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Le Syndicat Santé-sociaux Haute-Garonne et Ariège met le collectif au service des sections syndicales

Publié le 27/06/2017

Le développement et l’implantation syndicale comme axe politique stratégique  : c’est le choix du Syndicat Santé-sociaux de la Haute-Garonne et de l’Ariège depuis 2015. Les sections, transformées en laboratoires de bonnes pratiques, racontent.

« Une section qui ne développe pas est déjà une section qui perd des adhérents. » Pour Pierre-Louis Canavelli, secrétaire du Syndicat Santé-sociaux de la Haute-Garonne et de l’Ariège, le développement ne saurait être une pratique syndicale optionnelle. Le renouvellement de la CFDT en dépend. « On ne sait jamais qui on fait adhérer, ça peut être le futur Laurent Berger ! Un salarié qui adhère a rarement un plan de parcours syndical en tête. » Dans cette région historiquement très marquée par la CGT, le syndicat a adopté depuis son dernier congrès, en novembre 2015, une stratégie de syndicalisation faisant du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse, premier employeur de la région, son laboratoire de bonnes pratiques.

Stratégie ciblée par services et par catégories de personnel

     

Cartographier le développement
Vu la taille de certaines structures, les militants CFDT ont choisi de sectoriser le développement en travaillant par services. « Parfois, il suffit de valoriser le travail effectué auprès d’un service rencontrant des problématiques particulières pour faire basculer le rapport de force. Le bouche-à-oreille fait le reste », explique Didier Leblay, délégué syndical à l’hôpital Purpan. Les résultats sont là : Purpan-Ouest est devenu la plus grosse section du Syndicat Santé-sociaux Haute-Garonne et Ariège avec 170 adhérents, contre 80 il y a deux ans. « Notre objectif ? Arriver à 200 adhésions d’ici à la fin de l’année ! »

Mieux répartir le temps syndical
Ouvrir les vannes en contrôlant l’implication syndicale, un choix politique totalement assumé : « Nous avons voulu ouvrir le temps de décharge syndicale à des personnes qui n’avaient pas forcément d’expérience militante, explique Pierre-Louis Canavelli, secrétaire général du syndicat. Si la personne ne s’investit pas suffisamment, la section nous alerte et la personne retourne dans son service. »

Cibler l’outillage
Dans sa stratégie de développement, le syndicat s’appuie sur la distribution d’outils pratiques et ciblés par catégories de personnel. Mémo pour les aides-soignants ou les techniciens de laboratoire, fiches pour les infirmiers, magazine trimestriel destiné à l’encadrement… « Ces outils permettent de marquer durablement notre présence sur le terrain », explique Valérie Habire, militante à l’hôpital Joseph-Ducuing.

     

« En étant à l’écoute des agents sur le terrain, nous avons pu régler plein de choses en dehors des instances et nous rendre visibles. De 120 adhérents en 2012, la section est passée à 400 en 2016 », indique Pierre-Louis Canavelli. Une stratégie que le syndicat compte appliquer à une majorité de sections au cours de la présente mandature. « La proximité, c’est la clé. Les agents attendent de nous de la disponibilité et des solutions concrètes. Pas que l’on mette le bazar sur leur lieu de travail », explique Didier Leblay, délégué syndical à l’hôpital Purpan-Ouest, l’un des sites du CHU. Dans un secteur où le mal-être des agents est de plus en plus palpable, beaucoup font appel à la section pour des collègues qu’ils sentent en difficulté. « Or, bien souvent, le problème est commun à tout le service. » La section de Purpan a donc fait le choix de quadriller les interventions, en réglant les problèmes service par service. « Si les problèmes d’ordre individuel continuent à être traités, on travaille de plus en plus sur des problématiques collectives, que l’on vient valoriser une fois les résultats obtenus. Aujourd’hui, notre objectif est de faire adhérer des services entiers », poursuit Didier Leblay. Une méthode qui fait ses preuves, à condition de n’oublier personne. « À chaque tournée de service, on va voir tout le monde, y compris les cadres. » Adeline Canavelli, chargée de la structuration des cadres pour le syndicat, prône un discours adapté à ce public spécifique, souvent oublié : « Quand on admet que les cadres de proximité peuvent aussi rencontrer des difficultés et qu’on le leur fait savoir, ils sont généralement plus à l’écoute lorsque l’on vient leur parler des problèmes des agents. » Partant de ce constat, le syndicat a conçu un magazine trimestriel, Émancipation, dans lequel sont traitées des problématiques spécifiques à l’encadrement. Une stratégie de communication ciblée, comme pour les autres catégories de personnel soignant, totalement intégrée au plan de développement du syndicat.

