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La CES travaille à l’avenir de l’Europe

Publié le 30/11/2016

Alors que le projet européen est malmené de toutes parts, un Pacte pour l’avenir de l’Europe devrait voir le jour à l’occasion du 60e anniversaire de l’Union européenne à Rome en mars 2017. Le mouvement syndical européen y apporte une contribution d’une ampleur inédite.

« Nous, les syndicats européens, voulons une Union européenne et un marché unique basés sur la coopération, la solidarité et la justice sociale – une Union européenne capable d’affronter la concurrence mondiale avec un modèle économique et social durable. » Telle est l’introduction de la plateforme revendicative sur l’avenir de l’Europe adoptée fin octobre par le comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats (CES).

Prenant acte du malaise européen après le Brexit et de la crise des réfugiés qui a sérieusement mis à mal l’unité européenne, les chefs d’État et de gouvernement, réunis à Bratislava (Slovaquie) en septembre dernier, s’étaient donné une feuille de route qui, entre autres, devait relancer le projet européen. « Cette plateforme sur l’avenir de l’Europe de la CES contribuera aux débats qui se dérouleront à Rome le 25 mars 2017, à l’occasion du sommet qui célébrera les 60 ans du traité de Rome, première pierre fondatrice de l’Union européenne », explique Mariano Fandos, l’un des secrétaires confédéraux chargés de l’Europe.

Un budget pour l’Union européenne

Que dit cette plateforme ? Elle est articulée autour de trois volets : un changement de gouvernance économique ; un modèle social renouvelé ; une réforme démocratique. La CES propose ainsi une gouvernance économique intégrant une gouvernance sociale de même niveau : « Il est temps de mettre en place un semestre européen social [il permet la coordination des politiques des États membres] et de faire en sorte que le socle européen des droits sociaux ne soit pas simplement un palliatif visant à réparer les dégâts de l’austérité […]. Il faut replacer l’économie sociale de marché décrite par Jacques Delors au cœur de l’Union européenne. » En vue d’asseoir une gouvernance sociale efficace, la CES juge indispensable de redéfinir le pacte de stabilité et de croissance ainsi que le rôle de la Banque centrale européenne, d’impulser un véritable plan d’investissement public, de relancer la demande intérieure et de doter l’Union européenne d’un budget propre, outre une coordination fiscale pour plus de justice et d’efficacité.

Une assurance-chômage européenne

Concernant le modèle social, la CES estime que son renouvellement passe par une garantie du principe d’égalité de traitement, la relance du dialogue social, le renforcement de la liberté de circulation, la lutte contre le dumping social et la promotion de la qualité de vie au travail. La plateforme évoque également la nécessité de mettre en place une assurance-chômage européenne et un revenu minimum. Enfin, sur la réforme démocratique, la CES demande une modification des traités qui inclurait un protocole social, un renforcement du rôle du Parlement européen et la création d’une Cour européenne du travail.

« Cette plateforme pose des jalons pour remettre le projet européen sur les rails, analyse Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé des questions européennes. Elle témoigne d’une CES qui prend des engagements forts dans une nouvelle étape de la construction européenne et la réoriente en faveur des droits des salariés. La CFDT apprécie tout particulièrement quatre points : le plan d’investissement, les convergences salariales, les avancées sur l’assurance-chômage européenne et sur la portabilité des droits. » La CFDT a notamment insisté sur la nécessité de diriger le plan d’investissement vers les pays et les secteurs qui en ont le plus besoin.

Sur les convergences salariales, la plateforme souligne la volonté des organisations syndicales de réduire les écarts de salaires, à la fois entre pays et à l’intérieur de chaque État membre, en s’attaquant en priorité aux bas salaires. Ce sera d’ailleurs le sens de la campagne en faveur des augmentations de salaires que lancera la CES au début de 2017. « Pour sa part, la CFDT souhaite aller plus loin en se fixant comme objectif commun de passer à un salaire minimum égal à 60 % du salaire médian de chaque pays, précise Mariano Fandos. Cependant, cette revendication n’est pas suivie par tous les adhérents de la CES. »

Quant à l’assurance-chômage européenne – un mécanisme complémentaire aux systèmes nationaux intervenant en cas de crise économique –, cela constituerait une véritable avancée si l’idée était reprise lors du sommet de Rome. « Ce serait un argument concret de justice sociale auquel les travailleurs européens seraient sensibles et en même temps un stabilisateur économique qui viendrait momentanément en aide aux pays en difficulté », estime la CFDT.

Enfin, la plateforme vise à développer la portabilité des droits. Selon la CFDT, « l’évolution des technologies, des organisations des entreprises et du travail induisent des parcours professionnels de moins en moins linéaires […], le syndicalisme se doit de […] garantir des droits et une protection sociale à tous les travailleurs européens dans l’avenir ».

Privilégier la qualité plutôt que la quantité

Plus globalement, « la plateforme redonne une place prépondérante aux partenaires sociaux et fait du dialogue social un enjeu d’avenir très important à un moment où l’UE doit faire barrage à la montée des populismes », se félicite Yvan Ricordeau.

Seul bémol, la CFDT souhaite que soit plus clairement affirmé le choix d’orienter le mode de développement vers une économie de la qualité et non de la quantité. En revanche, elle observe une véritable avancée dans le débat sur une plus grande intégration européenne et l’articulation entre la zone euro et le reste de l’Union. Les organisations scandinaves, jusqu’ici réticentes, admettent désormais que des initiatives puissent être prises par les seuls États membres de la zone euro. Preuve que si le projet européen a besoin d’être relancé, il n’est pas au point mort.

dblain@cfdt.fr