Loi Pacte : Ce qui change dans les entreprises

Publié le 05/06/2019

Promulguée à la fin mai, la loi Pacte doit entrer en vigueur au 1er janvier 2020. Seuils, épargne salariale, rémunération des dirigeants : de nombreuses mesures impactent directement la prise en charge syndicale des sujets en entreprise.

Donner aux entreprises les moyens d’innover, de grandir et de créer des emplois, telle était l’ambition du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte). La loi éponyme, adoptée au Parlement près d’un an après sa présentation en Conseil des ministres, vient d’être promulguée.

Plusieurs de ses dispositions vont dès les prochains mois venir bouleverser le travail syndical des militants. À commencer par les seuils d’effectifs, qui vont connaître une modification des règles de calcul. Dans une majorité de cas, la loi retient la méthode de calcul des effectifs issue du code de la Sécurité sociale, plus simple mais également plus restrictive que celle issue du code du travail. « Jusqu’alors, dans le code de la Sécurité sociale, les intérimaires n’étaient pas pris en compte pour le calcul de l’effectif de l’entreprise utilisatrice. Il y a fort à parier que certaines catégories de salariés (apprentis, intérimaires…) soient à l’avenir également exclues », s’inquiète la CFDT.

À cela s’ajoute le relèvement ou la suppression de certains seuils déclenchant des obligations de l’employeur, comme l’instauration d’un règlement intérieur (désormais à partir de 50 salariés) ou le fait de communiquer aux actionnaires le montant global des rémunérations des dix personnes les mieux payées (250 salariés contre 200 auparavant). « Ce dogme politique qui consiste à faire croire que les PME ne grandissent pas à cause des seuils et des obligations qui leur sont attachées démontre la vision rétrécie que nos dirigeants ont du dialogue social », appuie le secrétaire national Philippe Portier. Durant tout le débat parlementaire, la CFDT n’a cessé de dénoncer ces mesures qui, seules ou combinées, rendent plus difficile le franchissement des seuils et les obligations légales qui en découlent. Aussi appelle-t-elle à la vigilance des élus d’entreprise sur les risques de recul des droits des salariés.

Épargne salariale : élargir le champ de la négociation

À l’origine, le Pacte voulu par l’exécutif portait une vision ambitieuse : généraliser l’épargne à tous les salariés, y compris ceux des TPE. In fine, la loi privilégie l’assouplissement de la fiscalité sur l’intéressement. Le forfait social, qui correspond aux taxes versées par l’employeur lorsqu’il distribue de l’intéressement à ses salariés, est supprimé sur l’ensemble des versements d’épargne salariale (l’intéressement, la participation et l’abondement de l’employeur) pour les entreprises de moins de 50 salariés, et le seul intéressement pour les moins de 250.

La CFDT a également obtenu la création d’un intéressement de projet interne à l’entreprise

« Cela peut encourager les entreprises à substituer aux augmentations de salaires des rémunérations défiscalisées, sans droits sociaux pour les salariés », alerte la CFDT – la participation et l’intéressement ne créant aucun droit à la retraite. La loi incite néanmoins les branches à négocier d’ici au 31 décembre un dispositif d’intéressement, de participation ou plan d’épargne – l’occasion pour les élus d’exiger des produits socialement responsables. La CFDT a également obtenu la création d’un intéressement de projet interne à l’entreprise, qui définit un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise. L’occasion de donner corps à la notion de sous-traitance responsable en associant par exemple, l’ensemble des sous-traitants et leur donneur d’ordres à l’intéressement.

Gouvernance : de la théorie à la pratique

En matière de gouvernance, la loi prévoit la présence d’un administrateur salarié dans les conseils de huit membres et plus, et de deux au-delà de douze membres. Par conséquent, une modification des statuts des entreprises devra être opérée dès la tenue des assemblées générales (AG) ordinaires de 2020, les administrateurs salariés devant prendre leurs fonctions au plus tard six mois après la tenue de l’AG. À noter que les droits à la formation de ces derniers sont doublés et ne peuvent désormais être inférieurs à quarante heures par an.

« Ces administrateurs doivent être d’autant mieux formés qu’ils auront à l’avenir un rôle spécifique à jouer dans la bonne prise en compte de la “raison d’être” de l’entreprise [issue du rapport Notat-Senard de mars 2018] en fournissant un contrepoint utile au critère financier de court terme ; et celle des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie de l’entreprise », note la CFDT. Une autre mesure pourrait d’ailleurs venir y contribuer : l’obligation des entreprises du CAC 40 de présenter à l’AG des éléments sur le niveau de rémunération des dirigeants et leur évolution par rapport à la rémunération moyenne et médiane des salariés au cours des cinq dernières années. Un premier pas vers plus de transparence dans les écarts de rémunération, que la CFDT, conformément à la résolution du congrès de Rennes, souhaite voir réduire.

     

 

Épargne retraite : simplifier et redonner du sens

La loi Pacte a conduit à simplifier un système complexe en harmonisant les produits assurantiels collectifs et certains produits de gestion d’actifs (Perco) avec les produits individuels. L’épargnant pourra désormais transférer l’encours d’un plan d’épargne retraite vers un autre, étendre l’option de réversion en cas de décès du titulaire à l’ensemble des dispositifs d’épargne retraite, choisir le mode de sortie (en capital ou rente) du produit d’épargne retraite quel qu’il soit.

Pour la CFDT, « il s’agit surtout de redonner du sens ». En cela, elle peut se féliciter d’avoir obtenu la généralisation de la gestion pilotée, qui consiste à adopter une allocation plus risquée au départ et à la sécuriser à mesure que l’échéance de la retraite se rapproche, à tous les produits d’épargne retraite. À cela s’ajoute la création d’une obligation de conseil aux salariés, pour calibrer le produit en fonction des projets de chacun, et celle de proposer une allocation intégrant des titres d’entreprises solidaires à forte utilité sociale.

     
             

aballe@cfdt.fr

©Photo Emile Luider