département.

 L’effectivité de la loi du 4 août 2014 résidera pour l’essentiel dans l’étendue des sanctions encourues en cas de non-respect de ses dispositions. Le Gouvernement s’est  engagé à ce que l’ensemble des décrets d’application passent avant la fin du mois de novembre.

 (1) Conseil Constitutionnel, décision du 31 juillet 2014, n° 2014-700 DC.

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