Fin de vie, faut-il une nouvelle loi  ? abonné

« On ne meurt pas bien en France » : si ce constat est unanimement partagé, le débat sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté est moins consensuel. Deux ans après l’adoption de la loi dite Claeys-Leonetti, près de 200 députés appellent à faire évoluer la législation.

Par Jérôme Citron— Publié le 23/10/2018 à 07h38

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Il n’y a aucun chiffre officiel, seulement des estimations qu’il faut prendre avec des pincettes. Chaque année, de plus en plus de Français se rendraient à l’étranger – en Belgique principalement – afin d’abréger leur vie. Le phénomène serait en hausse et commencerait à inquiéter les autorités sanitaires. À l’instar des Pays-Bas, de la Suisse ou du Luxembourg, la Belgique a légalisé l’euthanasie et le suicide assisté. Depuis 2002, les personnes atteintes d’une maladie incurable et mortelle à court terme peuvent demander à leur médecin – dans un cadre très réglementé – une « assistance active à mourir ». 

En 2017, en Belgique, la Commission fédérale de contrôle a comptabilisé 2309 euthanasies, nombre en hausse régulière depuis quinze ans.

En France, la pratique est totalement illégale. En 2005, 2010 et 2016, trois lois sur la fin de vie ont été votées – le plus souvent à la suite d’histoires tragiques qui ont marqué l’opinion publique – sans aller jusqu’à légaliser l’euthanasie (lire ci-dessous). « En 2016, j’avais proposé un amendement au projet de loi Claeys-Leonetti, mais François Hollande a reculé. Il le regrette aujourd’hui dans son dernier livre. »

Pour le député Jean-Louis Touraine, professeur de médecine, ancien parlementaire socialiste élu à présent sous l’étiquette La République en marche, la législation actuelle ne répond toujours pas aux besoins des patients. Il ne désespère pas de la faire évoluer. En juillet 2017, il dépose une nouvelle proposition de loi. Au mois de février 2018, il signe avec 155 autres députés une tribune dans laquelle il est demandé au gouvernement d’agir vite. Les mots sont durs : « Il est temps de sortir de l’hypocrisie qui prive certains d’une aide souhaitée et qui impose à tous une agonie pénible. Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps et, c’est essentiel, de leur destin. »

Le débat remue aussi la société civile. Le Comité économique, social et environnemental (Cese) s’est saisi du sujet. Dans l’avis qu’il a rendu en avril dernier, le Cese préconise d’adopter une loi sur les derniers soins grâce à laquelle une personne malade pourrait demander à un médecin de lui administrer « une sédation profonde explicitement létale ».

La CFDT, lors de son dernier congrès, en juin 2018, a également débattu du sujet. Une première pour l’organisation. Les syndicats CFDT ont adopté un amendement en faveur d’une évolution de la législation actuelle. « Ce débat doit être mené car certains cas ne trouvent pas de solution satisfaisante dans le cadre législatif actuel, expliquait alors Thierry Cadart, chargé de la question à la CFDT. Notre positionnement s’inscrit dans un mouvement plus global qui tend à prendre davantage en compte la volonté des patients alors que traditionnellement, dans notre pays, ces derniers étaient soumis à la décision du corps médical. »

Tout le monde est d’accord sur un point

Pour autant, la CFDT tient à alerter. Le débat sur la légalisation de l’euthanasie ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. « Le vrai scandale en France, c’est que l’on ne meurt pas bien. Les soins palliatifs ne sont pas assez développés et la prise en charge des personnes âgées, particulièrement à la fin de leur vie, n’est pas à la hauteur des besoins », insiste Thierry Cadart.
Sur ces derniers points, tout le monde tombe d’accord, aussi bien l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui milite pour la légalisation de l’euthanasie, que la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), qui y est farouchement opposée. Néanmoins, les deux associations ne tirent pas les mêmes…

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