Entretien avec Transparency International : “Le lobbying doit respecter trois règles d’or” abonné

À la fin août  2018, Nicolas Hulot démissionne de son poste de ministre de l’Écologie, en dénonçant la « présence des lobbys au sein des cercles de pouvoir ». Quel est leur véritable impact  ? Faut-il les tolérer en démocratie ? Leur activité est-elle suffisamment encadrée ? Éléments de réponse avec Marc-André Feffer, président de Transparency International France, ONG de lutte contre la corruption.

Par Maria Poblete— Publié le 04/01/2019 à 15h16

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Marc Andre Feffer PeterAllan

Les lobbys doivent-ils être tolérés en démocratie ?

La position de Transparency, c’est que le lobbying n’est pas une activité condamnable en soi : elle a son utilité. Au vu de la complexité de certains sujets, nous considérons en effet souhaitable que les politiques, avant de prendre une décision, soient éclairés par les différentes parties prenantes. Pour autant, il faut que le lobbying respecte trois règles d’or.

La première est d’être transparent, c’est-à-dire que les citoyens sachent qui, dans le cadre de la préparation d’un texte de loi, par exemple, a parlé à qui et de quoi. La deuxième règle d’or, c’est l’intégrité, c’est-à-dire que le lobbying doit se faire sans contrepartie ou tentative d’acheter la personne que l’on essaie de convaincre. La troisième règle est l’égalité de traitement. C’est-à-dire que le décideur politique doit accorder la même attention à tous les groupes d’intérêt qu’il reçoit, qu’il s’agisse d’une petite ONG ou d’un géant de l’internet, qui peut multiplier les sollicitations. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas…

Comment les décideurs politiques peuvent-ils distinguer les vraies études scientifiques des arnaques intellectuelles ?

C’est tout le problème du sérieux des sources. Lorsqu’une expertise est présentée, son auteur devrait, s’il intervient sur un sujet d’intérêt général, indiquer s’il se trouve dans une position potentielle de conflit d’intérêts. S’il intervient par exemple en soutien d’une entreprise pharmaceutique, il doit le signaler au décideur politique, ce qui n’est pas toujours fait. Cela étant dit, toute la difficulté reste que dans un secteur donné, il est rare de trouver des experts totalement indépendants. La plupart travaillent ou ont travaillé dans une entreprise du secteur à un moment de leur vie. D’où cette nécessité de la transparence et de la déclaration systématique des conflits d’intérêts.

La loi Sapin 2 (lire ci-dessous) est-elle suffisante pour encadrer l’activité de lobbying ?

Non. Les obligations liées au registre numérique public auquel doivent désormais s’inscrire les groupes d’intérêt ne sont pas suffisamment contraignantes. Les lobbys ont jusqu’à trois mois après l’année écoulée pour déclarer leurs activités. C’est-à-dire que si une entreprise a eu une activité de lobbying en janvier, le public ne l’apprendra qu’en avril de l’année suivante.

C’est beaucoup trop long et cela empêche de contrôler quoi que ce soit ! Deuxième problème : les informations qui apparaissent au registre sont imprécises. Les lobbys ne sont pas tenus de préciser leur position publique par rapport au sujet qu’ils défendent. Pas plus qu’ils ne sont contraints de donner les noms des personnes qu’ils rencontrent. Tout au plus doivent-ils indiquer la catégorie de responsables publics démarchés, soit sénateur, député ou représentant de cabinet d’un ministère. Ils peuvent aussi rester vagues quant aux types d’actions engagées et aux dates des rencontres.

Bref, en l’état, le registre ressemble plus à un annuaire qu’à autre chose. L’objectif initial de la loi – en l’occurrence comprendre le rôle que les lobbys ont joué dans la préparation d’une décision publique – n’est pas rempli. Nous militons donc pour que le décret d’application soit modifié : compte rendu tous les trois ou six mois, précisions sur les sujets traités, les personnes rencontrées…

Chez Transparency, vous militez aussi pour que les parlementaires déclarent leurs rencontres avec les lobbys…

Oui, c’est notre deuxième combat. Aujourd’hui, les obligations pèsent sur les entreprises mais les parlementaires ou les grands élus locaux ne sont, eux, tenus à rien en matière de déclaration des contacts pris avec…

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