Technip - La tour infernale abonné

Crise pétrolière et réorganisations à tout va, en l’absence de plan de prévention des risques psychosociaux, les salariés de Technip France, expert de l’énergie, trinquent.

Par Claire Nillus— Publié le 29/10/2018 à 12h52

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Le 25 juin 2018, l’Inspection du travail a adressé une mise en demeure à la direction de Technip pour « non-respect du principe de prévention d’évaluation des risques psychosociaux ». L’entreprise a six mois pour redresser la barre. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi ce leader français de l’ingénierie énergétique se retrouve-t-il assigné par les représentants du personnel pour mise en danger de ses salariés ? Cette mise en demeure intervient après trois ans de malaise.

Depuis 2015, l’entreprise a fait l’objet de huit expertises à la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), d’une dizaine d’enquêtes sur les risques psychosociaux, d’une enquête sur la qualité de vie au travail, qui a diagnostiqué près de 400 salariés en situation critique face au stress et de courriers issus du médecin-inspecteur de la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi) et de la Sécurité sociale.

CBADET Chr Heraud 2018 CFDT Technip Entreprise d’État à sa création, en 1958, Technip est cotée en Bourse depuis 2009 et a fusionné en 2017 avec l’américain FMC Technologies. Le groupe emploie 5 200 personnes en France, 41 000 dans le monde. De l’extraction du pétrole aux produits finis, Technip sait tout faire. Sa marque de fabrique, ce sont les grands projets pétroliers et gaziers, les défis technologiques hors normes qui se multiplient jusqu’en 2014. «Tout allait bien, le pétrole coulait à flots : c’était l’âge d’or », résume Christophe Héraud [photo ci-contre], délégué syndical central CFDT de TechnipFMC. « En 2014, arrive une crise pétrolière. Le cours du baril s’effondre. Les projets sont stoppés. Les commandes fondent comme neige au soleil, le marché se cherche. »

Malaise à tous les étages

Petit à petit, le malaise s’installe. Pour Irina Azema [photo ci-dessous], secrétaire adjointe du CHSCT, une grande partie du problème vient de la culture de l’entreprise : 15% de femmes seulement aux postes à responsabilités, un monde d’hommes. Très conservateurs, ils s’investissent beaucoup. « Il est normal de travailler plus que de raison et inimaginable d’admettre ses difficultés professionnelles, explique Irina. Le droit à la déconnexion n’est pas un sujet chez Technip, l’égalité professionnelle non plus. Dire que l’on est faible est impossible. Ce système a bien fonctionné tant qu’il y avait des contreparties. Mais la machine a commencé à se gripper lorsque devenir responsable d’un projet prestigieux est devenu moins facile, voire très rare. »

CBADET 2018 CFDT Technip CHSCTÀ partir de 2015, la direction décide d’externaliser des fonctions support : achats, informatique et comptabilité s’exportent. « Quand il y a des erreurs sur des paiements de facture et qu’il faut gérer avec le bureau en Inde, ça devient très complexe, il y a comme une perte de repères. Un sentiment de déconnexion sociale s’est peu à peu installé. »

En 2017, les choses empirent suite à la fusion avec FMC Technologies. Cette fois, ce sont les centres de décision qui quittent la tour du quartier d’affaires de la Défense, près de Paris : la gouvernance s’installe à Houston et le siège à Londres. « Nous nous sommes retrouvés avec un PDG de la filiale française qui ne décide rien en matière de ressources humaines, poursuit Christophe Héraud. On ne sait plus qui dirige quoi. Certains salariés ne savent même pas à quel service ils sont…

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