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Les maladies chroniques

Publié le 11/06/2019 (mis à jour le 12/07/2019)

L’ambition de cet avis a été de prendre simultanément en compte les politiques de prévention, de dépistage, de recherche, d'éducation à la santé ainsi que le rôle de la médecine du travail et scolaire et les problématiques de financement.

Une véritable mobilisation et une volonté publique forte sont  nécessaires pour enfin changer notre modèle de développement. Passer d’une politique de soin à une politique de santé nécessite de prendre en compte les causes et non pas seulement les effets. C’est pourquoi une véritable politique de santé environnementale doit être instaurée en France. Mais l’échelon national sera insuffisant. La France doit jouer un rôle déterminant pour qu’elle soit mise en place au plan européen et mondial.

Les progrès scientifiques en dépistage et soins ont permis de faire évoluer de nombreuses pathologies mortelles en affections de longue durée et en maladies chroniques. Il y a 50 ans, la majorité des décès étaient encore due aux maladies infectieuses. Aujourd'hui, les maladies chroniques constituent la première cause de mortalité.

Elles concernent toutes les catégories d'âge et peuvent être également trans-générationnelles. Les inégalités sociales, territoriales et de genre renforcent les  risques de leur survenance. Elles ne sont plus l’apanage des pays à hauts revenus et sont devenues la première cause de mortalité dans le monde. 80 % des nouveaux cas sont désormais diagnostiqués dans les pays pauvres ou pays en voie de développement. En France 15 millions de personnes en sont atteintes, soit 35% des assurés et elles représentent 60% des dépenses de santé qui explosent.

L’OMS ne cesse de nous alerter sur cette expansion des maladies chroniques, aujourd’hui qualifiée d’épidémie. Selon l’OMS, la pollution de l’air est le principal risque environnemental pour la santé dans le monde. Santé Publique France  estime que la pollution par les particules fines émises par les activités humaines est à l’origine chaque année, en France continentale, d’au moins 48 000 décès prématurés par an, ce qui correspond à 9 % de la mortalité en France. Outre le lourd tribut sanitaire qui pèse sur la population mondiale, cette «transition épidémiologique» a de lourdes répercussions économiques, sociales et sociétales.

Face à ce défi sanitaire du XXIe siècle, il s’agit désormais de repenser et d’adapter les stratégies de santé publique, de prévention et de protection sociale pour faire reculer les inégalités sanitaires et lutter contre les causes évitables de ces maladies chroniques.

L’avis évite de tomber dans le piège d’un fatalisme dominant qui considère le vieillissement de la population ou encore les comportements individuels et mauvaises habitudes de vie (tabagisme, alcoolisme, malbouffe) comme les causes déterminantes de cette explosion des maladies chroniques sans que ne soient interrogés les déterminants sociaux, culturels, économiques et les facteurs environnementaux.

L’avis insiste sur le concept de l’exposome qui intègre la prise en compte  de toutes les atteintes à la santé tout au long de la vie, y compris la période intra utérine via l’environnement compris dans un sens large qui englobe les milieux physiques, biologiques, chimiques mais aussi la dimension psychique, sociale et médicale. Quel héritage toxique transmettons-nous aux générations actuelles mais également futures des effets de la pollution de l’ensemble de nos écosystèmes lorsque l’on sait que la durée de contamination du chlordécone aux Antilles sera de 600 ans  ou que l’expression même des gènes peut être modifiée par notre qualité de vie, notre alimentation, l’exposition tout au long de notre vie  à des substances chimiques  tels que les perturbateurs endocriniens ?

L’avis rappelle la nécessité de conjuguer le principe de précaution lors d’un danger potentiel, plausible, grave et coûteux sans disposer de certitudes ou de causalité scientifiques et le régime de prévention lorsque le danger est identifié avec des risques calculés.

Il souligne dans sa première préconisation la nécessité de passer de la prise en charge médicale de la maladie - centrée sur les soins - à une approche plus globale de la santé en plaçant les causes environnementales au cœur d’une politique ambitieuse et volontariste de prévention de la santé, menée conjointement par le Ministère de la Santé et celui de la Transition écologique et solidaire.

Cet avis insiste également sur le portage par la France  de cette  politique de prévention multifactorielle au sein de l’Union européenne, notamment par l’instauration d’une règlementation commune  pour l’ensemble des secteurs utilisant des perturbateurs endocriniens (préconisation n°2).

L’avis relève également que l’un des enjeux majeurs de ce défi sanitaire est de faire évoluer la perception de la population afin de passer d’une politique de soins à une politique de santé.  Elle nécessite la mobilisation d’une grande diversité d’acteurs et la mise en place de moyens renforcés et d’outils afin de garantir :

  • Une recherche et une expertise indépendantes et la mise en place de programmes de recherche  indépendants, multidisciplinaires et participatifs (préconisation 6).
  • Une information fiable, transparente, indépendante et accessible au plus grand nombre (préconisation 4).
  • La démocratie sanitaire donnant toute sa place aux patientes et aux patients ainsi qu’à leur entourage dans leurs parcours et la prise en charge globale de leur maladie et leur éducation thérapeutique (préconisations 12.13,14).

L'avis traduit cet aspect multiforme de la prévention et de la prise en charge des maladies chroniques ; il faut s’en féliciter.  De même, il s’attache aux inégalités de genre qui voient les femmes davantage exposées que les hommes, à l’impact de ces pathologies sur le monde du travail, en appelant l’attention sur le maintien ou le retour à l’emploi des salariés qui en sont frappés. Il appelle également à une meilleure prise en charge pluri professionnelle des malades, via une contractualisation et des pratiques avancées pertinentes fondée sur les besoins des patients et non plus seulement sur les moyens disponibles. Sans se limiter à l’organisation des soins, le texte rappelle les efforts à engager ou à poursuivre dans ce domaine, en s’appuyant sur le déploiement du dossier médical partagé en tant que « premier outil d’une relation de transparence et de confiance ». Dans tous ces domaines, de même encore qu’en matière de lutte contre les discriminations à l’encontre des personnes infectées, l’avis comporte des préconisations que les groupes CFDT, Environnement et des Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse saluent.

Un regret : celui de ne pas avoir rappelé l’urgence de cette crise sanitaire et des réponses à apporter. La prise de conscience existe mais cela n’est pas suffisant.