Retour

La parentalité, c’est aussi un sujet d’hommes

Publié le 07/12/2015

S’occuper de son enfant n’est plus réservé aux seules mères. Si les pères souhaitent eux aussi du temps pour s’impliquer dans leur rôle, le collectif de travail, lui, ne semble pas tout à fait prêt à accepter cette nouvelle donne. Résultat  : la prise du congé paternité stagne… Et l’égalité professionnelle avance à petits pas.

« Après une année de congé parental, ma femme souhaitait poursuivre sa carrière. Comme nous n’avions pas envie de confier notre fils à une crèche, j’ai pris le relais en travaillant à temps partiel. J’ai pu profiter de ses premières années et l’accompagner dans sa scolarité. Je n’ai jamais regretté ce choix. » Après s’être consacré à 100% à sa vie professionnelle, Serge, professeur des écoles, a donné la priorité à sa vie familiale. Pourtant, récupérer son chérubin à l’école, participer aux activités culturelles et sportives ou superviser les devoirs a longtemps été l’apanage des mamans.
Dossier-p19-PLAINPICTURE
Désormais, les papas aspirent eux aussi à concilier vie privée et travail, avant même la naissance. Les nouvelles générations de pères sont plus présentes lors des examens prénataux et des accouchements. « La parentalité n’est plus seulement une affaire de femmes. Quand les enfants arrivent, elles sont déjà engagées dans leur carrière et ont parfois un meilleur salaire que leur conjoint. De plus, la garde alternée se développe. Du jour au lendemain, les pères sont bien obligés de prendre la relève », souligne Catherine Boisseau Marsault, directrice des études et de la prospective à l’Observatoire de l’équilibre des temps et de la parentalité en entreprise.

Les freins à la parentalité du père

Une minorité de pères n’hésitent plus à quitter le travail avant 18 heures, à télétravailler ou à poser leur mercredi après-midi afin de s’occuper de leur(s) enfant(s). Cependant, cet engagement paternel n’est pas toujours bien vu par les entreprises encore empreintes des stéréotypes liés à la maternité et à l’absentéisme. Si un congé de paternité, un congé de naissance de trois jours et des journées pour enfant malade leur sont accordés, oser s’absenter expose parfois aux sarcasmes des collègues et du manager. « La culture managériale est le frein principal à la parentalité masculine. Les hommes impliqués dans l’éducation de leurs enfants peuvent être stigmatisés. Ils sont considérés comme des salariés peu fiables, démotivés et moins ambitieux. L’employeur ne pensera pas à eux pour une promotion », déplore Antoine de Gabrielli, fondateur des cercles d’hommes Happy Men.

De peur des répercussions sur leur carrière, les hommes sont peu enclins à prendre un congé parental d’éducation. Selon les chiffres de l’Insee, à peine 10 % des pères ont réduit ou cessé temporairement leur activité après la naissance d’un enfant. Afin de mieux répartir les pauses parentales et d’éviter aux femmes de s’éloigner du marché de l’emploi, la durée de ce congé, nommé « prestation partagée d’éducation de l’enfant », est passée depuis le 1er janvier 2015 de six mois à un an, si les deux parents y participent. « Le risque parental pèse uniquement sur les femmes et pénalise leur évolution professionnelle. Si les responsabilités familiales sont mieux partagées dans le couple, les femmes pourront davantage se consacrer à leur travail. Les hommes étant susceptibles eux aussi d’être moins disponibles à un moment de leur carrière, la maternité ne sera plus un facteur d’inégalité professionnelle », analyse Jérôme Chemin, secrétaire national de la CFDT-Cadres, qui revendique un congé paternité de deux mois, contre onze jours, et rémunéré au moins à 100% pour un salaire inférieur au plafond de la Sécurité sociale et à 80% au-delà.

Actuellement, la faible indemnisation du congé par la Sécurité sociale dissuade de nombreux couples d’y recourir. Alors que l’arrivée d’un bébé engendre des frais supplémentaires, sacrifier un salaire, souvent le plus élevé du ménage, est impensable pour beaucoup. D’autres solutions sont à envisager pour encourager les papas à s’investir dans leur vie familiale : la fin des réunionites, la sensibilisation des managers,
le partage d’expériences entre les salariés… Car une chose est sûre : le défi de l’égalité professionnelle ne peut être relevé sans eux.

afarge@cfdt.fr

© Kburgers/Thinkstock - PlainPictures/Maskot

     

 

Quoi de neuf dans la loi ?

Les femmes ont conquis leur place sur le marché du travail, mais l’égalité professionnelle n’est pas encore au rendez-vous. Toutefois, deux récents textes de loi contiennent des avancées.

« À travail égal, salaire égal ! » Ce mot d’ordre a été inscrit pour la première fois dans le droit par la loi de 1972 sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Depuis, une litanie de lois lui a succédé, et l’égalité n’est toujours pas au rendez-vous (lire l'interview de Brigitte Grésy dans notre dossier). Le législateur reconnaît implicitement l’ampleur de la tâche, puisque la loi de 2014 est relative, cette fois, à « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ».

Le point le plus important concerne le rôle des pères. Le congé parental d’éducation indemnisé par la Caisse d’allocations familiales passe de six mois à un an pour un premier enfant, à condition que ce soit le second parent (généralement le père) qui le prenne. À partir de deux enfants, la possibilité de prendre un congé parental de trois ans existe toujours. Il est soumis à la condition que le second parent pose six mois sur les trois ans. Dans le cas contraire, ces six mois sont perdus, et le congé est limité à deux ans et demi. « Enfin, les pères sont incités à prendre une part du congé parental, même si la loi ne va pas assez loin, c’est un vrai levier pour l’égalité professionnelle », se réjouit Dominique Marchal, secrétaire confédérale responsable du dossier mixité à la CFDT.

La notion de sexisme entre dans le code du travail

En revanche, la mesure qui rend possible la conversion d’une partie du compte épargne-temps en chèque emploi service universel n’est pas une avancée selon la CFDT. « Les jours de congé sont faits pour se reposer, et cette mesure ne doit pas remplacer une indispensable réflexion sur l’organisation du travail et l’articulation des temps », alerte Dominique Marchal.

D’autres dispositions récemment prises peuvent faire avancer la cause de l’égalité professionnelle. Les représentants du personnel compteront dans leurs rangs davantage de femmes. La loi de modernisation du dialogue social (loi MDS, dite loi Rebsamen) prévoit la mixité proportionnelle des listes de candidats aux élections professionnelles. « C’est important car plus les femmes seront présentes dans les instances représentatives et plus l’égalité professionnelle et la conciliation des temps ont des chances d’être portées », insiste Dominique Marchal. Quant au rapport de situation comparée, qui permet aux représentants des salariés de repérer les écarts de salaire et d’évolution de carrière entre les hommes et les femmes et d’exiger des correctifs, ses données sont désormais intégrées à la BDU (base de données unique).

Enfin, la loi MDS marque l’entrée dans le code du travail de la notion de sexisme. L’apparition de préjudice pour « agissement sexiste » devrait inciter les employeurs à faire preuve de vigilance et à mettre en place des politiques de prévention.
     
       mneltchaninoff@cfdt.fr