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Egalité de traitement : les différences négociées sont présumées justifiées

Publié le 13/07/2016

La Cour de cassation a jugé dans un arrêt récent que les différences de traitement opérées par voie de convention ou d'accord collectif entre catégories professionnelles ou entre salariés d'une même catégorie professionnelle, mais occupant des fonctions distinctes, sont présumées justifiées au regard du principe d'égalité de traitement. Cass. soc. 08.06.16, n° 15-11.324 et 15-11.478 à 15-12.021.

 Dans les faits, des salariés contestaient les dispositions de la convention collective nationale du Crédit Agricole qui prévoit un avantage logement et une indemnité de résidence au bénéfice d’une partie seulement des cadres (les directeurs de groupe et d’agence et les cadres de direction). Ainsi, tous les cadres n’étaient pas concernés par ces avantages ce qui constituait, selon les plaignants, une différence de traitement non justifiée par des raisons objectives.

Selon une formulation bien établie de la Cour de Cassation, « la différence de traitement entre les salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence »(1).  Il revient à l’employeur de justifier les différences de rémunération entre salariés par des éléments objectifs, pertinents et vérifiables.

Les salariés ont été déboutés de leur demande par les juges du fond et n’ont pas non plus obtenu gain de cause devant la Cour de cassation.

  • Une extension du champ de la présomption de justification

La Cour de cassation réaffirme ici sa jurisprudence par laquelle elle avait admis que les différences de traitement entre catégories professionnelles (par exemple, entre cadres et non cadres) étaient présumées justifiées lorsqu’elles étaient opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives(2).

La nuance, dans cette affaire, est qu’il ne s’agissait pas d’une différence de traitement entre salariés de catégories professionnelles différentes mais entre salariés appartenant à la même catégorie, celle des cadres, exerçant des fonctions différentes. Par cet arrêt du 8 juin 2016, la chambre sociale vient étendre la présomption de justification aux avantages conventionnels accordés aux salariés occupant des fonctions distinctes au sein d'une même catégorie professionnelle.

  • Une inversion de la charge de la preuve

La Haute juridiction précise que ces différences de traitement opérées par voie d’accord sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Ainsi, cette présomption de justification n’est pas irréfragable, elle peut être renversée. La charge de la preuve est simplement inversée. En clair, il n'appartient plus à l'employeur de démontrer que la différence de traitement repose des critères objectifs et pertinents mais il revient à celui qui conteste l'avantage en cause de prouver que cette différence est liée à des motifs de nature non professionnelle.

  • La légitimité du dialogue social réaffirmée

Bien sûr, les différences de traitement sont présumées justifiées dès lors qu’elles sont prévues par voie de convention ou d’accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives. La chambre sociale rappelle d’ailleurs que les organisations syndicales sont investies de la défense des droits et intérêts des salariés qui participent à leur habilitation directement par le vote lors des élections professionnelles.

Elle explique dans son communiqué accompagnant l’arrêt que « le fondement de cette présomption est que les négociateurs sociaux agissent par délégation de la loi et qu’ils doivent, en conséquence, disposer, dans la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement, d’une marge d’appréciation comparable à celle que le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur dans le contrôle qu’il exerce sur le respect par celui-ci du principe constitutionnel d’égalité ».

Ainsi, la Cour de cassation renforce, une nouvelle fois, la légitimité des accords signés par les organisations syndicales représentatives. Nous pouvons nous réjouir de la confiance accordée aux partenaires sociaux dans l’élaboration d’accords collectifs équilibrés. Le dialogue social s’en trouve légitimé et sécurisé.  



(1) Cass. Soc. 15.05.07, n° 05-42.894.

(2) Cass. soc. 27.01.15, n°13-22.179.