Retour

[Vidéo] L'UGTT sort renforcée de son 23e congrès

Publié le 26/01/2017

Le 23e congrès de l’UGTT s’est achevé jeudi matin. Noureddine Taboubi succède au secrétaire général Hassine Abassi à qui le congrès et les organisations étrangères présentes, dont la CFDT, ont rendu des hommages appuyés. La liste « consensuelle » a été entièrement élue ne laissant aucun poste à la liste concurrente conduite par Kacem Afaya.  

Devant près de 7 500 personnes réunies sous la coupole du Palais des sports d’El Menzah à Tunis, Hassine Abassi, a ouvert le 23e congrès de l’UGTT le 22 janvier. Il a rappelé le rôle essentiel joué par la centrale tunisienne dans la vie politique, économique et sociale du pays. Étant à l’époque la seule organisation démocrate structurée, l’UGTT a joué un rôle d’encadrement de la révolution, ce qui a contribué à éviter les dérives violentes et extrémistes. Elle a aussi été un garant du processus démocratique dans lequel ce pays s’est engagé. Avec l’Utica, l’organisation patronale, la ligue tunisienne des droits de l’Homme et l’Ordre des avocats, l’UGTT a été et reste encore le moteur Quartet du dialogue national tunisien, récompensé par le prix Nobel de la paix 2015. « Pour autant, la situation reste fragile, comme toujours après une révolution », a estimé Hassine Abassi, leader charismatique de l’organisation, qui a quitté le secrétariat général à l’issue de ce congrès.

           

Sur le plan social Hassine Abassi l’a rappelé : l’UGTT a obtenu des augmentations salariales importantes : de 450 (184 €) à 900 dinars (368 €) dans le secteur public et une augmentation de 60 % des salaires dans le privé depuis le dernier congrès de 2011, alors que l’inflation est de 4,2 % par an. L’intégration des salariés sous-traités par des entreprises externes dans le public et les entreprises privées est également à inscrire à son actif, ainsi que l’unification des salaires minimum dans l’agriculture et l’industrie. Sur cette même période de cinq ans, le nombre des adhérents à la centrale tunisienne est passé de 430 000 à 740 000 alors que la cotisation augmentait de 50 % de 2 (0,81 €) à 3  dinars (1,22€) mensuels.

Deux femmes minimum dans les exécutifs

Les jours suivants, le congrès a débattu de deux questions très importantes : la place des femmes dans l’exécutif et la levée de la limitation à deux mandats pour les membres du bureau exécutif. Ces deux questions ont donné lieu à des débats très animés.

Sur la question des femmes, l’UGTT se devait d’avancer. Avec 35 % en moyenne d’adhérentes (certains secteurs, comme le textile, comptant 80% de femmes ) et aucune femme présente dans le bureau exécutif, l’organisation devait se mettre en conformité avec sa réalité démographique et politique. D’ailleurs, les femmes présentes sur les deux listes concurrentes et non congressistes n’avaient pas le droit de pénétrer à l’intérieur du congrès (n’étant pas déléguées), elles étaient présentes à l’extérieur du site sous une toile de tente. « Nous avons participé activement à la révolution, nous sommes très présentes dans la vie sociale du pays. Nous devons obtenir une meilleure représentation dans notre organisation », a soutenu Wassila Ayachi, de l’organisation régionale de Ben Arous de l’UGTT et candidate sur la 2e liste.

Son souhait n’aura été qu’en partie exaucé. Le congrès a acté le principe d’augmenter le nombre de membres de l’exécutif de deux postes automatiquement octroyés à des femmes à partir du… prochain congrès dans cinq ans. En attendant, il a d’ores et déjà élu une femme, Naïma Hammami, dans l’actuel bureau. Elle était jusque-là l’une des responsables du syndicat de l’enseignement. De plus, toutes les instances de la centrale tunisienne peuvent désormais et dès aujourd’hui attribuer deux postes à des femmes dans leur exécutif.

Sur la non-limitation à deux mandats successifs pour les membres de l’exécutif, le Congrès n’a pas suivi la volonté de la direction. « Les Tunisiens sont traumatisés par les mandats à vie dont ont bénéficié les dirigeants politiques d’avant la révolution », nous confiait un expert présent au congrès. Hassine Abassi et Noureddine Taboubi, respectivement ancien et nouveau secrétaires généraux, ont pourtant mis leur poids politique dans la balance pour lever cette règle qui va imposer un important renouvèlement lors du prochain congrès : neuf des treize membres dont le secrétaire général devront quitter l’exécutif dans cinq ans. Le risque est de créer une profonde instabilité alors que l’UGTT est l’un des rares éléments stables de la vie politique d’un pays qui n’a vraiment pas besoin de cela.

Les défis à venir

 « J’ai confiance dans le bureau exécutif qui vient d’être élu pour faire face aux défis que nous allons rencontrer, notamment sur l’emploi et sur la réforme de la Sécurité sociale », affirmait Noureddine Taboubi, le nouveau secrétaire général à l’issue du congrès. Sur une population active de plus de 5 millions de personnes, 800 000 sont au chômage dont 320 000 jeunes diplômés. Une situation inquiétante juge le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, ancien syndicaliste de l’UGTT : « Ce sont ces jeunes-là qui sont descendus dans la rue, qui ont fait la révolution. Nous devons répondre à leurs attentes en créant des emplois. »

Une importante réforme de la Sécurité sociale et en particulier de l’assurance-retraite attend les Tunisiens. « Nous aurons besoin d’une organisation syndicale responsable pour négocier cette réforme », prévient le ministre qui fait confiance a priori à la nouvelle équipe de l’UGTT. Le système généreux en place depuis les années 60 permet une retraite à 60 ans, une pension d’un montant équivalent de 90 % à 103 % du salaire dans le public et de 80 % dans le privé. De plus, il a autorisé de nombreux départs en pré-retraite alors que le nombre d’actifs par retraités chutait : de 10 pour 1 retraité, il est passé à 3,8 pour 1 aujourd’hui. Bref, les caisses de retraite sont au bord du gouffre.

L’avenir immédiat de la Tunisie passe par la réussite de cette réforme et dans la lutte pour l’emploi. D’autant que si la menace terroriste semble cantonnée pour l’instant à quelques points à la frontière avec la Libye, la stabilité économique et sociale constitue une bonne garantie contre un basculement d’une partie de la population.

Didier Blain

 

 

 

 

 

Laurent Berger à la tribune de l’UGTT

Berger UGTTUne importante délégation CFDT, conduite par Laurent Berger, a participé au congrès. Le secrétaire général y est intervenu pour réaffirmer que l’« UGTT trouvera toujours la CFDT à ses côtés pour poursuivre son combat pour la justice sociale et la démocratie ». Il a rappelé que les deux organisations travaillent ensemble dans plusieurs domaines de coopération : la formation professionnelle, la formation syndicale et la protection sociale.

Au terme de son discours, Laurent Berger a rendu un hommage tout particulier à Hassine Abassi, le leader charismatique et historique de l’UGTT, et lui a remis un présent au nom de la CFDT.  

© DR