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La CFDT embraye sur le dialogue social chez Getrag Ford Transmissions

Publié le 30/08/2016

Monter une section syndicale pour faire vivre les valeurs de la CFDT et rétablir le dialogue : c’est le pari réussi des militants de Getrag à Blanquefort, qui ont ainsi su gagner leur légitimité auprès des salariés comme de la direction.

Dans l’ex-région Aquitaine, qui a vu prospérer l’aéronautique française, Getrag Ford Transmissions (GFT) est le seul équipementier spécialiste de l’automobile. Filiale de l’entreprise allemande Getrag, elle a créé avec Ford une coentreprise en 2001, à qui elle fournit des boîtes de vitesses manuelles destinées aux petites voitures de série. Dans un contexte très concurrentiel, Getrag doit aujourd’hui sa survie au projet d’entreprise « MX65 », décidé en 2014, et qui devrait lui garantir un avenir confortable. Les MX65 désignent les nouvelles boîtes modulaires de six vitesses qui vont bientôt inonder le marché. L’usine de Blanquefort, dans le département de la Gironde, a été choisie en vue d’en assurer la production et piloter le lancement mondial. « C’est une chance pour nous, car nos produits seront obsolètes dans deux ans ! », explique Antonio Gomez, nouvel élu CFDT au comité d’entreprise, chargé de la qualité chez Getrag. Et les salariés ont bien besoin d’être rassurés après avoir appris il y a quelques mois, du jour au lendemain, que leur groupe venait d’être racheté par le canadien Magna, un des majors mondiaux du marché de l’équipement automobile.

Rétablir le dialogue social au sein de l’entreprise...

     

Restaurer la confiance
De coentreprise en rachat, sans dialogue social, les salariés ne comprenaient pas quel était leur avenir chez Getrag, vendu au début 2016 à un groupe canadien. Raphaël Pellon et son équipe ont consacré une grande partie de leur temps à expliquer et rassurer. Il leur arrive de devoir pousser jusqu’au domicile des salariés qui craignent d’être vus en présence de la CFDT.

Un accord de compétitivité bien négocié
Présente pour la première fois lors de la négociation annuelle obligatoire, la CFDT a prouvé qu’elle voulait un vrai dialogue, tant avec les autres organisations syndicales qu’avec la direction. En défendant un projet d’entreprise qui garantit l’ensemble des emplois pendant les dix années qui viennent, la section nouvellement élue a pu négocier des contreparties pour les trois années de transition qui impacteront la masse salariale.

Management à distance
La section pratique un syndicalisme différent de celui des autres organisations présentes sur le site. Par exemple, en se rapprochant du médecin du travail et du CHSCT, elle veut mettre en place des mesures préventives et/ou curatives de protection de la santé des salariés. « S’occuper du travail va au-delà des négociations salariales. À l’usine, douze nationalités différentes se côtoient, nous devons prendre en charge les cas d’illettrisme, construire des passerelles entre toutes ces personnes », affirme Raphaël Pellon, délégué syndical de Getrag.

     

« Nous l’avons appris la veille de la fermeture estivale, se souvient Raphaël Pellon, le nouveau délégué syndical CFDT. La nouvelle est tombée alors qu’on nous disait que tout allait bien ! Par la suite, nous avons appris que Magna avait racheté nos dettes… » Pour cet ancien militant CFTC comme pour les salariés, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, alors que le dialogue social est au point mort depuis plusieurs années. Dès 2012, le manque de confiance envers une direction qui fait la sourde oreille et des organisations syndicales représentatives « qui ne font rien » avaient poussé Raphaël Pellon à monter une section CFDT afin de mettre en place un vrai dialogue au sein de l’entreprise. Convaincu des valeurs défendues par la CFDT, il avait alors commencé, avec le soutien de l’Union régionale interprofessionnelle Aquitaine, à informer les salariés sur les propositions qu’il entendait porter pour améliorer la situation. C’est donc une énorme satisfaction que les élections professionnelles du 4 mars 2016 aient permis à la CFDT d’obtenir 25 % des voix dans le premier collège, juste derrière la CGT (33 %) et FO (28 %).

Aujourd’hui, l’arrivée de la CFDT – même si elle n’est pour l’instant qu’à la troisième place – a changé le climat social de l’entreprise. « Depuis que nous sommes élus, le dialogue est revenu, se félicite Raphaël Pellon. Car la CFTC et FO ne se parlaient pas, la CGT et FO ne se parlaient plus… Maintenant, on est tous capables de dialoguer entre nous, et les comités d’entreprise se déroulent normalement. » La nouvelle section CFDT a du même coup réussi à convaincre la direction qu’un syndicat pouvait aussi être un interlocuteur valable, pas seulement une force d’opposition.

