Retour

Rupture conventionnelle : extension du domaine de la compétence prud’homale

Publié le 07/01/2015

Rien n’empêche un salarié qui, à l’occasion d’une rupture conventionnelle, se trouve indemnisé par son employeur en dessous du minimum légal ou conventionnel d’aller aux prud’hommes afin de réclamer le complément auquel il a droit. Le fait que l’inspection du travail ait, au préalable, homologué sa rupture conventionnelle ne lui retire, en rien, cette prérogative. Cass. soc. 10.12.14, n° 13-22.134

  • Reprise d'activité et rupture conventionnelle

Cette affaire commence au début de l’année 2010. La société Aloha glacier qui, à ce moment-là, a repris l’activité d’une entreprise individuelle depuis 8 mois, signe une rupture conventionnelle avec l’une de ses salariées. Vu les dispositions du premier alinéa de l’article L. 1237-13 du Code du travail, la société aurait dû, à cette occasion, accorder à la salariée concernée une indemnisation au moins égale à l’indemnité légale ou conventionnelle à laquelle elle aurait pu prétendre si elle avait dû être licenciée.

La salariée qui justifiait de 15 années de bons et loyaux services au sein de l’entreprise individuelle, puis de la société Aloha glacier, était en droit de demander une indemnisation à hauteur de 4 665,60 €. Or l’employeur ne considérait véritablement la salariée comme « sa » salariée que depuis la reprise d’activité. Ceci, alors même que « son ancienneté avait été expressément maintenue » à compter de la date de son embauche par l’entreprise individuelle Aloha glacier. La rupture conventionnelle a donc été conclue sans aucune indemnisation pour la salariée. L’illégalité était patente et l’inspection du travail n’a pas manqué de refuser de l’homologuer.

  • Fin du film ?

Point du tout… Les parties en présence, sont tombées, dans un second temps, d’accord sur le principe d’une nouvelle rupture conventionnelle. Cette fois, l’employeur (grand prince) indemnisa la salariée à hauteur des 9 mois d’ancienneté entre la date de la reprise d’activité par la société Aloha glacier et celle de la signature de ce second acte de rupture. Cette fois-ci, l’homologation fut accordée.

La salariée lésée ne tarda pas à se tourner vers le conseil de prud’hommes afin de demander à être remplie de l’intégralité de ses droits à indemnisation. L’employeur ne se démonta pas pour autant et se retrancha derrière l’homologation acquise devant l’inspection du travail.

Selon lui, suite à cette homologation, la salariée n’était nullement fondée à solliciter devant les prud’hommes, un quelconque rattrapage indemnitaire. La justice du travail n’avait donc compétence que pour décider d’une éventuelle nullité de la rupture conventionnelle pour vice du consentement. Or telle n’était pas le sens de la demande de la salariée qui, en l’espèce, se contentait de demander une juste indemnisation de la rupture… sans remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle.

L’employeur est parvenu à emporter la conviction des juges fond, puisque la cour d’appel dont l’arrêt était contesté par la salariée avait considéré que la salariée « ne démontrait pas avoir été victime d’une erreur ou d’un dol ou d’une violence », qu’elle « avait approuvé de sa main la seconde convention prévoyant une ancienneté de neuf mois » et qu’« elle ne réclamait pas la nullité de la convention, démontrant ainsi sa volonté de rompre le contrat de travail d’un commun accord ».

La Cour de cassation est venue étendre la compétence prud’homale en matière de rupture conventionnelle, en considérant que la salariée était bel et bien en droit de saisir la justice du travail pour faire réviser le montant de son indemnisation.

  • Compétence prud’homale en matière d’indemnités de rupture

En matière de rupture conventionnelle, les juges prud’hommes ne sont pas les seuls gardiens de l’article 1109 du Code civil qui dispose qu’« il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou qu’il a été extorqué par la violence ou surpris par le dol ». Leur champ de compétence, qui avait été défini par l’accord national interprofessionnel (Ani) du 11 janvier 2008 avant d’être repris à son compte par la loi du 25 juin 2008, doit donc être considéré comme bien plus étendu. À eux, donc, de donner toute sa consistance à l’article L. 1237-14 du Code du travail qui dispose, en son dernier alinéa, que « tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil de prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif » et de ne pas limiter leurs décisions aux seuls cas de nullité des ruptures conventionnelles.