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[Portrait] Scarfo, le 93 dans la peau

Publié le 22/12/2017

À la tête de la CFDT du 93 pendant plus de quinze ans, Pierre Scarfogliero revient pour Solidaires sur son itinéraire. De son enfance en Algérie à son arrivée en France, en passant par son travail à la Sécu et son engagement pour son département d’adoption, « Scarfo » – pour les intimes – se raconte sans langue de bois. Fier, franc, généreux et gagneur.

Petit-fils de pêcheur napolitain et de fonctionnaire corse, Pierre est né à Alger, en 1955, dans le quartier populaire de Bab el Oued. Sa mère est au foyer, son père vendeur de chapeaux. « Je me souviens avoir commencé l’année scolaire dans une classe mixte et l’avoir finie qu’entre Français », relève-t-il. Nous sommes au début de l’année 1962 et la guerre d’indépendance fait rage. Les alertes à la bombe sont quotidiennes. Pierre est même témoin d’un attentat. Ses parents décident de quitter le pays à l’été 62. « Je pensais partir en vacances en Corse… », confie-t-il, sans laisser deviner d’émotion.

DE LA CORSE A ROSNY-SOUS-BOIS
Après deux ans en Corse, la famille s’installe à Rosny-sous-Bois (93). « J’étais perdu, se souvient Pierre. J’avais du mal à me faire comprendre, entre mon accent ‘pied-noir’ et mes expressions corses. » S’il se sent comme un étranger, le garçon d’alors se fait néanmoins des copains. Pour la plupart, déracinés comme lui. « Dans la cité où je vivais, il y avait une vraie mixité entre Français, Arabes, Portugais… », précise-t-il. Après une scolarité sans histoire jusqu’en 1ère, Pierre est viré du lycée pour avoir organisé, avec sa bande, le blocus de sa salle de classe. Il part en quête d’un travail à 17 ans.

À reculons, il tente sa chance à la Sécurité sociale. Il est recruté à la direction de la caisse régionale à Paris. « J’étais au service statistiques, toute la journée devant une calculatrice à rouleaux à faire des opérations sur la productivité, l’absentéisme, etc. », détaille-t-il savoureusement. Assez vite, il s’intéresse à la vie de l’entreprise. « Je me suis rendu compte que pour changer les choses, il faut simplement parfois s’imposer et prendre la parole ! », fanfaronne-t-il. Face au catastrophisme de la CGT et de FO, Pierre découvre une CFDT plus « cool » et adhère en 1977. « À côté de notre immeuble, il y avait le siège de l’Union régionale et celui de mon syndicat. C’est là que j’ai rencontré les militants de la CFDT. Les hommes étaient habillés en noir, avec une barbe. Ce qui me rappelait la Corse ! », commente-t-il, amusé. Il participe au soutien de Solidarnosc, prend part au service d’ordre.

UNE VIE AU PAYS
Sur le fond, Pierre est sensible aux messages forts de la CFDT autour de l’autodétermination des peuples et du vivre et travailler au pays. « Ça me parlait car j’ai longtemps rêvé d’un retour en Corse. Mais je me suis fait à l’idée que mon pays, finalement, c’est le 93 », médite-t-il. Un ‘pays’ dont il est fier, malgré les difficultés. « C’est un territoire jeune, avec tellement de potentiel », défend celui qui fut longtemps directeur sportif du club de foot de Rosny et qui a contribué à fonder le premier – et seul – observatoire de l’égalité des chances.

Suite à la départementalisation de l’assurance maladie, Pierre est muté à Saint-Denis, où il crée la section locale. En 1989, il vit son premier conflit dur avec la direction de la CPAM. Une bataille de neuf semaines où il défend bec et ongles le maintien du budget pour le 93. La CFDT sort gagnante du bras de fer et dans la foulée, double FO aux élections professionnelles.

AU SERVICE DES PLUS FAIBLES
Peu enclin à retrouver son train-train quotidien, il répond à l’appel du pied de l’interprofessionnel. Désigné défenseur syndical puis, en 1992, élu conseiller prud’hommes, il monte alors une permanence à l’Union départementale (UD) CFDT 93, où il reçoit notamment les salariés d’entreprises sans syndicat. « Mon truc, c’est de défendre les plus en difficulté, ceux qu’on n’entend jamais », fait-il remarquer. À l’UD, il devient secrétaire général adjoint en 1999 puis secrétaire général en 2001. Homme de défis, Pierre se fixe comme but de faire jeu égal, d’ici sa retraite, avec la CGT. Un pari osé, dans le 93… Avec son équipe, il travaille alors sur les protocoles électoraux pour s’implanter dans les petites entreprises. Un travail de fourmi, mais qui finit par payer. « À 700 voix près, nous passions premiers dans le privé en Seine-Saint-Denis », grommelle-t-il, à qui veut l’entendre. Au moment de céder sa place, Pierre laisse en tout cas une CFDT plus forte que jamais en Seine-Seine-Denis. De bon augure pour la suite.

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