Retour

Un rapport se penche sur les parcours des représentants du personnel

Publié le 22/02/2018

Alors que le nouveau cadre des ordonnances s’applique, un rapport s’intéresse aux conséquences pour les élus et mandatés dans les entreprises.

Depuis le 1er janvier 2018, les ordonnances réformant le code du travail s’appliquent. Pour les militants syndicaux, une véritable course contre la montre s’est engagée : il s’agit d’appréhender le nouveau cadre du dialogue social et de mettre au point les pratiques syndicales les plus pertinentes en un temps record. Les formations proposées par les fédérations et unions régionales, les syndicats et unions professionnelles se multiplient et font salle comble ! Pas étonnant, compte tenu de ce que toutes les élections qui se déroulent en temps normal sur un cycle électoral de quatre ans auront lieu en 2018 et 2019. La priorité va donc à la stratégie de négociation du protocole d’accord préélectoral et à l’appropriation du comité social et économique (CSE). Tout en ayant en tête la ligne que l’avant-projet de résolution du 49e congrès confédéral propose d’établir : « Pour la CFDT, le cadre, l’organisation et le fonctionnement du dialogue social doivent être négociés en préalable à toute négociation d’entreprise. C’est la garantie d’une adaptation au plus près de la réalité des travailleurs et de l’organisation de l’entreprise, avec une ou plusieurs instances si nécessaire » (article 1.3.2.1.1.).

Anticiper le repositionnement

Les entreprises profiteront-elles du nouveau cadre issu des ordonnances (et en particulier du décret sur les moyens) pour dénoncer leurs accords de droit syndical et aligner le nombre de mandats et d’heures de délégation sur le minimum légal ? C’est ce que craignent les militants, même si la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ne cesse de rappeler : « Dans le décret, le nombre d’élus est un minimum et les entreprises, au travers du dialogue social, peuvent aller au-delà. » C’est aussi l’un des facteurs, avec le cumul des mandats, qui rend impossible un chiffrage précis du nombre de personnes que le nouveau cadre du dialogue social va laisser sans mandat. Des estimations dans la presse font état de 150 000 à 200 000 mandats appelés à disparaître sur les 767 000 recensés par la Dares pour 2011* : ce nombre, le plus récent à disposition, comprend les mandats de représentants du personnel titulaires (y compris les délégués syndicaux). Le nombre de ceux qui détenaient au moins un mandat d’élu (DP, membre de CE ou de CHSCT) titulaire ou suppléant, ou de DS, est lui évalué à « autour de 600 000 ».

Il n’y en a pas moins « urgence » à anticiper « le repositionnement de tous ceux qui perdent leur mandat du fait du regroupement des instances » : c’est le constat établi par Gilles Gateau, DRH d’Air France (qui fut conseiller social de Manuel Valls à Matignon), et Jean-Dominique Simonpoli, directeur général de l’association Dialogues, auteurs d’un rapport remis le 16 février à la ministre du Travail et intitulé « Accompagner la dynamique du dialogue social par la formation et la reconnaissance de ses acteurs et par la valorisation des meilleures pratiques ».

Reconnaissance et valorisation de l’expérience

Entre l’instauration du CSE en lieu et place des trois instances préexistantes (CE, CHSCT et DP) et l’entrée en vigueur des dispositions de la loi Rebsamen en matière de parité relative hommes-femmes dans la composition des listes de candidats, les auteurs anticipent « une réduction du nombre des mandats d’élus en entreprise et un renouvellement important des représentants du personnel ». Selon eux, « dans la plupart des cas, notamment dans les PME, les choses se feront naturellement, car les représentants n’avaient jamais quitté leur poste ». Mais ils s’inquiètent du sort de ceux qui « étaient parfois élus depuis longtemps et occupaient dans les grandes entreprises des mandats “lourds” (au-delà d’un mi-temps et jusqu’à un plein-temps) les ayant durablement éloignés de leur poste de travail d’origine ».

Actant que « les organisations patronales ne veulent pas de nouvelles obligations », Gilles Gateau et Jean-Dominique Simonpoli proposaient comme seule mesure législative nouvelle que les entreprises de plus de 5 000 salariés se voient « incitées à négocier sur les modalités d’accompagnement des mandats lourds ». La ministre du Travail a estimé qu’écrire aux 230 à 250 entreprises concernées suffirait. Pour le reste, les recommandations du rapport sont frappées au coin du bon sens : préparer au plus tôt la transition des anciennes IRP au CSE ; prévoir les mesures d’accompagnement des salariés perdant leur mandat ; associer, y compris par des accords-cadres, les organisations syndicales.

Plus structurellement, Gilles Gateau et Jean-Dominique Simonpoli préconisent d’engager un effort accru de formation en sanctuarisant les moyens dédiés à la formation des élus et mandatés par les organisations syndicales. La ministre s’est engagée à maintenir la subvention versée à l’AGFPN (Association de gestion du fonds paritaire national) au titre de la formation économique, sociale et syndicale. Ils souhaitent également voir les grandes écoles et universités intégrer la thématique du dialogue social dans leurs cursus et les formations communes prévues par la loi Rebsamen « passer à la phase de mise en place ».

Troisième enjeu, l’amélioration des conditions d’exercice des mandats et la reconnaissance et la valorisation de l’expérience. Cela passe par le déploiement des meilleures pratiques. Mais aussi par le fait d’organiser les entretiens de début et de fin de mandat issus de la loi Rebsamen le plus tôt possible (de six à douze mois avant la fin du mandat) et de les compléter par un entretien de mi-mandat. Autres propositions, s’assurer que les salariés détachés ou mis à disposition auprès d’une structure syndicale gardent un pied dans l’entreprise, former les conseillers en évolution professionnelle à l’aide au repositionnement post-mandat, faciliter l’accès des anciens représentants du personnel au concours d’inspecteur du travail… Enfin, ont insisté les auteurs, « il faut donner du sens et du contenu aux décisions déjà prises », citant le travail en cours avec la DGEFP (Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle) sur la certification des compétences acquises durant le mandat et utilisables par l’entreprise. Tout en jugeant « dommage que les organisations patronales n’aient pas été partie prenante de ce groupe de travail », pourtant paritaire… À bon entendeur.

aseigne@cfdt.fr  

* Dares Analyses, « Les représentants du personnel – Quelles ressources pour quelles actions ? », novembre 2014.