La nouvelle donne du dialogue social

Publié le 23/07/2015

Les députés ont adopté la loi sur le dialogue social et l’emploi le 23 juillet. Cadre du dialogue social, information-consultation, négociation, parcours des élus et mandatés, subrogation… Le point sur les principaux changements.

Quatre mois après sa présentation en Conseil des ministres et six mois après l’échec de la négociation sur le sujet, la loi sur le dialogue social et l’emploi était adoptée au Parlement, ce 23 juillet. François Rebsamen, ministre du Travail, a évoqué « un texte d’équilibre (…) fruit de nombreuses discussions et négociations engagées avec les représentants des salariés et des employeurs », qui vise à « revivifier et rénover le dialogue social ». Si la CFDT a largement pesé pour faire valoir ses vues lors de la concertation préalable et tout au long du processus parlementaire, la secrétaire nationale Marylise Léon a estimé que l’on ne pourrait juger de l’équilibre du texte qu’au regard des moyens qui seront in fine mis à la disposition des représentants du personnel dans l’accomplissement de leur mandat. Or contrairement à ce qu’elle avait réclamé, c’est un décret à paraître qui les fixera pour les entreprises de 50 à 300. Au-delà de ces inconnues, le texte change sensiblement la donne du dialogue social dans l’entreprise. Voici les principaux points à retenir.

- La valorisation des parcours

Dans les entreprises, un accord fixera les mesures à mettre en œuvre pour concilier vie personnelle, vie professionnelle et fonctions syndicales et électives. Cet accord prendra en compte l’expérience acquise durant le mandat. Un entretien de début de mandat portera sur les modalités pratiques d'exercice de celui-ci au sein de l'entreprise compte tenu de l’emploi occupé.

Le texte introduit un mécanisme de garantie d’évolution salariale des élus et titulaires d’un mandat syndical dont le mandat représente au moins 30% de leur temps de travail. Ils bénéficieront d’une évolution de rémunération « au moins égale, sur l’ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l’ancienneté est comparable ». Cela n’exclut évidemment pas les accords de branche ou d’entreprise plus favorables. Pour ces mêmes représentants, l'entretien professionnel (réalisé tous les deux ans) effectué au terme de leur mandat devra « procéder au recensement des compétences acquises au cours du mandat et préciser les modalités de valorisation de l'expérience acquise ». Les compétences correspondant à l'exercice d'un mandat de représentant du personnel ou d'un mandat syndical feront par ailleurs l’objet d’une certification, enregistrée en blocs de compétences. Le texte instaure en outre la mixité proportionnelle aux élections professionnelles.

- Un dialogue social « plus stratégique »

Les 17 obligations actuelles d’information-consultation du CE sont regroupées en trois temps : les orientations stratégiques et leurs conséquences, qui incluent la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les orientations de la formation professionnelle ; la situation économique et financière de l’entreprise (dont le crédit d’impôt recherche et le CICE) ; la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi. Pour la CFDT, cette rationalisation doit permettre d’être consulté aux moments clés de la vie de l’entreprise, en articulant mieux les différents thèmes. Le comité d’entreprise n’est plus consulté sur les projets d’accord. Les négociations obligatoires sont également regroupées en trois thèmes : rémunération, temps de travail et répartition de la valeur ajoutée ; égalité professionnelle et qualité de vie au travail ; gestion des emplois et des parcours professionnels (tous les trois ans pour cette négociation). Ces thèmes et la périodicité pourront être modifiés par accord majoritaire.

- Une autre organisation des IRP

Le cadre du dialogue social ne change pas dans les entreprises de plus de 300 salariés. Sauf si un accord majoritaire en décide autrement. Il détermine alors l’ensemble des modalités de fonctionnement des nouvelles IRP ainsi constituées. Il en va tout autrement dans les entreprises de 50 à 300. Alors que la CFDT réclamait la possibilité d’adapter là aussi par accord majoritaire le cadre en fonction des réalités de l’entreprise, elle n’a pas été suivie sur ce point par le gouvernement. Dans les entreprises de 50 à 300, c’est l’employeur qui décidera seul soit de maintenir le cadre actuel existant, soit d’opter pour une délégation unique du personnel élargie au CHSCT. L’ensemble des attributions (délégation du personnel, comité d’entreprise, CHSCT) est conservé, précise la loi. Mais sans donner de garanties en termes de moyens (nombre de mandats et d’heures de délégation), renvoyant ceux-ci à un décret ultérieur. Lors du débat parlementaire, la CFDT a néanmoins obtenu que les suppléants puissent siéger (avec voix consultative). Une fonction de secrétaire adjoint a par ailleurs été créée. Enfin, la possibilité d’annualiser et de mutualiser les heures de délégation, réclamée par la CFDT, est également inscrite dans le projet de loi – mais réservée aux seules entreprises de 50 à 300, et non à l’ensemble, comme le souhaitait la CFDT.

- La représentation des salariés des TPE

Cette revendication de longue date de la CFDT a enfin abouti. Les salariés des très petites entreprises seront désormais représentés à travers des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) au sein desquels siègeront dix représentants « issus des TPE » (c’était une demande de la CFDT) des salariés (et autant côté employeurs), qui bénéficieront d’un temps de délégation et du statut de salarié protégé. Les CPRI seront chargées d’informer et de conseiller les salariés et employeurs sur les dispositions légales et conventionnelles et de traiter les questions spécifiques aux TPE (emploi, formation, GPEC, conditions de travail, santé). Elles auront aussi, comme le réclamait la CFDT, une mission de médiation afin de prévenir les conflits. Autant de nouveautés qui demandent désormais à se traduire dans les faits.

aseigne@cfdt.fr

 © Hamilton/Réa

     
 

Formation syndicale : le retour de la subrogation

On peut dire que la CFDT s’est battue pour obtenir le rétablissement du mécanisme de subrogation, qui permet au salarié partant en formation syndicale, de voir son salaire maintenu. Le dispositif avait disparu au gré des examens successifs de la loi du 5 mars 2014 portant réforme de la formation professionnelle et la CFDT s’est démenée depuis pour obtenir sa réintégration dans la loi. Celle-ci prévoit désormais qu’un salarié partant en formation syndicale verra son salaire maintenu dès lors que son organisation syndicale en a fait la demande expresse et écrite à l’employeur, avec l’accord du salarié. Il appartient ensuite à l’organisation syndicale de procéder au remboursement total du salaire maintenu (y compris les cotisations et contributions sociales), sauf convention avec l’employeur précisant un autre montant.