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Covid-19 : Le détail du décret et de l'ordonnance sur l'activité partielle

Publié le 01/04/2020

Dans l’objectif de limiter les conséquences de la crise sanitaire liée au covid-19 entraînant une forte baisse d’activité pour les entreprises, le Gouvernement a publié deux textes : un décret, le 26 mars, puis une ordonnance, le 28 mars 2020.

Ces textes modifient le dispositif d’activité partielle afin d’en faciliter l’accès et de réduire les montants laissés à la charge des employeurs.

  • Les modifications apportées par le décret

Le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l'activité partielle a été publié le 26 mars 2020. Son objectif principal est de simplifier le recours à l’activité partielle pour l’employeur. Contrairement à ce que nous aurions pu penser, le dispositif d’activité partielle est modifié, en grande partie, de manière pérenne.

Les nouvelles mesures entrent en vigueur pour les heures chômées depuis le 1er mars 2020 (1) et continueront vraisemblablement à s’appliquer lorsque la situation sera revenue à la normale.

- L’activité partielle peut être autorisée pour une période de 12 mois renouvelable 

Auparavant, l'autorisation d'activité partielle pouvait être accordée pour une durée maximuale de 6 mois (et renouvelée sous conditions). Le décret augmente cette durée : le dispositif peut désormais être accordé pour une durée maximale de 12 mois (renouvelable) (2).

- La mise en œuvre de l’activité partielle est plus souple pour l’employeur 

Il existe plusieurs motifs de recours au dispositif d’activité partielle.

L'employeur peut placer les salariés en activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l'un des motifs suivants :

- la conjoncture économique ;
- des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
- un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
- la transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ;
- toute autre circonstance de caractère exceptionnel (3).

Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, c’est le motif « circonstance de caractère exceptionnel » qui doit être privilégié par les entreprises. Le Gouvernement a précisé que l’employeur pouvait recourir à l’activité partielle lorsque l’établissement était concerné par la fermeture obligatoire, subissait une baisse d’activité ou des difficultés d’approvisionnement, ou encore était dans l’impossibilité à mettre en place les mesures de prévention nécessaires à la protection de la santé des salariés (télétravail, geste barrière…).

En fonction du motif de recours à l’activité partielle, les formalités préalables ne sont pas identiques ! En principe, l'employeur doit adresser au préfet du département où est implanté l'établissement concerné une demande préalable d'autorisation d'activité partielle. La décision d'autorisation ou de refus doit être notifiée à l'employeur dans un délai de 15 jours à compter de la date de réception de la demande. A défaut, la demande est considérée comme acceptée(4)

Avant le décret, les textes prévoyaient déjà une dérogation à cette demande préalable : en cas de suspension d'activité due à un sinistre ou à des intempéries, l'employeur n’est pas soumis à la demande préalable. Il dispose d'un délai de 30 jours pour adresser rétroactivement sa demande par tout moyen conférant date certaine (5).

Le décret vient assouplir davantage cette procédure de demande d’autorisation, dans le cadre d’un recours à l’activité partielle pour circonstance exceptionnelle :

- L’autorisation de mise en activité partielle, qui doit être obtenue aujourd'hui préalablement, pourra être accordée à la suite d’une demande formulée dans les 30 jours qui suivent la décision de mettre les salariés en activité partielle (6) ;

- Jusqu’au 31 décembre 2020 uniquement, le délai d’acceptation implicite de l’administration passe de 15 jours à 2 jours. Dans les circonstances actuelles liées à la crise sanitaire, il est fort probable que les demandes des entreprises ne puissent être traitées si rapidement par les services administratifs. En pratique, les demandes seront donc acceptées de manière implicite…

- Une meilleure prise en charge financière pour les entreprises 

Comme hier, l’employeur reste tenu d’indemniser les salariés à hauteur d’au moins 70 % de leur rémunération brute, sans que cette indemnisation ne puisse être inférieure au smic (sous réserves de dispositions conventionnelles ou d’une décision unilatérale de l’employeur plus favorable). L’indemnisation des salariés reste en grande partie inchangée – cf. II.).

Le décret améliore en revanche le remboursement de l’employeur par l’agence de service et de paiement de l’Etat (ASP). En effet, auparavant, il percevait une indemnité forfaitaire (7). Désormais, les employeurs bénéficient d’une allocation proportionnelle à la rémunération des salariés en lieu et place de l’allocation forfaitaire existante jusqu’alors. Celle-ci serait fixée à 70 % de la rémunération horaire brute du salarié concerné (dans la limite de 4,5 x smic). Ainsi, l’employeur sera, en principe, intégralement remboursé de l’indemnisation versée au salarié (sauf s’il lui verse une indemnisation supérieure).