Une répartition élargie du temps syndical

Dans un milieu où les postes d’encadrement sont le plus souvent le fruit de promotions professionnelles, maintenir ce lien entre les différentes catégories est essentiel. Certaines sections ont ainsi opté pour des moments conviviaux, sans ordre du jour systématique, en vue de faciliter les échanges entre les agents : adhérents et non-adhérents, cadres et non-cadres. « Le fond est important, mais la forme aussi. Par la convivialité, on arrive à créer un collectif et à régler en direct un certain nombre de choses », explique Valérie Habire, militante active à l’hôpital toulousain Joseph-Ducuing. Sachant qu’il y a 150 cadres sur un total de 500 agents, elle veut à tout prix « éviter le fonctionnement en silos, qui ne produit rien d’autre que de la frustration et des tensions ». Avec cette méthode alliant proximité de terrain et moments conviviaux, la section a enregistré un développement de 10 % en quelques mois, et compte désormais 68 adhérents.

Mais la proximité requiert du temps, dont manquent parfois ces militants. Afin d’éviter l’épuisement des sections portées par une poignée de militants, le syndicat départemental expérimente depuis 2015 une répartition élargie du temps syndical. « Il faut arrêter d’espérer que des adhérents qui ne se sont pas investis dans la vie de la section depuis des années finiront par franchir le pas du militantisme, déclare Pierre-Louis Canavelli sans détour. Quand les sections repèrent des personnes sérieuses mais sans expérience syndicale, il est proposé à ces dernières de suivre pendant quelques jours le délégué syndical sur le terrain puis de s’entretenir avec le syndicat en vue de se voir attribuer une décharge de temps syndical pour aller à la rencontre des agents. » À une condition : ne pas se tourner les pouces dans le local syndical ! Un scénario qui ne s’est produit qu’une fois en deux ans. « Ce temps d’échange préalable sur les motivations est essentiel et nous permet généralement de déceler d’éventuels comportements opportunistes. La méthode nous a permis de faire émerger une nouvelle génération de militants impliqués. Mais cela demande d’avoir le courage politique de “démandater” quelqu’un quand ça ne fonctionne pas. Aujourd’hui, l’ensemble du temps syndical est utilisé. »

En à peine seize mois, 19 nouvelles sections créées

Le développement n’est pas qu’une affaire interne. Si le rôle du syndicat est de venir en appui des sections existantes, il importe également de favoriser l’implantation syndicale. Les élections constituent une porte d’entrée à ne pas rater, au risque de devoir attendre quatre ans de plus. « On essaye d’aller signer tous les protocoles d’accord préélectoraux et de rencontrer les élus sans étiquette. Parfois, ce sont les salariés qui nous interpellent », explique Laëtitia Pribudic, secrétaire adjointe du syndicat. En seize mois à peine, dix-neuf sections CFDT ont ainsi vu le jour, comme à l’Apeihsat (Association des parents d’enfants inadaptés et handicapés de la société Airbus Toulouse). Ghislaine Berthoin y était élue CGT (alors seule organisation syndicale présente), mais a fini par ne plus vouloir être dans la confrontation permanente. « J’avais en tête un syndicalisme force de propositions, où les élus pourraient se positionner en fonction de leurs aspirations et non parce qu’il fallait combler un trou sur une liste. » Dans sa toute jeune section, créée en janvier dernier, cette déléguée syndicale a su mener de front une double campagne d’implantation syndicale et électorale. En mars dernier, les élections sont venues confirmer son choix d’un syndicalisme de proximité et d’engagement : la CFDT a fait 39 %, à deux petits points de la CGT.

aballe@cfdt.fr

     

Repères

• Le Syndicat Santé-sociaux de la Haute-Garonne et de l’Ariège compte 105 sections (dont 90 du secteur privé) et 1 400 adhérents.

• En 2016, le syndicat a enregistré une progression de 8 % en matière de syndicalisation (et de 4 % depuis le début de l’année 2017).

• Au CHU de Toulouse, plus gros employeur de l’ancienne région Midi-Pyrénées avec 12 000 agents, la CFDT est arrivée deuxième organisation syndicale avec 23 % des voix (10 % en 2010), derrière la CGT (46 %) mais devant FO (16 %) et Sud (15 %). La CFDT compte 400 adhérents, contre 120 en 2012.