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Centrale nucléaire EDF de Paluel : La force du réseau CFDT

Publié le 21/09/2016

C’est en s’affirmant comme force de proposition et en développant l’accompagnement professionnel de ses adhérents que la section CFDT de la centrale nucléaire de Paluel fait la différence. Elle compte bien en récolter les fruits lors des prochaines élections professionnelles, en novembre.

À Paluel, il n’y a guère que les deux premiers des quatre réacteurs de la centrale qui soient à l’arrêt. Une opération conduite dans le cadre du « grand carénage », ce vaste programme industriel de rénovation qui doit permettre l’allongement de la durée d’exploitation des centrales. Pour le reste, cette centrale nucléaire d’EDF située entre Dieppe et Fécamp (Seine-Maritime), mise en service entre 1984 et 1986, ressemble à une vaste ruche. Outre les 1 520 agents permanents d’EDF, y travaillent aussi en ce moment quelque 2 000 salariés prestataires. « Il est arrivé qu’on atteigne les 4 000 salariés en pic d’activité », relève Alexis Salomé, 38 ans, délégué syndical du site, qui travaille au génie civil (conception et construction des bâtiments). Côté syndical aussi, ça turbine : les équipes sont dans la dernière ligne droite avant les élections professionnelles de novembre, comme dans l’ensemble des industries électriques et gazières (IEG), avec des enjeux de représentativité importants. À Paluel, site dominé par la CGT et FO, la CFDT poursuit sa phase de reconstruction, amorcée en 2007 après une période de quasi-mort clinique. Si aux élections de 2010 et 2013 la CFDT a plafonné autour de 20 % des voix, son ambition est aujourd’hui de tailler des croupières à la CFE-CGC, qui a fait une véritable percée en 2013, raflant 60 % des voix chez les cadres. « Si on doit faire la différence, ce sera chez les cadres. Ils représentent 35 % des effectifs d’EDF à Paluel », indique Christian Kernivinen, l’autre délégué syndical présent sur le site de Paluel « depuis le premier coup de pioche ». Le fait que la CFDT ait signé, en février dernier, au niveau national, l’accord sur l’organisation du temps de travail des cadres – qui instaure le forfait-jours et renforce l’autonomie – sera une carte à jouer.

Négocier plutôt que faire grève

     


Construire et pas seulement contester
Plutôt qu’un syndicalisme doctrinaire, défendu sur le site par d’autres organisations syndicales, la CFDT fait la différence par son approche concrète. Notamment par l’accompagnement professionnel qu’elle a mis en place au service de ses adhérents, et qui vise à construire leur parcours professionnel sur le site ou dans le cadre de mutations.

Se développer sur l’ensemble du site
Si plusieurs services restent des fiefs CGT ou FO, la CFDT a réalisé quelques belles percées et s’est établie confortablement dans plusieurs services. Elle s’appuie notamment sur ses « adhérents-relais » : à la fois « capteurs sociaux » et diffuseurs des idées et valeurs de la CFDT, ils assurent une présence CFDT sur le terrain et sont précieux en matière de développement. Résultat : la section a triplé son nombre d’adhérents, parmi lesquels de nombreuses femmes (elles représentent 17 % du personnel du site mais 40 % de la section CFDT).

Travailler en réseau
C’est une des forces de la section. Sur le site, elle bénéficie de son réseau d’adhérents-relais ; à l’échelle nationale, elle fonctionne avec le « réseau Parc », constitué par les délégués syndicaux des dix-neuf sites nucléaires français, qui se réunissent une fois par trimestre. C’est un appui précieux au travail syndical (échanges d’informations et de bonnes pratiques), par ailleurs très utile dans le cadre de l’accompagnement professionnel offert aux adhérents

     

