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[Interview] “Notre première exigence, c’est le traitement humain des personnes”

Publié le 14/02/2018

Frédéric Sève est secrétaire national de la CFDT, chargé de l’immigration, des discriminations et de la lutte contre le racisme.

Depuis plusieurs semaines, la CFDT fait entendre une voix très critique sur la politique migratoire du gouvernement. Pourquoi le ton s’est-il durci ?

Pour deux raisons principales. La première exigence de la CFDT, c’est le traitement humain des personnes. Un pays est légitime à décider de l’ouverture ou de la fermeture de ses frontières. Il n’empêche, les migrants doivent être considérés humainement. Les tentes lacérées, les sacs de couchage confisqués… cette pression à l’égard des migrants est inacceptable.
On ne peut pas voir ces gens coucher dans la rue ou franchir les montagnes à pied en hiver, sans réagir. Notre seconde exigence touche à la politique d’accueil des réfugiés. Le président de la République, quand il n’était que candidat, avait eu des mots très justes sur l’honneur de la France. Il avait légitimement félicité Angela Merkel pour sa politique d’accueil. Aujourd’hui, le discours n’est plus sur ce registre. On promet l’accueil aux réfugiés, mais on met en place une stratégie dissuasive. Ce double discours est préjudiciable aux valeurs que la CFDT porte.

N’est-ce pas la circulaire du 12 décembre remettant en cause le principe d’accueil inconditionnel dans les centres d’hébergement qui a mis le feu aux poudres ?

Cela donne le sentiment que tout doit plier devant la politique migratoire, au mépris des règles éthiques que se sont données les associations qui assument, souvent bien seules, l’accueil d’urgence. Elles nous ont alertés et nous les avons soutenues. Nous avons beaucoup de militants impliqués dans ces associations, le monde syndical et le monde associatif sont très souvent liés.

Derrière un discours sur l’efficacité, nous avons du mal à voir la rationalité de cette politique. La gestion migratoire semble être la première urgence nationale sans que l’on se donne les moyens d’agir sur les situations ponctuelles et locales qui sont parfois très tendues.

En quoi ce sujet est-il une question syndicale ?

Tout d’abord parce que nous devons être attentifs à la façon dont la politique migratoire affecte les conditions de travail des personnels impliqués. Nous estimons, par exemple, que la « dissuasion » des migrants finit par faire jouer aux forces de l’ordre un rôle qui n’est pas le leur.

Et bien d’autres champs professionnels sont touchés par ces orientations politiques : les agents des préfectures, les travailleurs sociaux, les salariés des associations, le personnel de l’éducation, de la justice, de la santé, etc. Notre responsabilité n’est spas de définir la politique migratoire du gouvernement, mais de veiller à ce qu’elle soit soutenable et puisse être assumée par ceux qui la mettent en œuvre.

Par ailleurs, les syndicats peuvent être des opérateurs de l’intégration. En défendant les travailleurs immigrés en tant que salariés, mais aussi en collaborant avec des associations. La CFDT le fait avec les Duos de demain, en partenariat avec l’association France terre d’asile. Pour réussir l’intégration, les partenaires sociaux ont aussi un rôle à jouer, on l’oublie trop souvent.  

Propos recueillis par dprimault@cfdt.fr