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[Dossier Salariés des TPE] Ne laisser personne au bord de la route

Publié le 15/12/2020

La crise sanitaire et économique que nous traversons risque d’impacter encore plus brutalement les 4,9 millions de salariés des très petites entreprises. La CFDT veut, plus que jamais, être aux côtés de ces salariés souvent isolés et peu informés de leurs droits.

« Dans cette boutique, on était toujours hors des clous : je devais venir avant l’ouverture et rester après la fermeture pour finir de ranger, sans que cela soit payé. La patronne essayait toujours de gratter un peu. Même sur les temps de pause, elle venait me chercher pour que je n’aie pas une minute de plus. Mais comme elle était très colérique, et qu’à part son mari et un apprenti boulanger, il n’y avait pas d’autre employé, je n’avais pas d’autre choix que de faire ce qu’elle me demandait, sans trop la ramener. Ses colères me tétanisaient. Et puis, un jour, j’en ai vraiment eu trop marre. J’ai claqué la porte. Les choses ne se seraient sans doute pas passées comme ça si à l’époque j’avais connu la CFDT. »

Amandine, 22 ans, a finalement choisi de reprendre des études d’esthéticienne, après ce passage malheureux comme vendeuse dans une boulangerie artisanale d’une commune des Yvelines. Et si elle a rencontré la CFDT, c’est grâce à sa sœur, employée dans une agence bancaire et adhérente du syndicat. « Mais dans une boulangerie de trois personnes, on n’entend jamais parler de syndicalisme. Je me demande comment ma patronne aurait réagi si je lui avais parlé de “respect du droit du travail”… Je ne suis pas sûre qu’elle l’aurait bien pris ! », sourit la jeune femme.

Bien sûr, le témoignage d’Amandine ne saurait résumer la situation de l’ensemble des salariés des très petites entreprises (TPE, moins de 11 salariés) ainsi que des employés à domicile par des particuliers, soit 4,9 millions de personnes qui vont, en début d’année 2021, être appelées à voter.

Tous les employeurs des « petites boîtes » ne ressemblent pas à la patronne d’Amandine ni à certains margoulins (LIRE LES TEMOIGNAGES) contre lesquels la CFDT a engagé des procédures. Dans bien des TPE, la proximité avec l’employeur se vit de manière cordiale, respectueuse, et avec une grande autonomie dans le travail. Mais il faut reconnaître que les salariés des TPE partagent certains points faibles.

« Ils ne savent pas toujours vers qui se tourner »

Tout d’abord, ils ont « une profonde méconnaissance de leurs droits et sont dans un certain isolement, note Henri Chevolleau, qui a accompagné plus de 700 personnes au titre de conseiller du salarié en Pays de la Loire. Ils ne disposent pas de représentants du personnel dans leur entreprise, puisque ceux-ci ne sont désignés que dans les entreprises de plus de 11 salariés. Quand un problème survient ou qu’un conflit éclate, ils ne savent pas, la plupart du temps, vers qui se tourner ».

Certains ont heureusement le réflexe de contacter l’inspection du travail, un syndicat ou de consulter la liste des conseillers du salarié (disponible en préfecture, à l’inspection du travail, dans chaque mairie et sur internet).

C’est ainsi que Samuel, responsable de projets dans une entreprise de climatisation proche de Nantes, a pu bénéficier des conseils et de l’accompagnement d’Henri au moment de sa rupture de contrat. « Forcément, tout seul face à l’employeur, le rapport de force n’est pas le même que lorsqu’on vient à deux. C’est alors beaucoup plus équilibré. Cela permet aussi de dépassionner l’entretien », reconnaît le jeune cadre, qui a pu ainsi négocier une rupture conventionnelle dans des conditions plus favorables.

 Des lieux dédiés aux salariés des TPE

« Clairement, dans la crise économique qui s’annonce, et qui risque de frapper encore plus durement les salariés des TPE comme les petits commerces, les sous-traitants, etc., la présence de la CFDT à leurs côtés va être d’autant plus nécessaire », indique Inès Minin, secrétaire nationale chargée du dossier à la CFDT.

la CFDT est met en place des « unités territoriales TPE » dans les régions : des lieux où les salariés des TPE peuvent se retrouver et partager leurs difficultés et leurs réalités professionnelles 

En plus de l’aide apportée directement par le syndicat, plusieurs outils existent déjà pour les adhérents, comme le service « Réponses à la carte », ce dispositif d’information par téléphone (dont le numéro figure sur toute carte d’adhérent).

Pour aller plus loin, la CFDT est également en train de mettre en place des « unités territoriales TPE » dans les régions : à savoir « des lieux où les salariés des TPE peuvent se retrouver et partager “entre pairs” leurs difficultés et leurs réalités professionnelles ; pour qu’ensuite la CFDT dans son ensemble puisse porter, dans les négociations plus larges, la parole et les besoins de ces salariés », explique Inès Minin, qui cite le dispositif de « transitions collectives », annoncé par le gouvernement et qui devra être adapté aux salariés des TPE.

« Dans la crise, nous ne voulons laisser personne sur le bord de la route. Nous devons avoir une attention particulière pour ces salariés dont la situation est encore plus délicate car ils passent souvent “sous les radars”, tant médiatiques que syndicaux », rappelle la secrétaire nationale.

epirat@cfdt.fr

©Patrick Allard/RÉA