“Les quartiers populaires se voient opposer la figure concurrente de la France périphérique ” abonné

Thomas Kirszbaum est Chercheur associe a l’institut des sciences sociales du politique. Auteur d’En finir avec les banlieues ? Le désenchantement de la politique de la ville (éd. L’aube, 2015).

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 28/10/2019 à 08h20

Thomas Kirszbaum LydieLecarpentierREACela fait quarante ans que les politiques échouent à façonner une stratégie pour les quartiers qui permette de conjuguer «l’urbain» et «l’humain»…

La politique de la ville existe en effet depuis quarante ans et sa longévité même est souvent perçue comme le signe irréfutable de son échec. C’est méconnaître que le «problème des banlieues», entendu comme la concentration dans les mêmes quartiers de ménages pauvres appartenant souvent à des minorités « ethno-raciales », est un trait permanent du fonctionnement des villes dans un monde à la fois globalisé et inégalitaire.

En France comme dans d’autres pays, les politiques de la ville sont en tension entre deux objectifs souvent contradictoires. D’un côté, certains programmes cherchent, à l’image de la rénovation urbaine ou des zones franches, à améliorer la situation des territoires ; de l’autre, des actions visent la promotion sociale des habitants.
Or la valorisation du territoire ne profite pas mécaniquement aux habitants en place ; inversement, la promotion des gens ne bénéficie pas nécessairement aux quartiers car, souvent, les gens déménagent quand leur situation s’améliore. Ce dilemme consubstantiel à la politique de la ville explique sa difficulté à engranger des succès visibles, car les quartiers – même rénovés – restent, alors que les populations bougent.

Comment expliquer le recul de la solidarité nationale vis-à-vis des quartiers défavorisés ?

Il y a d’abord le contexte des politiques néolibérales qui fragmentent et divisent les classes populaires et moyennes selon des frontières ethniques, au détriment des solidarités de classes. Depuis une dizaine d’années, les quartiers populaires se voient systématiquement opposer la figure concurrente de la « France périphérique », celle des « territoires » comme on l’appelle depuis le mouvement des gilets jaunes. Toute ambition politique vis-à-vis des quartiers de banlieue est désormais inhibée par l’appréciation d’un risque politique : celui d’exacerber le ressentiment de cette France des « invisibles » et des « oubliés de la…

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