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Clause de non-concurrence : démission et réduction de la contrepartie financière

Publié le 03/05/2016

La clause du contrat qui prévoit une minoration de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence en cas de rupture à l’initiative du salarié est réputée non écrite, quand bien même elle serait conclue en application d’une convention collective. Telle est la précision apportée par la Cour de cassation, dans un récent arrêt. Cass. soc., 14.04.2016, n° 14-29.679

 Afin de protéger ses intérêts, une entreprise peut insérer une clause de non-concurrence dans le contrat de travail de ses salariés. En vertu de cette clause, le salarié s'engage, après la rupture du contrat de travail, à ne pas travailler pour une entreprise concurrente ou à ne pas exercer une activité concurrente pendant un certain temps et dans une zone géographique limitée. En contrepartie, l'entreprise verse une indemnité financière au salarié.

 Depuis 2002, la Haute Cour fait de la contrepartie financière une condition de validité de la clause de non-concurrence (1). Ainsi, une clause ne comportant pas de contrepartie financière (2), ou une contrepartie dérisoire (3), est-elle illicite et nulle. 

  • Faits, procédure, problématique

Dans cette affaire, le contrat de travail d’une responsable développement comporte une clause de non-concurrence qui prévoit une indemnité égale à la moitié de son traitement mensuel en cas de licenciement et au tiers de ce traitement en cas de rupture par la salariée, conformément à l’article 32 de la convention collective nationale de l’industrie textile applicable au sein de l’entreprise.

Après avoir démissionné, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour réclamer l’indemnité de non-concurrence prévue en cas de licenciement. Elle faisait valoir que l’employeur n’était pas fondé à lui opposer la disposition précitée de la convention collective, pour limiter le montant de la contrepartie financière.

La cour d’appel lui a donné raison, et a condamné l’employeur à payer le solde de l’indemnité de clause de non-concurrence et les congés payés afférents. Elle juge que « la clause de non-concurrence ne peut dissocier les conditions d'ouverture de l'obligation de non-concurrence de celle de son indemnisation », que ses modalités de calcul soient d’origine contractuelle ou conventionnelle, à moins de porter atteinte au principe de libre exercice d'une activité professionnelle.

L’employeur a alors formé un pourvoi, au motif que « le juge ne peut faire prévaloir une application contraire aux dispositions de la convention collective librement négociée entre les partenaires sociaux ».

La Cour de cassation a donc dû répondre à la question suivante : une clause du contrat de travail peut-elle prévoir une minoration de l’indemnité de non-concurrence en cas de démission du salarié, même si la convention collective l’envisage ?

  • L’application de la convention collective n’autorise pas la réduction de l’indemnité

La Haute juridiction y répond par la négative et approuve le raisonnement des juges d’appel qui ont « exactement décidé que cette disposition, contraire au principe de libre exercice d'une activité professionnelle et à l'article L. 1121-1 du Code du travail, devait être réputée non écrite ».

L’article L 1121-1 du Code du travail dispose que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Tel est le cas, comme en l’espèce, de la liberté d’exercer une activité professionnelle.

L’arrêt rendu par la chambre sociale le 14 avril s’inscrit dans la droite ligne des jurisprudences précédentes. En effet, elle avait déjà jugé que les dispositions de la clause de non-concurrence qui réduisent la contrepartie financière en cas de démission étaient réputées non écrites (4). Toutefois, elle précise ici que cette solution est maintenue, quand bien même la minoration prévue au contrat de travail découlerait de l’application de la convention collective.

Qu’elle que soit la provenance ou l’origine de la clause de non-concurrence (insérée dans le contrat de travail ou dans une convention collective), dès lors qu’elle porte atteinte au principe de libre exercice d’une activité professionnelle et à l’article L.1121 du Code du travail, elle n’est pas valable.

 En toute hypothèse, on ne peut que saluer un tel positionnement de la Cour en faveur des droits et libertés du salarié.

  • Les emplois susceptibles de justifier l’application d’une clause de non-concurrence

La liberté du salarié de travailler dans l’entreprise de son choix peut être limitée pour protéger les intérêts légitimes de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence permet à la clause de non-concurrence d'apporter des restrictions à la liberté de travailler du salarié.

Toutefois, pour appliquer une clause de non-concurrence, l’entreprise doit impérativement être susceptible de subir un réel préjudice au cas où le salarié exercerait une activité concurrente.

Dans le but d’éviter que ce type de clause soit insérée dans les contrats de travail de salarié qui ne font pas courir de risque de concurrence à leur ancien employeur cette condition est requise.

A ce titre, Il n'est pas permis d'insérer systématiquement une clause de non-concurrence dans les contrats de travail d'une catégorie de salarié (cadres, ingénieurs, etc.). Si, objectivement, le salarié n'est pas en mesure de « gêner » l'employeur, compte tenu notamment du peu de qualification de son emploi, la clause sera déclarée nulle. C'est ce qui a été jugé par exemple pour un laveur de carreaux (5), un télévendeur (6) ou encore un assistant funéraire (7).

Même si le salarié est qualifié, encore faut-il que son activité soit susceptible de réellement concurrencer celle de l'employeur. Le niveau hiérarchique et les responsabilités du salarié ne justifient pas, à eux seuls, la présence d'une clause de non-concurrence dans son contrat de travail.



(1) Cass. soc., 10.07.2002, n°00-45.135
(2) Cass. soc.,29.01.2003, n°00-44.882
(3) Cass. soc., 15.11.2006, n°04-46.721
(4) Cass. soc., 25.01.2012, n°10-11.590
(5) Cass. soc., 14.05. 1992, no 89-45.300
(6) Cass. soc., 11.07.2001, no 99-42.915
(7) Cass. soc., 30.10.2000, no 98-43.756