Elections professionnelles : le droit d'option à l'épreuve du CSE

Publié le 27/02/2019

La Haute Cour précise pour la première fois que « le droit d'option exercé par un salarié mis à disposition, en application d'un texte légal désormais abrogé qui l'autorisait à être électeur et éligible dans son entreprise d'accueil, ne peut lui être opposé pour refuser son éligibilité au comité social et économique mis en place au sein de son entreprise d'origine. » (Cass. soc., 13.02.19, n° 1860149)

L’ordonnance relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise (1), outre la mise en place du CSE, a modifié les règles d’éligibilité des salariés mis à disposition dans l’entreprise "accueillante". Cette modification interrogeait sur la notion de droit d’option des salariés mis a disposition, notion qui n’avait d'ailleurs pas attendu le CSE pour nécessiter des clarifications par la jurisprudence...  

Qu’est-ce qu’une mise à disposition ? 

L’opération de mise à disposition se définit juridiquement comme un prêt de main d’œuvre à but non lucratif. L’entreprise prêteuse conclut une convention avec l’entreprise utilisatrice. Pendant la période de prêt, le contrat de travail qui lie le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu, ni suspendu.
Le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse et de bénéficier des dispositions conventionnelles, comme s'il exécutait son travail dans son entreprise d'origine (2). Est mise à part la spécificité de la mise à disposition d’une entreprise de plus de 5000 salariés vers une jeune entreprise innovante pour une durée maximum de 2 ans qui permet, par exception, de ne pas refacturer les salaires

 

  • Une modification des règles d’éligibilité

Tout d’abord, il faut distinguer la question de l'éligibilité de celle de l’intégration dans les effectifs permettant d'apprécier les différents seuils sociaux. Le Code du travail inclut dans les effectifs de l’entreprise d’accueil « les salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l'entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an, ainsi que les salariés temporaires » (3). Cette règle n’a pas changé, les salariés mis à disposition sont donc susceptibles d’être décomptés dans les deux entreprises, aussi bien l'entreprise d'origine que l'entreprise d'accueil.

Ce qui a changé, en raison de l’ordonnance MACRON, c’est que le salarié mis à disposition ne peut plus être éligible au sein du CSE de l’entreprise d’accueil.

A l’époque des DP et CE il avait été prévu que le salarié en question pouvait exercer son droit d’option de manière indépendante (4) pour l’élection DP et pour l’élection CE sans toutefois pouvoir être éligible au CE de l’entreprise d’accueil. La raison de cette mise à l’écart était principalement d’ordre de confidentialité économique. Dans sa circulaire du 13 Novembre 2008 en effet, la DGT considérait qu’il était "apparu gênant que des salariés mis à disposition qui n’appartiennent pas à l’entreprise utilisatrice mais restent attachés à leur employeur puissent accéder à ces informations".

Avant le passage au CSE, une première brèche avait été ouverte avec la délégation unique du personnel (DUP), qui avait obligé la Cour de cassation à se positionner pour savoir si le salarié mis à disposition pouvait quand même être éligible alors qu’il exercerait également des attributions économiques de la DUP. La Cour de cassation avait répondu oui (5), dans un attendu très commenté, peu orthodoxe, considérant qu’ « en l'absence de dispositions légales y faisant obstacle », les salariés mis à disposition peuvent « être candidats à la délégation unique du personnel ».

Depuis le passage au CSE, le nouvel article L 2314-23 du Code du travail précise bien que « Les salariés mis à disposition ne sont pas éligibles dans l'entreprise utilisatrice ». Il n’y a donc plus de doute sur ce point, le gouvernement ayant tiré les conséquences de la jurisprudence…

  • Le maintien de la règle du droit d’option et sa clarification

La règle du droit d’option est maintenue, l’article du Code du travail précité indiquant que « Les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions mentionnées au premier alinéa choisissent s'ils exercent leur droit de vote dans l'entreprise qui les emploie ou l'entreprise utilisatrice ». 

Le salarié mis a disposition qui remplit certaines conditions a donc toujours ce qu'on appelle un droit d'option pour exercer son droit de vote aux élections professionnelles. 

L’arrêt en question qui concernait le salarié d’une association d’insertion mis à disposition dans une entreprise industrielle permet de clarifier la règle du droit d’option dans un contexte de passage des anciennes institutions vers le CSE.

Dans un premier temps, le salarié avait été élu en 2014 en qualité de membre de la DUP de l'association, c'est-à-dire au sein de son entreprise d'origine. En 2016, il avait décidé de voter au sein de son entreprise d’accueil pour le scrutin DP, sans être candidat.

C’est en raison de cette option au profit de l’entreprise d’accueil que le tribunal d’instance a cru bon suivre le raisonnement de l’association, lui refusant l’inscription sur les listes électorales pour le passage au CSE en 2018. Le tribunal d’instance a considéré que le salarié avait opté pour exercer son droit dans l’entreprise d’accueil en 2016 pour la durée des mandats de 4 ans, soit jusqu’en 2020. Le tribunal ajoute que le salarié reste placé dans une situation identique qui ne le conduit pas « à supporter une différence de situation ou une réduction de ses droits », changement qui aurait permis d’exercer à nouveau son droit d’option, dans la mesure où le passage de l'ancienne DUP de l’association au nouveau CSE est finalement sans conséquences sur les attributions de ses membres.

La Cour de cassation censure la décision au motif que le droit d’option exercé en application d’un texte abrogé ne peut être opposé par l’entreprise d’accueil pour lui refuser son éligibilité d’autant que l’ordonnance ne lui permet plus d’être éligible dans l’entreprise d’accueil.

Cette solution de bon sens, qui tire toutes les conséquences du nouveau cadre légal, permet donc aux structures CFDT de veiller, peu importe les choix antérieurs, à ce que les électeurs mis à disposition exercent leur droit d’option en faveur de l’entreprise qui régit réellement leurs conditions de travail, à savoir l’entreprise d’origine. En d'autres termes, les compteurs sont remis à zéro avec le passage au CSE...  

 

Mis a disposition et mixité proprotionnelle aux élections :

Suite à la diffusion du mode d’emploi sur l’application des règles de la mixité proportionnelle, une question des militants s’est posée sur le décompte, ou non, des salariés mis à disposition dans les effectifs du collège pour apprécier la mixité. 
Si l'on suit à la lettre le Code du travail, celui-ci précise (article L.2232-30) que « Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale ». 
La lecture stricte de l’article ne permet donc pas de faire « échapper » du décompte les salariés mis à disposition qui remplissent les conditions pour être électeurs. 
Evidemment, cela peut entraîner un blocage si le nombre de mis à disposition électeurs dans l'entreprise d'accueil est tellement conséquent qu’il ne permet pas de déposer une liste de candidats en raison de la nouvelle règle d’inéligibilité. Ces situations extrêmes nous paraissent toutefois peu courantes...
En cas de question à ce sujet, n’hésitez pas à nous écrire sur : mixite@cfdt.fr

 



[1]Ordonnance n° 2017-1386 du 22.09.17 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.  

[3] Art. L.1111-2.

[4] Cass. Soc., 28.09.11, n°10-27374.

[5] Cass.soc.,5.12.12, n°12-13.828.