C’est en effet sur sa capacité à défendre des positions constructives que la CFDT fait la différence. Grâce à quoi elle a vu son nombre d’adhérents tripler ces cinq dernières années. « C’est ce que j’ai apprécié en adhérant à la CFDT : des gens qui bossent, qui apportent du concret… À la différence de ceux qui aboient », explique une jeune adhérente qui figure déjà sur la liste CFDT pour les prochaines élections. Ainsi de l’action proposée par l’équipe CFDT au sein du service électromécanique. L’an dernier, un mouvement de grogne s’amorce dans ce service qui compte une centaine d’agents : les rémunérations ne correspondent plus aux évolutions professionnelles, et beaucoup se sentent lésés. « D’autres organisations syndicales ont tout de suite suggéré de faire grève. Nous, on a proposé d’étudier toutes les situations et d’ouvrir une négociation », explique Alexis, qui, durant plusieurs jours, va établir les courbes d’évolution professionnelle de chacun. Bilan : 34 agents vont voir leur situation réévaluée. À cette occasion, la CFDT réussit à faire appliquer un accord national relatif au tutorat et au compagnonnage, signé par la Division production nucléaire (DPN). Ainsi, 181 agents de Paluel vont toucher une prime de « maître d’apprentissage » (pour un montant moyen de 489 euros), et 151 vont obtenir une prime de « transmission des savoirs » (500 euros en moyenne).

Des “adhérents-relais” et un réseau militant

« Être concret », « construire » : ces mots reviennent fréquemment lorsqu’on rencontre l’équipe de Paluel. Ce sont eux qui motivent son action. À l’instar de l’accompagnement professionnel qu’elle a mis en place auprès de ses adhérents. « L’idée, c’est de préparer leur évolution professionnelle, à la fois sur le site ou en vue d’une mutation, si tel est leur souhait, et de construire avec eux la feuille de route », explique Christian Kernivinen. La mobilité, dans une centrale, est un exercice complexe, qui nécessite une connaissance approfondie des métiers, des contraintes et des compétences requises pour pouvoir postuler à tel ou tel poste. « On regarde ce qu’il faut mettre en place pour qu’ils y arrivent », indique Christian, détaillant toutes les formes d’appui que propose la CFDT : appui et accompagnement préparant les entretiens annuels d’évaluation, suivi des décisions, participation active à la commission secondaire du personnel (où se décident les évolutions professionnelles des agents), liens et échanges réguliers avec les responsables de service et les managers de proximité afin de construire les parcours, mais aussi parfois faire de la médiation, déminer des situations tendues ou trouver des solutions en cas de blocage, de conflit.

Selon les projets ou les aspirations des adhérents, l’équipe CFDT mobilise aussi son réseau. Celui qu’elle a tissé sur le site de Paluel à travers ses « adhérents-relais » ou le « réseau Parc », constitué de tous les délégués syndicaux des dix-neuf sites nucléaires français, et qui fonctionne bien. « On met nos adhérents en contact avec d’autres, travaillant dans les autres services ou les autres centrales, pour qu’ils valident ou non leur projet. » La CFDT a même permis d’organiser des immersions, en l’occurrence des détachements de quelques semaines, le temps de mesurer si le projet correspond bien à l’envie professionnelle de l’agent. « Au départ, la direction n’était pas chaude du tout. Maintenant, elle est carrément demandeuse », indique Alexis. La force du réseau CFDT, si elle bénéficie aux adhérents, constitue également un appui aux militants dans leur travail syndical. Notamment grâce aux nombreux échanges d’informations qu’il permet. « On profite de l’expérience des uns et des autres », apprécient Jean-Luc Hudé et François Aubert, délégués syndicaux de la centrale de Penly, voisine d’environ 40 kilomètres, et venus ce jour-là rencontrer leurs homologues de Paluel. Dans la campagne électorale qui s’annonce, le recours à ces échanges militants va être précieux.

epirat@cfdt.fr

     

 

Repères

• Le site de Paluel compte quatre réacteurs de 1 300 MWe, les premiers de cette puissance à avoir été mis en service. C’est donc une « tête de pont » de l’opération de grand carénage en cours, qui concerne pour l’heure les réacteurs 1 et 2. En activité, le site produit 30 milliards de KWh (chiffres 2015).

• En 2013, la CFDT avait obtenu 19 % des voix (20 % en 2010), derrière la CGT (32,9 %, en net recul par rapport aux 42,3 % de 2010), FO (26,3 %, contre 24,4 % en 2010) et une liste commune CGC-Unsa (21,7 %, contre 12 % en 2010).