Le syndicat Santé-sociaux de l'Ain repense l’organisation du travail en libérant la parole abonné

Dans l’ex-région Rhône-Alpes, le travail conjugué des sections et de leur syndicat conduit à des améliorations notables dans les établissements de santé en panne de dialogue social.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 06/08/2018 à 06h38

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« Aujourd’hui encore, l’organisation du travail reste une prérogative exclusivement patronale. Or les salariés sont les mieux placés pour s’exprimer sur l’organisation de leur travail afin d’améliorer les processus de travail. La CFDT réaffirme sa volonté de faire de l’organisation du travail un sujet de dialogue social dans les entreprises et les administrations en impliquant pleinement les institutions représentatives du personnel et les syndicats. » Cette ambition, inscrite dans la résolution du congrès de Marseille, les syndicats santé-sociaux rhônalpins l’ont faite vivre en activant avec succès des espaces de dialogue dans certains établissements médico-sociaux. « L’impossibilité de réaliser un travail de qualité est souvent au centre de l’expression de mal-être des salariés dans ces établissements. Se préoccuper différemment du travail réel ne peut que régénérer un dialogue social défaillant et renforcer le syndicalisme de résultats que nous revendiquons », plaide l’Union régionale interprofessionnelle (URI) de Rhône-Alpes (devenue Auvergne-Rhône-Alpes en 2017), qui a décidé en 2015 de répondre à l’appel à projets « QVT [qualité de vie au travail] et performance » lancé par la région.


Une approche directe et rapide
La démarche entamée à Bellegarde s’appuie sur « une approche globale alliant proximité avec les salariés, coconstruction des solutions et vitesse d’exécution », explique le Syndicat santé-sociaux de l’Ain, qui a accompagné la section. « Dans les établissements de santé, le taux de rotation du personnel est tel qu’une action au long cours aurait échoué à faire bouger les problématiques et lassé des personnels déjà à bout. D’où la nécessité d’une méthode facile à utiliser par la section. »

Des initiatives coordonnées
Portées simultanément dans plusieurs syndicats santé-sociaux rhônalpins, ces expérimentations ont été présentées lors d’une journée bilan en mai 2017. « Construire des espaces de dialogue où le contenu du travail est réinterrogé est bénéfique aux salariés comme à la qualité du service au public. Mais cela nécessite de s’affranchir des postures habituelles, de définir des délais raisonnables, de se fixer des priorités et d’en évaluer les résultats concrets », souligne Jean-Michel Roblet, du Syndicat santé-sociaux de l’Isère.

Un kit prêt à l’emploi
Pour l’Union régionale interprofessionnelle d’Auvergne-Rhône-Alpes, qui a placé la QVT au cœur de son projet revendicatif, il s’agit désormais de capitaliser sur ces expériences. Un kit est à la disposition des équipes du médico-social qui voudraient s’emparer du sujet. De leur côté, les référents santé au travail de l’URI (un par département) ont été formés à la négociation d’accord.

Pour sa première phase d’expérimentation, l’URI choisit le secteur médico-social, très représenté et doté d’une forte cohésion. À l’automne 2015, la méthode de travail et le calendrier d’action sont présentés aux syndicats santé-sociaux et à la dizaine de sections candidates.

Objectif : améliorer la qualité de vie au travail

« Chaque syndicat devait identifier une ou deux sections remplissant deux conditions : avoir l’aval de la direction et être la seule organisation syndicale présente sur le site pour permettre une mise en place plus facile », se souvient Marie-Laure Gète-Brevet, secrétaire du Syndicat santé-sociaux de l’Ain. Sur le terrain, l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Croix-Rouge de Bellegarde-sur-Valserine, alors en grève, voit dans ce projet une occasion à saisir. « Nous avions sollicité une enquête locale sur la QVT, sur la base du travail effectué au niveau national de la Croix-Rouge. Mais notre demande n’avait pas été suivie d’effets », explique la déléguée syndicale Sylvie Mouret. Là-bas, les problématiques sont les mêmes que partout en France mais se retrouvent amplifiées par la situation géographique de l’Ain (un des départements les plus pauvres en personnel médical) et par la vétusté du bâtiment. « Avec deux salles de douches pour 67 résidents et sans pièce commune adéquate, le bâtiment [un foyer logement transformé en Ehpad] n’est pas adapté pour accueillir des personnes âgées de plus en plus dépendantes. » La section ne tarde pas à s’engager dans la démarche et organise une première réunion en mai 2016 avec les adhérents et salariés de l’établissement. « On a vraiment vu la parole se libérer et les points de blocage saillants se dessiner à ce moment-là », se souvient Dominique Fernandez, déléguée du personnel.

Des salariés qui veulent être acteurs du changement

Parmi la multitude de problématiques remontées par les salariés, quatre sont identifiées comme prioritaires : la relation soignants-encadrement, le manque de moyens matériels (le bâtiment est dépourvu de téléphone interne, ce qui oblige les soignants à utiliser leur portable personnel pour tout type d’intervention), l’absence d’espaces professionnels de parole et la pression exercée par la direction afin que les accidents de travail ne soient pas déclarés. Mais l’échange ne s’arrête pas aux griefs. « Dans les enquêtes flash, le cahier revendicatif naît de ce que disent les salariés. Là, nous avons voulu que les salariés soient acteurs jusqu’au bout, et qu’ils proposent des solutions de changement », poursuit Sylvie. Des pistes d’amélioration, ordonnancées conjointement par la section et le syndicat dans une grille de lecture séparant ce qui relève de l’organisation du travail, du contexte socio-économique ou des relations professionnelles, sont présentées dès septembre 2016 aux salariés. « Une étape…

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