Retour

[Hommage] François Chérèque. Témoignages

Publié le 26/01/2017

«Il m’a appris la valeur du dialogue social»; «Nous avons su construire ensemble malgré nos oppositions», «Il était dans les actes»… Les témoignages qui ont suivi le décès de François Chérèque ont été nombreux, de la part des militants et des hommes et femmes, politiques, leaders syndicaux, politiques, d’opinion, qui l’ont connu. Nous restituons quatre d'entre eux parus dans le dossier de CFDT Magazine consacré à Fançois.

Laurence Parisot
Présidente du Medef de 2005 à 2013

LParisot Divergence.fp0315016« François Chérèque fait partie des quelques personnes qui m’ont appris la valeur et le rôle du dialogue social. Dès notre première rencontre, j’ai compris que nous pourrions, par la confrontation de nos points de vue, aboutir à des avancées fructueuses pour l’économie française. Durant nos mandats respectifs, nous sommes constamment restés en contact et c’est ainsi que nous avons pu définir un agenda social qui a permis deux avancées majeures : la rupture conventionnelle, d’une part, que nous avons conçue ensemble au profit des salariés et des entreprises en confrontant nos points de vue, au départ, très éloignés. La réforme de la représentativité syndicale, d’autre part, dont certains ne perçoivent pas encore l’importance. C’est d’ailleurs une immense tristesse pour moi que François Chérèque ne soit plus là pour voir son aboutissement. Cela a été possible parce qu’il était quelqu’un qui écoutait son interlocuteur et dont la pensée n’était pas figée. Il avait une forte exigence intellectuelle, une pensée très structurée et une force de conviction impressionnante, au service d’une grande combativité et d’une volonté de construire. Il était un grand syndicaliste, mais plus que cela, il avait une conscience aiguë de l’intérêt général. »

 

Bernard Thibault
Secrétaire général de la CGT de 1999 à 2013

FCereque BThibaultDivergence.AFD0038021Plus d’une fois, ils se sont opposés. Entre François Chérèque et Bernard Thibault, la réforme des retraites de 2003 a cristallisé deux visions du syndicalisme : obtenir des avancées par le dialogue ou conduire la lutte jusqu’au bout, quitte à revenir bredouille. Malgré tout, les deux secrétaires généraux ont aussi su s’afficher côte à côte : contre le contrat première embauche (CPE), en 2006, ou la réforme des retraites de 2010. Mais surtout pour une réforme construite ensemble, celle de la représentativité syndicale en avril 2008. Dès l’annonce du décès de François, le 2 janvier, Bernard Thibault, aujourd’hui membre du conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail, a adressé ses « condoléances à sa famille, à la Confédération et à ses militants ». « Je veux saluer la mémoire du militant et du dirigeant syndical qu’il était, au-delà des débats parfois passionnés et contradictoires que nous avons pu avoir. François était un interlocuteur chaleureux mais combatif dans la défense de ses propres convictions. »

 

Jean Kaspar
Secrétaire général de la CFDT de 1988 à 1992

JKaspar Rea 197391 020« Ce qui caractérise le mieux François, c’est je crois, la rage de trouver des solutions concrètes. Il ne se contentait pas des beaux discours. Ce qui l’intéressait, c’était de faire, de traduire dans les faits les valeurs et les ambitions portées par notre organisation.

Ce qui résume le mieux sa si riche vie militante, ce sont les titres de ses trois livres : Réformiste et impatient ! ; Si on me cherche… et Patricia, Romain, Nabila et les autres : le travail entre souffrances et fierté.

Réformiste et impatient !  Il l’était. Il incarnait avec force l’essence même du syndicalisme qui ne se contente pas d’affirmer des valeurs ou de construire une pensée transformatrice mais qui sait poser les actes qui permettent de traduire dans les faits ces valeurs et cette pensée. Il avait compris que la recherche du compromis ne signifiait nullement de se compromettre mais était l’expression de l’intelligence des hommes et des femmes pour leur permettre de mieux vivre ensemble et d’obtenir des résultats.

Si on me cherche…  C’était sa nature profonde et l’expression d’une très grande honnêteté. Il avait le sens de l’écoute et du dialogue mais il savait aussi tenir tête. La façon dont il a fait face aux turbulences de 2003 sur les retraites a démontré sa capacité à maintenir le cap sur l’essentiel : traduire concrètement un acte de justice sociale en permettant aux carrières longues de partir à la retraite avant l’âge légal.

Patricia, Romain, Nabila et les autres  Dans ce livre, il montre comment le travail peut être tout à la fois source de souffrances et de fierté. Il a ouvert des portes à une nécessaire réflexion sur le sens du travail et sur les pistes à explorer pour que le syndicalisme contribue à en faire une activité vécue positivement. »

 

Nicole Notat
Secrétaire générale de la CFDT de 1992 à 2002

NNotat rea 244646 026« Si j’ai proposé François pour me succéder, c’est qu’il s’était imposé aux yeux de la grande majorité des membres du Bureau national comme étant celui qui pouvait le faire. Personnellement, j’avais eu l’occasion de le repérer à diverses occasions. La première fois, c’était lors d’un congrès de la région Paca. Il y avait pris une position courageuse, soutenant la ligne confédérale que cette région combattait. J’avais remarqué son charisme, sa capacité à tenir une position, sa force de conviction. Plus tard, lors d’un congrès de la Fédération Santé-sociaux, j’ai à nouveau identifié la manière dont il conduisait cette fédération, à la fois attentif à l’expression des positions mais aussi ferme sur la ligne.

Dans ses interventions au Bureau national, il avait une certaine hauteur de vue et une parole qui faisait autorité par son contenu. Il argumentait beaucoup et il avait le souci que ses positions soient comprises même si elles pouvaient parfois diviser. Ses thèmes favoris faisaient consensus : le syndicalisme d’adhérents et de proximité, par exemple. Il estimait qu’une organisation sans adhérents est une coquille vide. Il portait aussi beaucoup d’attention aux lieux de travail. Il a approfondi cela lorsqu’il était secrétaire général mais il portait déjà ces thèmes auparavant.

À la suite des événements de 1995 [la CFDT a soutenu la réforme Juppé sur l’assurance-maladie], des élections prud’homales étaient prévues et nous redoutions un impact négatif. Cela n’a pas été le cas, la CFDT a même progressé. François était très content du résultat et m’a offert un petit cadre portant la célèbre citation de Jaurès qui dit qu’il faut partir du réel pour aller à l’idéal. C’était son clin d’œil. Il lui semblait que c’était ce qu’il fallait tirer de ce que nous avions vécu. La vraie transformation, c’est celle qui part du réel. »