- L’activité partielle est totalement ouverte aux salariés en forfait annuel 

Auparavant, les salariés au forfait annuel en jours ou en heures ne pouvaient bénéficier de l'indemnité d'activité partielle qu’en en cas de fermeture totale de l'établissement ou d'une partie de l'établissement dont ils relevaient (possibilité étendue dès la 1ère demi-journée d’inactivité totale de leur établissement, service, équipe projet ou unité de production).

Avec le décret, l’activité partielle est désormais totalement ouverte aux salariés en forfait annuel en jours ou en heures. Ainsi, ces salariés pourront également bénéficier de l'indemnité d'activité partielle dans le cas d’une réduction de l'horaire de travail habituel de l'établissement et bénéficient ainsi d’une protection supplémentaire aux salariés au forfait.

L’ordonnance vient apporter des précisions : le nombre d’heures retenues pour calculer l’indemnité d’activité partielle versée par l’employeur sera déterminée en convertissant en heures un nombre de jours ou de demi-journées. Nous devons attendre la publication d’un décret pour connaître plus en détails les modalités de cette conversion (8).

- Une consultation du CSE n’est plus obligatoirement préalable, mais son périmètre est élargi

En principe, pour les entreprises d’au moins 50 salariés, la démarche de l’employeur doit être précédée de la consultation du CSE (consultation sur les questions intéressant la marche générale de l'entreprise). La demande d’activité partielle doit nécessairement être accompagnée de l’avis du CSE.

Le décret vient supprimer ce caractère préalable en cas de recours au dispositif dans le cadre d’un sinistre ou d’intempéries de caractère exceptionnel ou de toute autre circonstance de caractère exceptionnel. Ainsi l’employeur n’a-t-il plus l’obligation d’accompagner sa demande d'autorisation de l’avis du CSE. Si l'employeur n'a plus à recueillir préalablement l’avis du CSE, il reste toutefois tenu d'adresser cet avis dans un délai de 2 mois en complément de sa demande. 

A l’origine, dans le projet de décret, la suppression du caractère préalable du CSE s’appliquait à tous les cas de recours à l’activité partielle. La CFDT n’a pas manqué d’interpeller le Gouvernement sur cette incohérence. En effet, si l’on peut comprendre le caractère d’urgence du recours à l’activité partielle dans le contexte actuel, rien ne justifiait l’application de cette mesure plus largement. Etant entendu que les autres motifs de recours à l’activité partielle sont susceptibles d’être anticipés et permettent d’obtenir l’avis préalable, la modification a donc été circonscrite à deux cas de recours. 

Attention toutefois ! Cette disposition, comme quasiment toutes celles présentes dans le décret, n’est pas temporaire, mais a vocation à s’appliquer de manière pérenne...

En revanche, point positif, le décret ne renvoie plus à la consultation du CSE sur les questions intéressant la marche générale de l'entreprise, mais indique simplement que la demande d’autorisation « est accompagnée de l'avis préalablement rendu par le comité social et économique, si l'entreprise en est dotée ». Cela laisse penser que la consultation du CSE est désormais obligatoire quelle que soit la taille de l’entreprise. Cela va dans le bon sens, le CSE étant directement concerné par le recours à l’activité partielle, peut important l’effectif de l’entreprise.

- Mention des informations relatives à l'activité partielle sur le bulletin de paie 

Jusqu’à présent, l’employeur était tenu de remettre au salarié un document spécifique mentionnant les informations relatives à l’activité partielle.

Le décret remplace ce document par une obligation de mentionner diverses informations sur le bulletin de paie (9) :

-        le nombre d’heures indemnisées,

-        le taux appliqué pour le calcul des allocations,

-        les sommes versées au titre de la période considérée.

Cette obligation est aménagée dans le temps, puisque les employeurs ont 12 mois à compter du 26 mars 2020 pour faire apparaître les indications sur le bulletin de paie. Jusqu’à cette date, ils peuvent choisir recourir au document séparé.

Ce document séparé est toutefois maintenu lorsqu’un paiement direct aux salariés est effectué par l’agence de service et de paiement (ASP), dans certaines situations de difficultés financières de l’entreprise (notamment en cas de redressement ou de liquidation judiciaires).

  • Les modifications opérées par l’ordonnance

L’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle a été publiée au Journal officiel du 28 mars, date à partir de laquelle les mesures sont applicables.

Contrairement au décret, l’intégralité des mesures apportées par l’ordonnance est temporaire. Un décret doit être publié pour fixer la date à laquelle les dispositions cesseront de s’appliquer : cette date ne pourra pas dépasser le 31 décembre 2020.

- Les heures d’équivalence sont prises en compte dans le calcul de l’indemnité d’activité partielle

En principe, lorsque le salarié est employé dans le cadre d'un régime d'équivalence(10), il n’est pas tenu compte des heures d’équivalence pour déterminer le calcul des heures à indemniser au titre de l'activité partielle.(11)

Avec l’ordonnance, l’indemnité et l’allocation d’activité partielle seront calculées en tenant compte des heures d’équivalence rémunérées.

