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[Interview] “Cet accord pose les fondations d’un nouveau régime unifié dès 2019”

Publié le 27/11/2015

Après neuf mois de discussions houleuses, les partenaires sociaux ont trouvé un accord garantissant la pérennité financière des retraites complémentaires à long terme. Secrétaire national de la CFDT fraîchement élu président de l’Arrco, Jean-Louis Malys explique pourquoi la CFDT a décidé de prendre ses responsabilités tout en ayant conscience de l’effort que salariés du privé et retraités devront fournir.

La CFDT,  la CFTC et la CFE-CGC ont signé l’accord sur les retraites complémentaires (Arrco et Agirc) sans la CGT ni FO. Comment expliques-tu cette divergence d’appréciation sur les mesures proposées ?

 Aucune organisation syndicale ne contestait le fait que les régimes de retraites complémentaires Arrco et Agirc étaient confrontés à un grave déséquilibre financier. Soit on acceptait de prendre des mesures d’économies pour pérenniser les retraites complémentaires sur le long terme, soit on laissait filer les déficits sans se soucier des plus jeunes et des futures générations. La CFDT a fait son choix.

La CGT, elle, n’a jamais signé d’accord important sur les complémentaires depuis leur création, en 1947. Il n’est donc guère surprenant qu’elle refuse une fois de plus de s’engager. La position de Force ouvrière est plus étonnante car cette organisation syndicale avait signé les accords précédents. Leurs débats internes ont certainement été très compliqués. Nous regrettons leur choix final.

Que réponds-tu aux personnes qui accusent cet accord d’être déséquilibré ?

 Lorsque des mesures difficiles sont décidées, il est plus commode de dénoncer un prétendu « déséquilibre » que d’assumer des décisions exigeantes. Cet accord permettra d’économiser 6 milliards d’euros d’ici à 2020. Il demande des efforts importants c’est vrai, mais qui sont équitablement répartis entre les salariés, les retraités et les entreprises. Tout l’enjeu de cette négociation a justement été de trouver un accord avec les organisations patronales pour que les entreprises participent, elles aussi, aux efforts. Cet accord veille également à ce que les mesures d’économies demandées épargnent les salariés qui ont eu des carrières accidentées ainsi que ceux qui perçoivent de faibles revenus.

Les détracteurs de cet accord oublient toujours de préciser que si aucun compromis n’avait été trouvé, les pensions de l’Agirc auraient automatiquement, et pour toute la durée de la retraite, accusé une baisse de 10 % dès 2018 et celles de l’Arrco du même montant quelques années plus tard.

La nouveauté de cet accord est la création d’une contribution de solidarité en 2019. Peux-tu nous expliquer ce qui a conduit à l’instauration de cette mesure ?

 Le patronat s’est battu durement pour mettre en place un système de décotes qui aurait imposé un décalage de l’âge de départ à la retraite. Toutes les organisations syndicales se sont opposées à ces propositions et ont contraint le patronat à reculer. La contre-proposition formulée par la CFDT a alors pesé lourd dans la négociation.

La contribution de solidarité est un compromis. Un salarié qui remplira tous les critères (trimestres et âge) pour partir à taux plein à la retraite à partir du 1er janvier 2019 pourra faire valoir ses droits en acquittant pendant trois ans (jusqu’à 67 ans au maximum) une contribution de solidarité correspondant à 10 % de sa retraite complémentaire, soit environ 3 % de sa pension complète. S’il reste un an de plus en emploi, cette mesure s’annule. S’il reste deux ans voire plus (lire ci-contre), le salarié aura droit à une bonification pendant un an. Pour une pension de 1 600 euros, cette contribution s’élèvera à 50 euros par mois. Donc, contrairement à ce que l’on peut entendre, cet accord ne repousse pas l’âge de départ à la retraite à 63 ans de manière automatique. C’est plutôt une mesure qui va dans le sens d’une plus grande souplesse. Rappelons que les salariés qui ne remplissent pas les critères du taux plein au moment de liquider leur retraite – les femmes aux carrières incomplètes principalement – ne sont pas concernés par cette mesure ni les retraités modestes, dont la pension sera exonérée de CSG.

Cet accord donne naissance à un nouveau régime unifié qui verra le jour en 2019. Peux-tu nous en dire plus ?

 L’accord ne se limite pas à des mesures d’économies. Il ouvre aussi des perspectives pour les futures générations. L’Arrco et l’Agirc vont ainsi se rapprocher pour donner naissance en 2019 à un nouveau régime unifié avec des règles plus simples et plus justes. La CFDT, qui préside à la fois l’Arrco et l’Agirc, sera en première ligne pour défendre ses idées. Il s’agit d’une étape importante pour nous qui portons depuis des années l’idée d’une réforme systémique des retraites garantissant la pérennité de notre modèle par répartition.

Les salariés qui arrivent aujourd’hui sur le marché du travail et qui cotisent pour leurs aînés doivent être assurés qu’ils pourront toucher une pension le moment venu. Cet accord leur montre que les partenaires sociaux savent prendre leurs responsabilités lorsque la situation l’exige.

jcitron@cfdt.fr

@Photo Hamilton/Réa