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Salarié protégé: Licenciement pour maladie et obligation de reclassement

Publié le 23/03/2016

Un salarié protégé peut être licencié en raison des conséquences de ses absences pour maladie sur le bon fonctionnement de l’entreprise. Si l’employeur doit alors respecter la procédure spéciale de licenciement,  il n’est en revanche pas tenu de chercher préalablement à reclasser le salarié. C’est la précision apportée par le Conseil d’Etat dans un arrêt récent. CE, 09.03.16, n°378129.

  • Les faits

Les faits sont simples : en arrêt de travail pour maladie depuis un an, l’assistante de communication, également déléguée du personnel au sein de la Fédération sportive, fait l’objet d’une demande d’autorisation de licenciement en raison de ses absences répétées. Le ministre du Travail donne à l’employeur l’autorisation de la licencier.
La salariée conteste : selon elle, avant d’envisager la rupture de son contrat de travail, son employeur était tenu de rechercher un poste de reclassement. A défaut de l’avoir fait, le licenciement ne pouvait être autorisé. Déboutée par la Cour administrative d’appel, la salariée saisit le Conseil d’Etat.

 L’administration pouvait-elle autoriser le licenciement de la déléguée du personnel en raison de ses absences répétées pour maladie alors même que l’employeur n’avait préalablement pas recherché à la reclasser ?

 

  • Le licenciement pour absences répétées liées à la maladie : à quelles conditions ?

 Il n’est pas possible de licencier un salarié en raison de ses absences pour maladie. En revanche, les perturbations causées dans le fonctionnement de l’entreprise par l’absence prolongée ou répétée en raison de sa maladie peuvent justifier un licenciement si elles rendent nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé (1).

Un salarié protégé peut, au même titre qu’un salarié non protégé être licencié pour ce motif si les conditions sont réunies (perturbation de l’entreprise et nécessité de le remplacer définitivement). Mais à la différence du second et dans la mesure où ce salarié est investi de fonctions représentatives, il bénéficie d’une protection spéciale obligeant l’employeur à obtenir de l’administration l’autorisation préalable de le licencier.  
L’autorité administrative (l’inspection du travail ou, le cas échéant, le ministre du travail) s’assure que le licenciement n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l’appartenance syndicale de l’intéressé.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat vient préciser les contrôles que doit opérer l’administration quand la demande de licenciement est plus spécifiquement fondée sur des absences prolongées ou répétées pour maladie du salarié : elle doit alors vérifier si, « eu égard à la nature des fonctions de l’intéressé et aux règles applicables à son contrat, ses absences apportent au fonctionnement de l’entreprise des perturbations suffisamment graves que l’employeur ne peut pallier par des mesures provisoires et qui sont dès lors de nature à justifie le licenciement en vue de son remplacement définitif par le recrutement d’un autre salarié ».

  • La recherche préalable de reclassement n’est pas une condition supplémentaire

Pour la DP, en qualité de salariée protégée, l’employeur avait en outre l’obligation de rechercher à la reclasser au sein de l’entreprise.  Elle se fonde sur deux éléments :

-          Un arrêt du Conseil d’Etat de 1996(2) venu préciser que l’inspecteur doit rechercher si les absences du salarié sont d’une importance suffisante pour justifier le licenciement compte tenu notamment de « la possibilité d’assurer son reclassement ». Le défaut de recherche de reclassement ne pouvant alors qu’entraîner  le refus d’autorisation de licencier.

-          Une circulaire DGT de 2012(3) selon laquelle l’inspecteur du travail saisi d’une demande de licenciement en raison d’absences prolongées et répétées du salarié,  doit, outre la régularité de la procédure interne à l’entreprise et la matérialité des faits, contrôler la recherche de possibilités de reclassement.

Or, on l’a vu, la liste établie par le Conseil d’Etat des points soumis au contrôle de l’administration, ne fait nullement référence à une obligation préalable de reclassement pesant sur l’employeur. Le Conseil d’Etat donne tort à la salariée et considère que la Cour administrative d’appel a, à bon droit, jugé que la fédération n’était pas tenue de rechercher un poste permettant son reclassement .

Pour résumer, le statut de salarié protégé n’entraîne pas l’obligation supplémentaire pour l’employeur de tenter de reclasser le salarié avant de le licencier en raison d’absences longues ou répétées liées à la maladie. Dès lors que le licenciement est sans rapport avec les fonctions représentatives ou l’appartenance syndicale du salarié, que les absences de ce dernier perturbent  le bon fonctionnement de l’entreprise, et que son remplacement définitif est nécessaire, l’autorisation administrative de licenciement peut être accordée.

A noter : Certaines conventions collectives comportent des clauses dites « garantie d’emploi » qui interdisent à l’employeur de licencier un salarié malade pendant une période déterminée, quand bien même son absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise. Un licenciement prononcé pour ce motif durant la période de protection définie serait abusif.

Si l'on conçoit la solution retenue par le Conseil d'Etat, elle n'aurait toutefois pas été la même en cas de déclaration d’inaptitude par la médecine du travail. En effet, avant tout licenciement pour inaptitude, l’employeur  est soumis à une obligation préalable de reclassement.

 



(1) La désorganisation de l’entreprise s’apprécie au regard du nombre et de la durée des absences, de la taille de l’entreprise et de la nature des fonctions exercées par le salarié. Quant au remplacement définitif, il suppose l’embauche par l’entreprise d’un nouveau salarié sous CDI selon un horaire équivalent.

(2) CE, 21.10.1996, n°111961, M. Maube.

(3) Circ. CGT n°07/2012 du 30.07.2012 (fiche 9).