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« Le logement est un sujet hautement politique, pourtant peu politisé »

Publié le 26/11/2021

Délégué général de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Christophe Robert est porte-parole du Pacte du pouvoir de vivre aux côtés d’Amandine Lebreton, de la Fondation Nicolas Hulot, et de Laurent Berger, au nom de la CFDT. Sociologue spécialiste des questions de logement, ce militant infatigable est l’un des piliers de ce rassemblement qui compte aujourd’hui soixante-quatre organisations partenaires.

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots la Fondation Abbé Pierre ?

CFDT-478-01 Cet entretien a été publié dans le n°478 de CFDT Magazine

Comme son nom l’indique, il s’agit d’une fondation créée par l’abbé Pierre en 1987, qui a été reconnue d’utilité publique en 1992. Nos ressources sont issues à plus de 98 % de la générosité de donateurs privés et d’entreprises, ce qui nous garantit une grande indépendance dans nos choix et nos prises de position. Notre mission première est de financer des actions contre le mal-logement.

Nous soutenons environ 900 projets par an portés par quelque 500 associations. Cela va de la construction ou de la rénovation de logements très sociaux au financement de lieux d’accueil pour personnes sans domicile en passant par le soutien juridique. Nous menons aussi une mission de plaidoyer afin de défendre la cause des exclus, des mal-logés. Dans ce cadre, nous publions chaque année un rapport qui fait le point sur l’état du mal-logement en France, évalue les politiques publiques et avance des propositions concrètes en direction des pouvoirs publics.

 

 

Quelles sont vos principales revendications ?

Notre principale attention porte sur les 300 000 personnes sans domicile et les quatre millions de mal-logés dans notre pays. Nous demandons un accompagnement pour les aider à sortir de cette situation, la construction de logements sociaux et des aides au logement plus élevées afin qu’elles permettent réellement aux plus précaires de se loger dans de bonnes conditions.

Nous plaidons en outre pour une régulation du marché immobilier, notamment avec une politique d’encadrement des loyers dans les zones tendues, et nous poussons à la rénovation thermique des logements, car douze millions de personnes sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique.

Nous insistons aussi beaucoup sur la nécessité d’un plan global pour les quartiers populaires qui embrasse aussi les questions d’emploi, de santé ou encore de formation. Notre registre d’actions est très large.

 

Comment expliquer que la question du logement ne soit pas, jusqu’à présent, un sujet majeur de la campagne présidentielle, alors qu’il s’agit d’une préoccupation majeure pour les Français ?

Une des explications est que la temporalité d’une politique du logement ne correspond pas à la temporalité d’un mandat présidentiel. Ce n’est pas en deux ou trois ans que l’on obtient des résultats. Construire, c’est long. De plus, il s’agit d’enjeux coûteux et complexes techniquement. Tout l’enjeu pour nous est de sortir de la technicité pour considérer à sa juste place l’importance du logement. Être mal logé a des conséquences sur la santé, l’échec scolaire, le vivre-ensemble, etc. Le sujet est finalement peu politisé alors qu’il a une grosse dimension politique.

 

Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement en la matière ?

Le gouvernement actuel a accéléré – même si on est loin du compte – sur la rénovation thermique des logements.

En revanche, il a fait énormément d’économies sur ce secteur. Entre 2017 et 2022, le budget de l’État consacré au logement a baissé de 10 milliards d’euros. On note toutefois un réel effort sur l’hébergement d’urgence.

Il y a eu environ 40 000 places supplémentaires créées et qui sont maintenues, contrairement à ce qui se faisait avant, où l’arrivée du printemps signifiait la fermeture de structures. C’est un véritable effort budgétaire.

 

Pourquoi la fondation a souhaité s’engager dans une démarche comme le Pacte du pouvoir de vivre ?

La spécialisation de chacune des organisations du Pacte du pouvoir de vivre est pertinente pour agir.

En revanche, les problèmes que rencontrent les personnes pour qui nous intervenons sont beaucoup plus larges. Regrouper nos analyses avec des organisations variées mais qui partagent un socle de valeurs communes (partage du pouvoir, des richesses, protection des plus fragiles, préservation des ressources naturelles, la biodiversité, le climat, etc.) permet de peser davantage. Ce projet collectif donne de la force pour accélérer les transitions dont nous avons besoin. Cela fait prendre conscience que par-delà nos différences d’approche, il est possible de s’entendre et de proposer un chemin différent.

jcitron@cfdt.fr

©Marie-Pierre Dieterlé/ Divergence