« Logique !, explique le délégué syndical CFDT. La CGT a signé trois accords en quarante ans et nous, nous en avons déjà signé deux en avril 2016 : un accord à l’issue de la NAO [négociation annuelle obligatoire] et un autre sur l’égalité hommes-femmes. Du coup, ils écoutent nos propositions et le dialogue est rétabli. Certes, il a fallu faire des concessions : certaines mesures étaient exigées comme condition sine qua non pour que le projet MX65 se développe ici. »

En effet, la direction a mis en balance l’obtention du marché des boîtes nouvelle génération avec le maintien de l’ensemble des emplois sur le site. Direction et syndicats se sont mis d’accord sur des mesures qui touchent l’organisation du travail et la rémunération. « Nous avons signé ce qui correspond pour nous à un accord de compétitivité en ayant soin de faire respecter les droits des salariés. L’accord nous a semblé équilibré. Et la direction commence à voir les fruits du dialogue social tel que nous l’avons souhaité. »

Ainsi, les syndicats signataires (CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO) ont accepté de limiter l’augmentation de la masse salariale à 1 % pendant trois ans. Mais ils ont obtenu une prime compensatoire de 500 euros bruts si les bénéfices sont insuffisants pour déclencher la participation. Autre sujet de compromis, les nouveaux horaires, avec le passage de cinq à six jours travaillés : ils seront uniquement applicables sur la base du volontariat et si le nombre de volontaires requis le permet.

... préparer demain, dans l’intérêt de tous…

En vue de gagner en productivité, Raphaël Pellon et Antonio Gomez savent qu’il y a des mesures urgentes à prendre pour garantir la qualité des produits d’une part, protéger la santé des salariés d’autre part. Deux points sur lesquels ils déplorent la gestion de la direction, qui a voulu pratiquer un lean management pas toujours à bon escient… « Depuis quatre ans, chaque mois, nous distribuons un nouveau tract dénonçant notamment les effets des baisses d’effectifs dans les services supports (qualité, logistique, département des méthodes), qui ont fondu de moitié. Le taux des réclamations qualité a doublé ! », détaille Antonio Gomez.

Le contrôle en laboratoire par des techniciens qualifiés a été supprimé ; les opérateurs ont été formés à contrôler eux-mêmes certaines pièces sans revalorisation de salaire ; faute d’investissement, les machines, périmées dans deux ans, se détériorent… Tout est source continuelle de « galères » subies par les salariés. Les cadres n’échappent pas à cette gestion inspirée du lean. La lutte contre le gaspillage a créé des situations de burn-out et occasionné des arrêts de travail en série. Depuis mars, la section s’est rapprochée de la médecine du travail afin de dénoncer les faits et de trouver des solutions.

... et toujours agir concrètement

Forte de sa nouvelle légitimité, la CFDT compte maintenant aller plus loin et revendiquer une réelle prise en charge sociale des personnes. Il y a beaucoup à faire. « Nous souhaitons lutter contre les addictions qui touchent des salariés – alcool pour les anciens, cannabis chez les plus jeunes. Pour le moment, la réponse de l’employeur, c’est de licencier… Nous voulons qu’il accepte de donner une chance à une personne qui accepte de se soigner. »

Responsable de la commission d’aide sociale du comité d’entreprise, Raphaël Pellon a veillé à ce qu’un militant CFDT soit présent dans chacune des autres commissions. Une manière de mieux sensibiliser les salariés à la volonté de la CFDT d’agir concrètement, et pas uniquement sur le salaire. « Nous voulons innover et faire du syndicalisme autrement », martèle Raphaël Pellon.

cnillus@cfdt.fr

     

Repères

• Getrag Ford Transmissions (GFT) fait partie du groupe allemand Getrag (23 usines dans le monde, 14 200 salariés).

• Ouverte en 1976, l’usine française de Blanquefort fabrique et exporte des boîtes de vitesses manuelles. En 2015, 495 000 pièces y ont été fabriquées. Elle emploie 972 personnes, dont 650 ouvriers et 137 intérimaires.

• Présente, pour la première fois, depuis mars 2016, la CFDT a obtenu 21,52 % des voix. Quatre autres organisations sont représentatives : la CGT (28,95 %), FO (23,99 %), la CFE-CGC (12,85 %) et la CFTC (12,54 %). La section compte 30 adhérents.