- Les salariés à temps partiel bénéficient de la rémunération mensuelle minimale 

Le texte prévoit que l’indemnité horaire ne peut être inférieure au taux horaire du smic. Mais il ajoute une exception pour les salariés à temps partiel dont la rémunération horaire habituelle serait inférieure au smic. En pratique cela concerne peu de monde (les salariés de moins de 18 ans et les apprentis et salariés en contrat de professionnalisation de moins de 18 ans).  

- Les salariés en apprentissage ou en contrat de professionnalisation conservent leur rémunération légale 

L’ordonnance prévoit que l’indemnité d’activité partielle de ces salariés correspond au minimum au pourcentage du smic qui leur est applicable au titre du Code du travail.

Attention ! Cela signifie que la rémunération qui est maintenue en cas d’activité partielle est celle applicable au titre de la loi et du règlement. Ainsi, si une disposition conventionnelle ou contractuelle augmente ce minimum, l’employeur ne sera pas obligé d’en tenir compte pour le calcul de l’indemnité d’activité partielle.

- Réduction de l’indemnisation des salariés en formation durant l’activité partielle 

En principe, pour les salariés en formation pendant la période d’activité partielle (notamment dans le cadre du plan de formation), l’indemnité horaire est portée à 100 % de la rémunération nette antérieure (12).

L’ordonnance vient temporairement écarter cette disposition : pour les formations ayant donné lieu à un accord de l’employeur à compter du 29 mars 2020, l’indemnité d’activité partielle est réduite et alignée sur l’indemnisation de droit commun, soit 70% de la rémunération brute.

- Les possibilités de refus de l’activité partielle par le salarié protégé sont limitées 

En temps normal, l’employeur doit obtenir l’accord du salarié protégé pour le placer en activité partielle. Or, avec l’ordonnance, les salariés protégés ne pourront plus s’opposer à l’activité partielle, sauf exception. Cette mesure est, là encore, temporaire.

Concrètement, l’employeur devra continuer à recueillir leur accord dès lors que l’activité partielle n’affecte pas tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel le salarié protégé est affecté ou rattaché. Dans le cas contraire, le salarié protégé ne pourra pas s’y opposer sans commettre de faute. Si l’employeur souhaite le licencier, il devra bien sûr obtenir l’autorisation de l’inspection du travail.

- Le bénéfice de l’activité partielle est temporairement élargi à de nouveaux salariés 

L’activité partielle est désormais ouverte aux assistantes maternelles ainsi qu’aux salariés employés à domicile. L’indemnité d’activité partielle versée par l’employeur doit être au minimum égale à 80 % de la rémunération nette contractuelle du salarié.

Les particuliers employeurs sont dispensés de l'obligation de disposer d'une autorisation expresse ou implicite de l'autorité administrative et les indemnités d'activité partielle leur seront intégralement remboursées (dans la limite des 80 % de la rémunération contractuelle). Un décret doit venir préciser les modalités d’indemnisation.

- L’ordonnance étend également de bénéfice de l’activité partielle, notamment :

- aux salariés des entreprises étrangères ne comportant pas d'établissement en France, mais qui emploient au moins un salarié effectuant son activité sur le territoire national (dès lors que leur employeur cotise auprès des régimes de sécurité sociale et d’assurance chômage français).

- aux salariés de droit privé d’entreprises publiques qui s’assurent elles-mêmes contre le risque de chômage (RATP, SNCF…).



(1) Pour les demandes d'indemnisation adressées ou renouvelées à compter du 26 mars.

(2) Art. R.5122-9 C.trav.

(3) Art. R.5122-1 C.trav.

(4) Art. R.5122-4 C.trav.

(5) Art. R.5122-3 C.trav.

(6) Art. R.5122-3 C. trav.

(7) 7,74 € par heure chômée par salarié pour les entreprises de moins de 250 salariés ; 7,23 € pour les entreprises de plus de 250 salariés – art. R.5122-13 C.trav (ancien).

(8) Mais nous savons qu’actuellement, dans le cadre de la fermeture totale d’établissement, une journée équivaut à 7 heures chômées et une demi-journée équivaut à 3 h 30 chômées (Instruction technique de la DGEFP).

(9) Art. R.3243-1 C. trav.

(10) C’est le cas pour des professions comportant des périodes d'inaction durant les heures de travail (ex : surveillance de nuit…). Dans ce cadre, le décompte du temps de travail effectif et sa rémunération sont adaptées. La durée de travail du salarié supérieure à la durée légale est considérée comme équivalente à la durée légale.

(11) Art. R.5122-19 C. trav.

(12) Art. R.5122-18 C.trav.